« Tout grand mouvement doit faire l’expérience de trois étapes : le ridicule, la discussion, l’adoption » (John Stuart Mill).
Si la condition animale fut longtemps jugée comme n’étant pas nécessaire ou moins importante que d’autres sujets pour s’inscrire à l’ordre de jour de l’Assemblée Nationale et exiger de grandes réformes, c’est un texte majeur qui a été adopté vendredi 29 janvier 2021.
Une deuxième proposition de loi (ci-après PPL) était en discussion dans l’hémicycle. Elle s’inscrit dans les traces de celle déposée par le député Cédric Villani (NI) (Lire notre article à ce sujet) discutée lors de la niche parlementaire du groupe EDS, le 8 octobre 2020 dernier, mais également dans celles des annonces ministérielles du 29 septembre 2020 de Mme Barbara Pompili (Lire notre article à ce sujet).
En décembre dernier, le parti politique de la majorité présidentielle LREM (La République en Marche) s’est, elle aussi, penchée sur les problématiques liées à la condition animale. Les élus ont pris conscience de l’importance de ce débat tant pour les animaux, mais également pour répondre aux attentes sociétales fortes des français — 89% des Français.es estiment que la cause animale est importante (sondage IFOP pour le Collectif Animal Politique, 2019). La proposition de loi 3661 contre la maltraitance animale a donc été déposée sur le site de l’Assemblée Nationale mi-décembre. Dès lors, les parlementaires ont sollicité l’expertise de Code Animal sur les sujets liés à la captivité des animaux sauvages (cirques, spectacles, animaux sauvages chez les particuliers, etc.)
Le Député Loïc Dombreval a présenté cette PPL en tant que rapporteur général et chargé du chapitre Ier sur les animaux de compagnie et équidés. À ses côtés, M. Dimitri Houbron a la charge du chapitre II visant à durcir la répression pénale en cas de maltraitance et autres sanctions, et Mme Laëtitia Romeiro Dias est chargée des chapitres III et IV sur la captivité des animaux sauvages utilisés à des fins commerciales et sur l’élevage des visons pour la production de fourrure.
Audition de Alexandra Morette Présidente de Code Animal
LE TRAVAIL EN COMMISSION
Victoir Hugo : « il n’est rien au monde d’aussi puissant qu’une idée dont l’heure est venue »
Le 20 janvier, les débats se poursuivent en commission des affaires économiques. Il a été fait le constat unanime d’une amélioration urgente pour la condition animale qui devait s’inscrire dans la législation française. Malgré cet accord collectif, certains demandaient une certaine « pondération » afin de « considérer les professionnels ».
Le terme d’« agribashing » a été mentionné alors même qu’aucune mesure sur l’élevage n’était en discussion et M. Villiers (UDI-I) aura même évoqué le décret de 2017 relatif à l’abattage rituel et aux dispositions européennes, afin de savoir ce que le gouvernement avait l’intention de faire. Certains ont pris la parole pour rendre hommage aux circassiens, alors même qu’ils n’ont, à aucun moment, été évoqués de manière péjorative ou encore pour défendre les zoos, assurant que les animaux sauvages y étaient heureux, mais que leur présence servait également la science.
La députée Lætitia Romeiro Dias (LREM) a par d’ailleurs rappelé en cours de séances que « Le débat se situe sur la captivité [qui] est en elle-même inadaptée et cause de la maltraitance pour ces animaux. »
Lachaud (LFI), M. Falorni (PRG) et M. Orphelin (NI) ont toutefois dénoncé le manque d’ambition du texte, car la chasse et l’élevage industriel étaient les deux grandes absentes.
C’est à ce titre que Roland Lescure, président de la commission, rappela les règles de l’Assemblée nationale à ce sujet et a qualifié ces amendements de « cavaliers législatifs ». En effet, pour balayer ces arguments il a usé de l’article 45 de la Constitution qui dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. »
Un cavalier législatif est un amendement dont il est estimé sans lien, même indirect avec le texte. Ainsi, chasse, corrida et élevage n’ont aucun lien, même indirecte avec la souffrance animale. Pourtant les deux premières sont des pratiques de « divertissements » et ne pas les avoir considérés dans cette PPL ou au moins, accepter les amendements relatifs est quelque peu incongru.
«Transformer nos engagements en acte est notre travail et il faut prendre la mesure de la situation»
Aurore Bergé
Sondage IFOP pour la Fondation 30 Millions d’Amis (2021)
La liste positive
Amendement CE37, CE67, CE75, CE128
La #ListePositive, est l’un des combats menés par Code Animal. Elle fut présentée dans deux amendements, l’un porté par Mme O’Petit (LREM) et l’autre par M. Villani. La mode des « nouveaux animaux de compagnie » impacte directement la biodiversité, contribue au trafic faunique et pose des difficultés dans le cas des zoonoses. En France, comme en Europe, les propriétaires sont de plus en plus nombreux.
Malgré l’accueil positif du rapporteur général, les amendements sont, sans raison, rejetés.
Photo Crédit : Pixabay
Les spectacles avec animaux sauvages
Amendements CE79, CE88, CE90, CE130, CE131, CE132 et CE133.
Plusieurs députés ont proposé d’opérer une sélection entre des espèces qui souffriraient plus d’autre. Mais les trois rapporteurs sont accordés sur une seule liste d’animaux interdits, et non deux. Une bonne nouvelle ! Code Animal s’est battu pour faire annuler ces listes qui faisaient des différences entre les espèces sans réel fondement. On se basera donc sur l’arrêté de 2006 qui définit les animaux domestiques et par opposition toutes les espèces qui ne sont pas présentes dans l’annexe de cette réglementation sont considérées comme non domestiques et en ce sens concernées par l’interdiction, comme le suggère Code Animal avec d’autres associations.
Mme Petel (LREM) a par ailleurs évoqué les spectacles donnés par les cirques sans animaux, en faisant part de leur beauté et créativité.
D’autres avancées soutenue par Code Animal : la suppression de la dérogation qui autorisait des animaux sauvages castrés en scène sans fondement ni explication légitime !
Les dates butoirs : arrêt de la reproduction et des nouvelles acquisitions immédiates comme nous l’avons toujours porté et une date butoir ambitieuse de 5 ans qui, concrètement sera de 6-7 ans le temps de l’application de la loi ce qui est plutôt intéressant pour nous laisser le temps de trouver des solutions pour les fauves et les singes. En effet, ces espèces sont constituées de centaines d’individus et les structures d’accueil pouvant leur venir en aide sont trop peu nombreuses pour répondre aux besoins.
« La souffrance issue du dressage, dans un établissement fixe ou itinérant est la même »
Cédric Villani
Photo Crédit : Les Pisteurs
S’agissant des cétacés, les avis divergent. En captivité, les besoins biologiques sont rarement respectés — si ce n’est jamais, que la réintroduction est inexistence ou très faible et que la conservation des espèces et un argument purement fallacieux.
Di Fillipo (LR) et M. Labaronne (LREM) se sont fait les avocats des delphinariums en transmettant les mêmes arguments creux et vides, que ces établissements énumèrent inlassablement depuis des années.
M. Villani, Mme Romeiro Dias et M. Dombreval ont conjointement pu rappeler que nous devons vivre en cohérence avec les avancées scientifiques et éthologiques. Des comportements stéréotypiques sont observés, traduisant ainsi le profond mal-être de ces animaux marins, souvent sous antidépresseurs.
Il n’y a aucun intérêt à conserver une espèce si elle ne peut jamais jouir de ses impératifs biologiques (Mme la rapporteure cite notamment l’exemple de l’orque qui « devrait faire 1 400 tours de bassin par jour compte tenu de ses besoins physiologiques quotidiens. ») Les souffrances générées qui pèsent sur ces animaux captifs sont nombreuses et variées et ils sont médicamentés pour les soigner des maux que nous leur causons.
Également, la conservation des espèces, mission si importante des parcs zoologiques, ne réunit moins de 3% des budgets des zoos afin de contribuer au maintien de la faune sauvage libre. De plus, seulement 20% des espèces présentées sont en danger et plus de 90% des animaux sont nés en captivité.[1]
Nulle conservation, nulle protection et peu de réintroduction des espèces qui nourrissent une industrie archaïque, dont les missions, ne sont en réalité très loin du « bien-être animal ».
[1] https://www.dauphinlibre.be/le-vrai-visage-de-lindustrie-de-la-captivite/
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Les structures d’accueil et refuges
Amendements CE68, CE91, CE134
Les sanctuaires et refuges, bien que faisant consensus, n’ont pas été intégrés à la PPL, car Mme Dias souhaite une définition très précise, pouvant également permettre la reconversion d’établissements privés. Ainsi les amendements sont retirés, car l’affinement de cette notion est prévu pour la séance au sein de l’Assemblée nationale.
En effet, aujourd’hui les « sanctuaires » sont très peu encadrés et sont donc l’objet de dérives. Certains des animaux sauvés vont finalement finir dans des conditions de détention tout aussi mauvaises. Ainsi les autorités ont saisi une dizaine de tigres et de lions près de Paris, dans une structure aux visiteurs, qui pouvaient les nourrir avec de la chantilly ou du camembert.[1] Ces conditions de détention sur donc bien loin des dispositions de l’article L214-1 du Code rural et de la pêche maritime qui oblige les propriétaires à placer l’animal « dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. »
Ce genre d’établissements existent encore, vantant les mérites de leur contribution pour les animaux, alors que certains sont des anciens dresseurs ou circassiens. L’animal sauvage captif entre les mains des mauvaises personnes reste une source de profit. Qu’ils soient naît en captivité n’y change rien, ils restent, pour leur propriétaire des produits de consommation.
[1] https://www.presseportal.ch/fr/pm/100004691/100860741
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Revoir notre colloque « Face à l'urgence : créons des structures d'accueil pour la faune sauvage captive ! »LES DÉBATS À L’ASSEMBLÉE NATIONALE
« Il était enfin temps d’admettre que la souffrance animale n’est plus acceptable dans notre société (…) 2021 doit être l’année du renforcement de la lutte contre la maltraitance animale et il est temps de traduire des parole en actes «
David Corceiro
Les débats se sont déroulés sur trois jours : mardi 26, mercredi 27 et vendredi 29 janvier 2021. Comme en commission, les représentants ont souligné l’importance et la nécessité d’une telle PPL afin de répondre aux attentes sociétales et de contribuer à l’amélioration des conditions de détention de la faune sauvage (M. Corcero, MoDem et M. Leseul, SOC). M. Dive (LR) quant à lui, profitera de son temps de parole pour insister sur l’accompagnement des acteurs, ce que soutiendra Mme Auconie (UDI-I).
D’autres, comme M. Wulfranc (PCF), saluent l’initiative, mais estiment que le « niveau d’ambition est clairement tronqué ». Cette remarque ne sera d’ailleurs pas isolée, M. Lachaud dénonce la timidité des rapporteurs.es et du Gouvernement, tout comme M. Ledoux (Agir ensemble).
Pour Mme Bergé (LREM), cette PPL « est une réponse forte et claire : l’engagement sans faille de ceux qui se battent pur ceux qui ne peuvent pas le faire. » Aux accusations des autres groupes, qui parlent d’intérêts électoraux ou de populisme, elle leur affirme que ce texte était à la portée de tous, notamment avec les niches parlementaires.
Si Mme Bergé marque un point en faisant état du manque d’initiative, la niche parlementaire reste une option qui ne peut porter un texte aussi ambitieux, et dont les échanges sont parfois longs et répétitifs. La PPL déposée par M. Villani en octobre en est l’illustre exemple, car le texte fut débattu à partir de 22h seulement. Si l’initiative appartient à tous, le luxe de l’adoption n’est qu’entre les mains de la majorité qui dispose d’un calendrier beaucoup plus large.
Code Animal était présent à la manifestation du Parti Animaliste le 26 janvier dernier devant l’Assemblée Nationale
La liste positive
Amendements n° 17, 415, 213, 194 et 228.
M. Chalumeau, M. Villani, Mme O’Petit, M. Dombreval et Mme Cazebonne ont porté dans l’hémicycle des amendements visant à introduire la Liste Positive en droit français. Ils et elles ont notamment rappelé sa nécessité, tant vis-à-vis des zoonoses, que du trafic faunique et des dommages causés à la biodiversité.
Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie en demanda le retrait, car pour lui, l’arrêté du 8 octobre 2018 satisfait pleinement les conditions de détention. Or cet acte réglementaire fixe en réalité les espèces ne pouvant pas être détenues, rendant a contrario toutes les espèces n’y figurant comme pouvant être des animaux de compagnie. Une véritable catégorie fourre-tout donc ! M. Dombreval, rapporteur général, apporte son soutien à la liste positive, qui sera finalement adoptée, et ce malgré l’avis défavorable du gouvernement.
À plusieurs moments des débats, les propos de M. Lambert (Liberté et territoires) se sont fait remarquer, notamment par son intérêt profond pour les « nouveaux animaux de compagnie » et la faune sauvage (amendements 38, 285, 278, 283, 293, 296, 310, 312, 513, 39). Il dénonce à ce stade que les discussions n’ont concerné que les chats et les chiens, laissant sur les carreaux, lapin et autres compagnons. Il amenda à ce titre plusieurs fois les articles en discussion, afin que les mentions « animaux de compagnie » remplacent celle de « chiens et chats ». M. Lambert souhaite ainsi une harmonisation du droit interespèces afin qu’aucun animal ne soit lésé par ce texte.
Une remarque non pas sans intérêt, au contraire, lorsque la PPL concerne tous les animaux et non pas quelques espèces domestiques. Malgré tout, aucune de ses propositions ne sera adoptée.
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Pauget (LR) souhaite que la loi encadre mieux ces NAC (amendement 222), notamment lors de leur saisie. Il évoque une anecdote qui s’est déroulée dans sa circonscription, où cinq boas avaient été saisis par les pompiers. Toutefois, ni le parquet ni la préfecture ne savait comment réagir. « Dans les faits, bien souvent, lorsqu’il s’agit d’animaux extrêmement dangereux, les unités de secours n’ont malheureusement pas d’autre solution que de les euthanasier. »
Malheureusement, M. Dombreval et M. Denormandie ne rejoindront pas cette position, estimant que le rôle de fourrière ne relève pas de la compétence de l’État.
L’engouement pour ces animaux « exotiques » n’a cessé de croître ces dernières années. Des émissions (Mordus de NAC, TF1) font même état de ces propriétaires d’animaux « pas comme les autres » banalisant ainsi notre rapport avec la faune sauvage.
Nos relations avec la nature et les animaux s’opèrent dans une logique constante de domination, où l’humain lorsqu’il n’est plus satisfait de son emprise sur des animaux sauvages trop encombrants, se tournent vers ceux qui pourront rejoindre le foyer familial. Certains de ces animaux sont transportés dans des bouteilles en plastique, dans des valises avant de finir en cage ou dans un bocal. Le trafic faunique est le troisième plus lucratif au monde.
Les NAC représenteraient 6% des animaux de compagnie en France et pourtant peu de vétérinaires sont formés, ils ne sont pas acceptés en fourrière et leur accueil en refuge et compromis, ne leur laissant l’euthanasie pour seule option. Un véritable trou dans la raquette donc.
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Si certains propriétaires parlent de « passion » ou assurent qu’ils prennent soin de leur animal, cela n’est en rien le sujet du débat.
C’est ainsi toujours le même refrain lorsque la lutte pour les animaux s’intensifie. Ceux qui sont visés par des dispositions parlent d’amour, ce qui n’est absolument pas questionné. Les hommes ont suffisamment domestiqué les animaux, mais en veulent toujours plus. Parlant de passion, d’amour, alors que ces animaux sont encagés, parfois seuls.
Signez notre pétition pour apporter votre soutien !L’interdiction des animaux sauvages à des fins de spectacles
Villani a souhaité, à travers son amendement 441 étendre cette interdiction aux spectacles fixes. Malheureusement c’est un argument qui reste encore trop ambitieux pour ses collègues qui ne reconnaissent l’urgence de l’arrêt des spectacles qu’aux animaux sauvages des cirques et cétacés.
L’amendement 412, un recul honteux de la part du gouvernement, a été déposé dans le but de différencier les espèces sauvages qui pourraient ou non, continuer à être détenu par les criques itinérantes. Un acte en profonde contrariété avec l’objet de cette loi et des annonces gouvernementales du 29 septembre 2020. Code Animal a d’ailleurs dénoncé cet amendement lors d’une tribune publiée dans le journal Le Monde
Lachaud demanda un vote sur cet amendement. À l’issue du scrutin, la majorité des députés et les rapporteurs ont su garder leur position et n’ont pas suivi le gouvernement (15 pour, 62 contre).
L’adoption de cet article est une véritable victoire pour Code Animal qui se bat sur ces questions depuis plus de 10 ans !
La fin de la captivité des cétacés
Certains ne rejoignent malheureusement pas la vision du député C. Villani et, comme M. Di Filippo (LR), estiment que les animaux sauvages sont en réalité très heureux en captivité.
Il estime également que les structures d’accueil n’auront pas le budget d’assurer le « bien-être » de ces animaux, et qu’il vaut donc mieux les laisser au sein de leur mouroir.
Argument auquel se joint M. Labaronne, M. Lagarde (UDI-I), M Brindeau (UDI-I) et Mme Auconie. S’en suit un débat indécent sur la qualité des études fournies démontrant la nécessité d’intervenir pour la fin de la captivité des cétacés. Remettant en cause les compétences scientifiques des revues et qu’aucune démonstration scientifique n’a pu faire état du mal-être de ces animaux captifs. Ou encore sur l’importance de la mission des parcs zoologiques.
Si le mal-être doit pour certains se prouver par des revues scientifiques — qui pour eux n’existent pas, interdire la détention de cétacés relève de « sensiblerie ». Un terme méprisant, tant au regard la lutte en faveur de la cause animale et des animaux, que des Français.es qui sont 70% opposé.e.s à leur captivité (sondage IFOP de 2018 pour C’est assez !, Fondation Brigitte Bardot, 30 Millions d’Amis).
Au même titre, 69% sont pour l’interdiction des delphinariums qui maintiennent en captivité des orques et des dauphins à des fins de divertissement (sondage IFOP de 2020 pour 30 Millions d’Amis) et 86% des Français pensent que le gouvernement devrait encourager et accompagner la création de sanctuaires ou refuges marins pour accueillir les cétacés captifs et les réhabituer à la vie sauvage (sondage IFOP de 2018 pour C’est assez, Fondation Brigitte Bardot, 30 Millions d’Amis). Parler de « sensiblerie » pour un débat de cette importance n’est pas digne d’un représentant — certains gagnés par le mépris de cette PPL et de son sujet ne font plus la part des choses et oublient que leur place à l’Assemblée signifie avant tout un devoir de représentation, et non l’avis d’une personne dont l’esprit est bloqué au siècle dernier.
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Il n’y a qu’à observer cette vidéo de l’orque Valentin, flottant sur le dos (un signe alarmant de mal-être, pour comprendre qu’il se laisse mourir. Il n’y a qu’à lire son histoire pour comprendre que Valentin était une orque malheureuse, brisée par le rejet de sa mère, le départ de Shouka, sa demi-sœur. Valentin deviendra violent, il adoptera des comportements stéréotypiques, mutilations et apathie. Si certains députés doutent du mal-être des animaux présent dans les delphinariums, comment expliquer qu’un jeune orque mâchonne de béton où se cogne la tête contre les murs et les portes ?
Le fait qu’un être soit vivant ne suffisent-il pas au respect de sa vie ? Un dauphin vaut-il moins qu’un chien ? Pour M. Mélanchon (LFI) « Le rôle, la place, la manière d’être des dauphins, ce n’est pas de sauter à travers des cerceaux ni de pousser des balles ; ils ont leur propre vie, leur propre cohérence, et contribuent ainsi au fonctionnement global de notre écosystème, parfois selon des voies que ni vous ni moi ne connaissons. Bien que nous ignorions comment, nous savons que nous sommes complémentaires, entre espèces, dès lors que chacune est libre de suivre son destin. »
De plus, si la pédagogie avait vraiment un rôle à jouer, les enfants sauraient que les dauphins et orques rencontrent des problèmes de peau à cause du chlore, n’utilisent plus leur sonar, car captif il n’a pu d’intérêt, deviennent suicidaire à un tel point qu’ils sont médicamentés… Quelle conservation ! Mais ces faits sont gardés à l’abri du public afin de continuer cette barbarie.
Certains à l’Assemblée, comme M. Di Filippo dénonçait la volonté du gouvernement de les droguer en les castrant chimiquement, en ignorant que cela était déjà le cas. Évidemment, quand on est envoyé pour faire du lobbying pro-zoo, les informations pouvant leur causer du tort ne seront pas révélées.
Parler de bien-être quand on sait que l’industrie des parcs zoologiques brasse des millions, dans quelle logique certains peuvent-ils penser que cela va dans le sens de l’animal ? Des investisseurs, des clients attendent un retour sur leur investissement, leur ticket d’entrée.
A contrario, M. Lambert rappelle, encore une fois, que les dauphins et les orques ne sont pas les seuls animaux malheureux présents dans les delphinariums et trouvent cet article incohérent. Il cite à ce titre les otaries et prend notamment l’exemple de Paul le poulpe, qui vivait en paix sur les côtes de Marseille avant d’être pêché pour divertir une « bande guignols » et réduit à choisir entre des balles. Si cet exemple peut faire sourire, M. Lambert résume à raison l’asservissement des animaux par les hommes. Qui, arrachés à leur terre et famille, ne vivent désormais que pour satisfaire les humains.
Ce genre de pratique reste malheureusement nombreuse, tous types d’animaux sont sélectionnés afin de désigner un gagnant, lire dans l’avenir. Sans cesse les scientifiques, médias alertent sur l’état critique de la biodiversité et pourtant vidéos et images ne cessent de circuler lorsqu’un animal est utilisé à des fins de divertissement. Une relation de dominant/dominé subsiste toujours.
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Pauget quant à lui souhaite que cette décision ne soit pas « le remède proposé [qui] soit pire que le mal », il craint en effet, que les animaux soient cédés à l’étranger, et qu’ainsi, leur malêtre se perpétue ailleurs.
C’est une remarque intéressante qui est soulevée par le député d’Alpes-Maritimes. Les cétacés, comme les animaux sauvages des circassiens, restent la propriété de ces établissements privés et ce sont ainsi eux qui décideront de leur sort à l’entrée en vigueur des dispositions les concernant. En finir avec la captivité en France, ne les sauvera pas de terminer leur vie emprisonnée ou de tomber entre de mauvaises mains, comme des « refuges » malintentionnés.
L’interdiction des animaux sauvages dans les émissions de télévision, des « montreurs » d’ours et de loups a également été adoptée. Les échanges étaient sur ce sujet plus harmonieux, les députés s’accordant à penser qu’un tigre n’avait pas sa place dans une cage sur une île et que des ours n’étaient pas faits pour faire du vélo.
Vote et représentation
L’article 1er (animaux de compagnie) comptait 127 votants, l’article 12 (animaux sauvages utilisés à des fins de divertissement) n’en comptait que 82. La faune sauvage n’intéresse ainsi pas autant que les chats ou les chiens. Mais surtout, ce sont 495 députés qui n’étaient pas présents pour débattre des conditions déplorables dans lesquelles vivent les animaux présentés à des fins commerciales, et ce alors même que 72% des Français.es sont pour l’interdiction des cirques avec animaux sauvages, 14% seulement d’entre eux ont été représentés dans l’hémicycle.
79 des députés ont voté en faveur de cette PPL, 2 contre (UDI-I). Ainsi, les discours d’ouverture qui déclarait que cette loi est importante et s’inscrit dans les considérations de notre époque n’ont parfois pas pris la peine de rester jusqu’au vote ou même d’y participer.
Et pourtant, ce n’est pas une discussion qui parvient souvent à se glisser dans l’ordre du jour — désintérêt ou mépris pour la cause animale, si la classe politique doit être représentative, elle est surtout absente. Le même constat fut d’ailleurs dressé en octobre suite à la PPL déposée par M. Villani.
Cela, les Français.es l’ont bien compris, car 68% d’entre eux considèrent que les politiques ne défendent pas suffisamment bien les animaux (sondage IFOP de 2021 pour 30 Millions d’Amis) et 71% sont favorables à ce que la protection animale figure dans l’intitulé d’un ministère, par exemple le « ministère de l’Environnement et de la protection animale » (sondage IFOP de 2018 pour L214).
Des chiffres qui en disent malheureusement beaucoup. Si toutes les associations de protection animale font un très gros travail, en amont comme en aval, les élus ne se saisissent que très rarement des débats, et quand ils le font, ils ne sont pas toujours à la hauteur.
Lambert disait à ce titre « Ce que nous sommes en train de vivre dans l’hémicycle est la traduction d’un gâchis (…). La loi ne sera jamais à la hauteur de l’ambition requise, parce que c’est un texte d’opportunité, construit sur divers intérêts et destiné à montrer à l’opinion qu’une lutte contre la maltraitance animale était menée.»
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C’est un premier volet qui s’achève avec le vote de cette loi à l’Assemblée nationale. Il ne reste plus qu’à espérer que le Sénat tienne le cap des députés, à défaut de quoi, elle perdrait en substance et en cohérence.
Toutefois, l’accompagnement des ces mesures est majeur, car si les cirques itinérants ne peuvent plus posséder d’animaux sauvages, le risque reste qu’ils se sédentarisent ou vendent leurs animaux à l’étranger plutôt que de les remettre à des associations afin d’offrir à ces espèces, des conditions de vie plus dignes.
Circassiens et fourreurs ont à ce titre partagé leur mécontentant et ont tenté de plaider leur cause durant les débats. Ils dénoncent l’« acharnement des animalistes »[1] et se disent tous deux « victimes des mêmes mesures liberticides » (ibid).
Ces secteurs ont avant tout été victimes de la crise sanitaire, et cherchent un bouc émissaire à la pathologie de leur profession. Cette loi n’est que la traduction d’une volonté sociétale forte et n’est que les actes concrets suivant les annonces de Madame Pompili. Rien de très étonnant donc à ce qu’ils entrent dans le droit français.
Certains députés restent anthropocentrés et font part d’argumentations archaïques, où l’animal reste asservi par l’humain. Certains ont exprimé leurs craintes vis-à-vis des prochaines avancées, expliquant qu’un animal aura bien des difficultés à se défendre seul devant la justice… Ce sont des propos creux et vides de sens, qui ont pour objet de ridiculiser les débats. Ils étaient, heureusement, minoritaires.
Bientôt viendra l’époque où les propos, comme ceux M. Lagarde, clamant qu’un animal ne vaut pas un homme, ne seront plus et laisseront place au respect du vivant, une cohérence entre toutes les espèces et non l’aversion d’une sur les autres.
[1] https://www.liberation.fr/france/2021/01/28/loi-sur-la-maltraitance-animale-fourreurs-et-circassiens-reprennent-du-poil-de-la-bete_1818699
Lire la tribune de Code AnimalSur le fond, cette PPL est encore trop timide pour le nom qu’elle porte. Beaucoup dans les rangs de l’hémicycle ont dénoncé un texte lacunaire qui ne traitait que des sujets non fâcheux, qui feraient plus ou moins rapidement consensus. En effet, il semble plus difficile d’interdire la corrida, qui est une pratique « traditionnelle » protégée par notre Code pénal que la vente en animalerie pour les animaux domestiques.
Certains délais semblent être beaucoup trop longs face à l’urgence de la situation. 2023 pour la fermeture des trois fermes à visons françaises, alors que l’on sait, les visons être des hôtes favorables aux zoonoses pouvant être transmises à l’homme. M. Dombreval avait par ailleurs demandé leur interdiction immédiate en commission.
Si cette PPL est en principe bonne, elle reste incomplète pour que l’on puisse réellement parler de Lutte contre la maltraitance. Quoi qu’il en soit, elle restera évidemment dans les mémoires pour avoir été celle mettant fin aux calvaires des animaux sauvages détenus à des fins de divertissements ou d’habillement.
Vincent Ledoux a déclaré durant les débats du 26 janvier 2021 « Lutter contre la maltraitance animale c’est aussi lutter pour un monde plus fraternel. Nous devons impérativement agir pour un monde éthique, pas seulement pour les hommes, mais pour l’ensemble des êtres vivants. Sur cette planète, le destin de l’homme est éminemment lié à celui de l’animal : respectez l’animal et vous respectez l’homme. »
Pénélope Ehles
Sources :
- Pour voir les députés qui ont voté pour/contre le texte
- https://www.dauphinlibre.be/la-triste-vie-de-lorque-valentin-au-marineland-dantibes/
- https://www.code-animal.com/valentin-1996-2015/
- https://www.politique-animaux.fr/opinion-publique