Le 18 février 2025, les députés et sénateurs se sont accordés sur l’adoption en chambre paritaire mixte d’une version définitive du projet de loi « d’orientation pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture » déposé par le gouvernement d’Emmanuel Macron, juste après son adoption au Sénat dans l’après-midi.
Le gouvernement s’était engagé dans une course contre la montre au Parlement pour faire adopter rapidement son projet de loi d’orientation agricole avant le salon international de l’agriculture qui aura lieu ce weekend à compter du 22 février 2025.
Cela fait suite au mouvement de revendication des agriculteurs qui a débuté en 2024.
L’objectif de l’État est clair : faire de l’agriculture, la pêche et l’aquaculture un impératif d’intérêt général majeur en garantissant le renouvellement des générations agricoles et en simplifiant la règlementation des activités agricoles.
Or, ce projet n’est pas sans conséquence sur la biodiversité qui a été sacrifiée par les dispositions du texte.
Dans une ère où les espèces sont déjà menacées par l’utilisation excessive des ressources naturelles par l’Homme, cette loi d’orientation, qui a vocation à orienter le modèle agricole sur les dix prochaines années, marque un profond recul de la protection de l’environnement.
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La justification des atteintes portées à la biodiversité par la notion de l’intérêt général majeur
L’article 1 du projet de loi affirme que l’agriculture, la pêche, l’aquaculture et l’alimentation sont d’intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire, qui contribue à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation.
Si la consécration de la notion de « souveraineté alimentaire » est bienvenue en ce qu’elle s’aligne avec l’objectif solidaire d’un accès à l’alimentation pour tous, l’utilisation du terme « d’intérêt général majeur » est dangereuse.
En effet, ce terme permettrait de justifier et de légitimer toute activité relative à l’agriculture, la pêche, l’aquaculture et l’alimentation qui porterait atteinte au droit de l’environnement, si l’intérêt général était invoqué.
Elle pourrait constituer une base pour déroger à la législation environnementale en faisant par exemple primer les intérêts de l’agro-industrie sur les obligations de l’Etat en matière de protection des espèces.
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La dépénalisation des atteintes non intentionnelles à l’environnement
L’article 13 du projet de loi prévoit que seules les atteintes aux espèces protégées « intentionnelles » ou consécutives à une « négligence grave » seront passibles de poursuites pénales.
Cela revient quasiment à dépénaliser les atteintes portées à la biodiversité dès lors que l’intention de tuer est très difficile à prouver en droit et que « La plupart du temps, la destruction de l’espèce est un dommage collatéral » comme le relève Laure Piolle, animatrice du réseau Agriculture et Alimentation.
Quant à la négligence grave, celle-ci est très rare, « ce sont les négligences simples comme les imprudences ou les manquements à une obligation de prudence qui sont retenues » ajoute Laure Piolle.
Cette dépénalisation s’avère surtout en totale contradiction avec l’article 4 de la Charte de l’environnement selon lequel « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi. ».
D’autant plus que la condamnation, si elle est prononcée, ne consiste plus en une peine de 3 ans d’emprisonnement et une amende de 150.000 euros comme autrefois mais en une simple sanction administrative… de 450 euros d’amende au mieux.
En outre, cette disposition est applicable à toute activité humaine et pas simplement aux agriculteurs, ce qui interroge sur sa véritable portée : l’amélioration des conditions des agricultures ou la destruction de la biodiversité ?
Cela signifie en pratique qu’un agriculteur pourrait détruire une espèce en taillant une haie ou en utilisant des pesticides s’il affirme le caractère non intentionnel de son acte, de la même manière qu’un particulier serait libre de détruire la faune présente autour de lui par l’utilisation d’un produit phytosanitaire.
Autant dire que cette disposition déroule le tapis rouge à toute comportement négligeant voire malveillant, à contre-courant de la Charte de l’environnement qui impose à chacun d’être prévenant quant aux atteintes susceptibles d’être portées à l’environnement ou, à défaut, d’en limiter ses conséquences.
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Comme le relève Arnaud Gossement, le projet de loi est une « fausse promesse faite aux agriculteurs car l’article 13 de la loi d’orientation agricole est contraire au droit européen ». En effet, la directive européenne adoptée le 11 avril 2024 incrimine quant à elle certaines infractions, et ce, sans exiger de caractère intentionnel.
Le texte tente de se rattraper en proposant de favoriser les restaurations écologiques, mais comment restaurer une espèce détruite ? Quand un animal est mort, c’est trop tard !
Cet article 13 constitue donc un séisme juridique qui porte une atteinte immense à la protection des êtres vivants, y compris à des espèces protégées.
Il remet ainsi en cause l’article 215-1 du Code rural, texte vieux de trente-cinq ans, qui consacre la première condamnation pour destruction d’espèces protégées.
C’est pour cette raison que les associations de protection animale et environnementale se sont regroupées pour lancer une pétition dénonçant l’impunité future qui sera accordée en cas de destruction des êtres vivants appartenant à des espèces protégées.
Code Animal encourage toute personne soucieuse du bien-être des animaux à signer cette pétition, au nom de la biodiversité.
Axelle Lesseur
Signer la Pétition
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Sources
Loi d’orientation agricole : comprendre les enjeux en 3 minutes – CCFD-Terre Solidaire