« Vous ne pouvez passer un seul jour sans avoir d’impact sur le monde qui vous entoure. Ce que vous faites peut faire la différence ; il vous appartient de décider quelle genre de différence vous voulez apporter ».
Ces mots, prononcés par la célèbre éthologue et spécialiste des primates Jane Goodall, font aujourd’hui écho à de nombreux projets lancés à travers le monde et consacrés au rôle que peut jouer la technologie moderne dans la préservation de l’environnement et la protection des espèces. L’institut Jane Goodall lui-même consacre d’ailleurs tout un travail de recherches à la question.
Dans cette même optique, la société américaine John Downer Productions, pionnière dans sa manière de filmer la vie sauvage, a créé des robots-espions plus vrais que nature, capables de s’infiltrer incognito au plus près des animaux sauvages en se fondant parfaitement dans leur décor.
Munis de caméras, placées notamment au niveau des yeux, ces robots, également appelés animatroniques, sont de véritables bijoux technologiques réalisés à l’aide de fraiseuses ou d’imprimantes 3D, et constitués d’un mélange de matériaux, comme l’aluminium, le laiton, l’acier ou encore le silicone.
Des heures de visionnage d’enregistrements au ralenti sont nécessaires avant de procéder à la fabrication de l’animal-espion, afin de recréer mécaniquement ses mouvements de la façon la plus réaliste et performante possible.
Grâce à des émetteurs et récepteurs radiocommandés, chaque robot est ensuite contrôlé à distance par des techniciens, sans être détecté par les animaux et, par conséquent, sans les déranger.
Récemment, une équipe de cinéastes travaillant pour John Downer Productions s’est rendue dans un sanctuaire pour animaux en Ouganda et est parvenue à s’infiltrer au cœur d’un groupe de gorilles sauvages des montagnes, au moyen d’un petit robot-gorille troublant de réalisme. L’équipe a d’ailleurs apporté un soin tout particulier aux yeux de l’animal, moyen de communication par excellence chez les gorilles sauvages. Le robot était ainsi capable de détourner les yeux pour manifester son respect envers les gorilles adultes et mieux s’intégrer au sein du groupe, sans susciter de méfiance.
Ce projet, qui aura nécessité trois années de travail, a permis de collecter des images sans précédent, et notamment une scène inédite montrant des singes chantant autour d’un repas, venant ainsi appuyer et confirmer une étude réalisée au Congo en 2016. De plus, les enregistrements sonores recueillis ont permis de découvrir une facette très intéressante du comportement des gorilles mâles : plus ils apprécient la nourriture qu’ils sont en train de déguster, plus ils chantent !
Le résultat de ce projet est si édifiant que même la BBC a décidé de placer cette nouvelle technique d’observation de la faune sauvage au cœur d’une série de documentaires intitulée « Spy in the wild ». Les cinq épisodes de cette série se consacrent ainsi à des thèmes aussi variés que novateurs, tels que les émotions ressenties par les animaux et leur intensité par rapport aux sentiments humains, ou encore l’intelligence, l’amitié et l’espièglerie animale.
« Le but de cette série était de capturer ces moments uniques, dans lesquels les animaux font des choses si extraordinaires que cela nous amène à reconsidérer notre propre rapport avec la nature… »
explique John Downer.
Cette méthode d’observation révolutionnaire permet donc d’observer de grandes similarités entre le mode de vie des animaux et bon nombre d’aspects de notre vie humaine. Ainsi, le fait que nos émotions existent aussi au sein du règne animal nous amène inévitablement à mieux les comprendre et à transformer à la fois le regard que nous portons sur eux et l’attitude que nous adoptons envers eux.
Grâce à cette technique, il est donc possible aujourd’hui d’observer la faune sauvage sans la perturber, au sein même de son milieu naturel, et de découvrir des comportements qui demeuraient jusqu’alors insoupçonnés ou méconnus des scientifiques.
Au vu de la qualité et de la pertinence de ces images mises à disposition du grand public, se pose alors la question de la légitimité des zoos, aquariums et autres cirques dans leur prétendu rôle éducatif.
En effet, cette nouvelle technologie et les documentaires qui en résultent mettent en lumière les failles de ces parcs et spectacles au sein desquels les animaux sont gardés – et souvent nés – captifs et contraints de vivre entourés de murs, à même le béton et derrière des barreaux ou une vitre, à travers lesquels ils sont scrutés par de nombreux visiteurs à longueur de journée.
Il est évident que le comportement physiologique et social de ces animaux est faussé par les conditions de vie qu’on leur impose et qu’il ne saurait en rien refléter celui d’un animal évoluant librement au sein de son milieu naturel.
Alors, à l’instar des réserves pour animaux sauvages et des parcs nationaux, la technologie moderne semble aujourd’hui capable de proposer une toute nouvelle manière d’observer les animaux sans leur porter atteinte, débouchant ainsi sur une meilleure compréhension de leur comportement, de leur quotidien et des points communs que nous partageons avec eux.
Et si la technologie apportait finalement cette fameuse différence, si chère à Jane Goodall ?
Julie Guinebaud