Le film à gros budget « Sur la piste du Marsupilami « de l’acteur/réalisateur Alain Chabat est un succès commercial. Pour ceux qui ne connaitrait pas le Marsupilami, il s’agit d’un animal imaginaire, de bande-dessinée, crée par André Franquin en 1952. Alain Chabat se déclare grand fan de Franquin, il est sincère, mais a-t-il bien compris le message que véhiculait le génial Franquin sur la liberté en général et celle des animaux en particulier ?
Une drôle de vision de l’animal
Le scénario de ce film traite les animaux pour le moins violemment. Perroquet subissant une fausse séance de réanimation qui a tout d’un combat de catch, pour tout dire pénible à regarder au bout d’un moment (mon enfant s’est caché les yeux tout du long de cette scène), une tortue portée comme un sac à patates et posé sans ménagement dans un minuscule aquarium, un lama secoué comme un shaker, un chihuahua hystérique se masturbant dans l’oreille de l’acteur Jamel Debbouze etc. Il y a une part d’utilisation d’animaux réels et de trucages (j’ose espérer que l’on n’a pas réellement obligé ce petit chien à se masturber sur la tête de Mr Debbouze, m’enfin !).
Mais, au final, quelle image des animaux le film véhicule-t-il aux enfants ?
On peut tout leur faire, ils peuvent tout subir, ils ne sentent rien et ils ne souffrent pas, pire, ils aiment qu’on les traite comme ça.
La loi du plus fort
Dans la bande-dessinée originale, les Marsupilamis sont indomptables, doués d’une force et d’une intelligence hors du commun, ils mettent des raclées à tous ceux qui osent attenter à leur liberté, qui se conduisent mal envers la nature (André Franquin était un écologiste avant l’heure) ou qui font preuve d’injustice. Dans l’adaptation du film, il en va de même et le Marsupilami dézingue méchamment un odieux militaire qui veut le torturer à coup de teaser.
La violence semble être la seule voie qu’a un animal pour faire respecter sa liberté face aux humains. D’ailleurs plus l’animal se rebelle et plus certains hommes jouissent de pouvoir le soumettre. Hélas, la plupart des animaux capturés n’ont pas assez de force et comprennent que face à l’homme et à sa violence (physique ou psychologique) ils n’ont pour choix que la soumission ou la mort. Sûrement guidés par un instinct de vie impérieux, la plupart cèdent. Mais il arrive que des animaux préfèrent se laisser mourir plutôt que de se soumettre.
Pour Alain Chabat utiliser un animal, arraché par l’humain à sa légitime liberté, et le faire dresser selon sa fantaisie et ses besoins ne lui pose aucun problème. Ainsi il déclare dans la presse :
« C’est marrant de tourner avec les animaux, j’aime beaucoup. Déjà, c’est le bordel, cela sème la panique. Ils sont tellement imprévisibles qu’il se passe toujours des choses, bien ou non d’ailleurs. Il faut être zen mais surtout ne pas faire semblant car ils le sentent… il faut se détendre. Sur ce film, j’ai du perroquet, du lama, du chihuahua. J’aime travailler avec des dresseurs, particulièrement avec David Pittavino, qui sait résoudre tous les problèmes… Le coati [de la famille du raton-laveur], il ne connaissait pas, il voulait un singe, pour une utilisation plus classique qui me convenait à moitié, et j’ai insisté. Finalement, il a trouvé une portée et l’a dressée… C’est le genre de type qui sait s’adapter à tout. Lorsqu’on est dresseur d’animaux, on ne se laisse pas intimider par une équipe de tournage. Même si elle abrite Jamel… ».
Des contradictions écologiques
Le tournage d’un film est synonyme de gabegie écologique, néanmoins il faut paraître écologiquement correct. Il est donc à la mode de soutenir une action « écologique » en annexe. Ainsi le film s’associe au site web Save Palombia , soutenue par le WWF. Il s’adresse aux enfants à qui l’on dit : « Protège la forêt avec le Marsupilami » en distillant des tas de bons conseils (utiliser du bois FSC pour ne pas piller les forêts, ne pas gaspiller l’eau, trier ses déchets, etc.).
Hélas, il n’y a aucun conseil qui parle de laisser les animaux en liberté dans leurs habitats naturels et ne pas les exploiter pour le plaisir des humains. Comme, par exemple, les perroquets du film (des Aras) qui n’ont pas le droit de vivre libre (leur habitat naturel est justement l’Amérique du Sud, continent où vit fictivement le Marsupilami) pour se retrouver exploités par des dompteurs qui font de l’argent sur leurs plumes. Rappelons que les Aras sont menacés d’extinction à l’état sauvage.
Pire le site du film distille encore cette idée de violence sur les animaux que l’ont trouve dans le film avec le jeu intitulé « La fessée pour les perroquets (!) » on peut y lire : « Toujours là quand il ne faut pas ces perroquets, il mérite bien une petite fessée de temps en temps ! » Le but du jeu étant de faire chasser des perroquets par des Marsupilamis. Pauvres perroquets et super positif et écologique comme message !
Des occasions ratées
– Le film aurait pu être un magnifique hymne à la liberté, le meilleur hommage à faire à André Franquin. Hélas si il dénonce bien la bêtise des dictateurs, il ne dénonce pas l’une des plus grande dictatures, celle de l’humain sur les animaux. Dommage.
– Les énormes moyens techniques utilisés pour créer le Marsupilami auraient pu servir aussi à créer tous les animaux du film sous forme virtuelle (voir l’article sur le film Tintin), au regard du succès du film le surcoût de cette technique aurait été vite amorti. Dommage.
– Enfin Alain Chabat, si il tenait absolument à avoir des animaux réels, aurait pu faire un partenariat avec 30 millions d’amis qui a lancé un « visa Fondation 30 Millions d’Amis » pour le cinéma. Ce visa est accordé, aux producteurs et réalisateurs qui en font la demande, à la fin d’un contrôle sérieux et approfondi sur le bien-être et le respect des droits des animaux sur un film. Encore dommage.
Houba, houba !
Pour conclure, je crois que si le Marsupilami existait vraiment, il aurait été furax de tomber sur cette équipe de cinéma qui piétine la jungle et retient des animaux prisonniers et qu’il aurait cassé la figure à tout ce petit monde pour libérer les animaux du tournage ! *
Vive le Marsupilami, vive Franquin et vive la liberté !
*Cette conclusion pas glop, mais sincère, n’engage que l’auteure de l’article et pas l’association Code Animal.
Marie-Christine Detienne