Retour sur la PPL Animaux en séance publique au Sénat

Le 30 septembre 2021, la condition animale entrait au Sénat : une journée de débats qui a mis K.O. les défenseurs des animaux de tous horizons. Pour autant, ce moment restera historique, car ce thème ne franchit pas souvent les portes d’un débat législatif (pourtant nécessaire).

Malgré tout, la proposition de loi adoptée le 29 janvier 2021 par les députés était déjà maigre (en « oubliant » notamment la chasse, la corrida, l’élevage intensif, les combats de coqs, l’expérimentation, etc.), certains sénateurs sont allés plus loin dans le déni avec un toupet inégalé en édulcorant encore un peu ce texte, devenu assez minable, pour un pays qui se dit prêt à évoluer en faveur des animaux.

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« Les animaux ne sont pas des biens consommables » disait le ministre de l’Agriculture, il ne faut pas prendre des « demi-mesures » affirmait Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. Ces discours qui, s’ils ont été beaux à écouter, restent finalement assez creux. Il faut quand même rappeler, que le Ministère de la Transition écologique avait annoncé des mesures fortes en septembre 2020, des mesures attendues, et un an après, toujours rien de concret.

Les sénateurs quant à eux, notamment messieurs Gay, Salmon, Bazin, Gold, ou mesdames Boulay-Esperonnier et Benbassa ont tenu des discours qui donnaient de l’espoir, poignants, conscients des enjeux et des actes qui vont avec avec le dépôts d’amendements, tentant de rendre le texte de la commission un peu plus ambitieux. Mais cette lueur a malheureusement disparu assez rapidement à l’ouverture des débats  lorsque certains sénateurs comme Anne Chain-Larché avançaient des arguments peu fondés et presque fallacieux pour défendre des positions anthropocentrées et conservatrices.

« Compromis », « consensus », « accompagnement des professionnels », « avis de scientifiques experts en faune sauvage »  : voilà aujourd’hui ce qui permet de continuer l’assouvissement des animaux sauvages dans les divertissements en France. Madame Chain-Larché aura même eu le culot d’affirmer que le Sénat n’était pas rétrograde contrairement à ce que certains pensaient (sans pour autant permettre de penser le contraire suite à ces nombreux propos scandaleux). Difficile de penser que ces allégations puissent être sérieuses alors même que l’ambition du texte a changé pour une vision anthropocentrée, comme si ce n’était déjà pas assez le cas, bien bien loin de toute considération de diminuer la maltraitance animale.

 

Nombreux ont été ceux à rappeler la loi Grammont de 1850, qui certes a été une étape majeure  en droit animalier, mais dont le but premier était la protection de l’animal à travers la protection de la moralité publique, les jeunes enfants surtout.

En 2021, avec les connaissances éthologiques, mais aussi éthiques, il faudrait songer à protéger les animaux pour ce qu’ils sont : des êtres vivants. Oui, la sensibilité a été reconnue en 2015 dans le Code civil (article 515-14), mais il s’agissait surtout d’un acte symbolique, celle-ci existe déjà depuis 1976 dans le Code rural et de la pêche maritime. Car si l’animal est dans le Code napoléonien reconnu comme tel, il reste « sous réserve des lois qui les protègent (…) soumis au régime des biens. »

Pas trop d’évolutions opérées par le texte qui sort du Sénat : l’animal est considéré comme un bien de divertissement. Et ce malgré la connaissance de sa sensibilité, dont on semble peu disposer à faire évoluer le statut pourvu que sa souffrance serve de « pédagogie », que son asservissement serve les professionnels, que ses « incompatibilités » soient moindres avec un mode de vie qui pourtant les détruits.

Stéréotypies, solitude, automutilation : voilà la réalité derrière la captivité. Mais bon, Madame la rapporteure est visiblement plus connaisseuse du terrain que les innombrables associations se battant depuis des années, dont Code Animal, pour être aussi sûre de tels propos ou bien même des professionnels vétérinaires de la Fédération des vétérinaires européens…

Photo credit : Code Animal

Quelles sont les évolutions positives du texte à retenir ?

La détention d’un animal exotique a été un peu mieux encadrée. La commission avait adopté l’interdiction des envois des animaux dans des colis, cette mesure fut affinée par M. Bazin en collaboration avec Code Animal, afin de prendre en compte tous les modes d’envois postaux. Également, aucun sénateur n’est revenu sur la mention « satisfait ou remboursé », mais encore une fois, sous l’impulsion de Code Animal, le sénateur Bazin a demandé l’introduction dans le texte de l’interdiction des mentions « promo » comme on peut parfois en voir sur les terrariums des reptiles vendus en animalerie. Cette avancée a pu être permise grâce à l’une de nos enquêtes. L’animal aura le mérite d’être un peu moins traité comme un objet.

 

La liste positive a, quant à elle, était affaiblie, alors même qu’elle n’était remise en cause par aucun sénateur. La Belgique a déjà adoptés cette liste dont les espèces animales pouvant être détenues sont énumérées. En France, nous procédons de manière inverse avec l’arrêté du 18 octobre 2018, qui est une véritable catégorie fourre-tout, ouvrant la porte à toutes les dérives puisqu’une espèce n’y figurant pas pourra être détenue. Au moins, Code Animal se réjouit qu’elle n’ait pas été enlevée des débats, celle-ci ne figurant initialement pas dans le texte.

Il faudra donc poursuivre nos efforts en commission mixte paritaire !

L’animal sauvage reste partiellement un objet de divertissement

Ce chapitre (n°3), on le savait, rencontrerait des difficultés, mais le niveau intellectuel des débats qui en est ressorti est alarmant, effrayant même. La dimension politique de certaines mesures n’étaient plus masquées, les lobbies ayant semble-t-il pris confortablement place dans les rangs.

L’article 12, visant initialement l’interdiction de tous les animaux sauvages dans les cirques prévalait d’une certaine évolution dans notre droit de la place que nous donnons aux autres animaux.

« Tradition », « c’est l’histoire de la France », « la possibilité de voyager sans se déplacer », « de rêver pour les enfants » et même, de « pédagogie », autant d’arguments archaïques concentrés en une journée il fallait le faire !

Le mépris pour la condition animale est confirmé (bien que le passage en commission ne laissait que très peu de doute). Le gouvernement lui-même a opéré un recul honteux en soutenant les dispositions de Madame la rapporteure qui a réduit cette interdiction à certaines espèces sauvages.

Sur les delphinariums, la reproduction des animaux restera autorisée sous prétexte qu’il n’existe pas de méthode avérée pour la contrer et que c’est aussi pour assurer le « bien-être animal » que d’autoriser ces animaux à ce reproduire. En revanche, la stérilisation des chats errants est passée (tant mieux !). Quelle est la cohérence dans les arguments avancés ?

Piétinement de recherches scientifiques pour protéger une profession marginale, minoritaire qui ne représente que très peu la population française lorsqu’elle asservit des animaux sauvages comme activité professionnelle. Madame Chain-Larché a affirmé avoir rencontré tous les intervenants sur le sujet, sans nous avoir reçus sur cette thématique précise malgré 3 auditions.

Parler de consensus et voir uniquement les personnes qui défendent la captivité dans les structures itinérantes ou les vétérinaires dont le conflit d’intérêts est évident : ce n’est pas faire débat, c’est faire plaisir à une minorité contre une avancée demandée par l’opinion publique. Évidemment les arguments scientifiques avancés par la suite, sont erronés !

Photo credit : Code Animal

Sur l’article 12 bis, traitant des structures d’accueil, la définition établie en commission fut affaiblie alors même que c’est une nécessité d’encadrer, de donner une définition claire et précise des sanctuaires et refuges afin d’éviter des dérives. Il est donc important de ne pas autoriser le contact avec le public ou encore la reproduction afin de ne pas engranger le système. En ce sens c’est une avancée, malgré les oppositions du gouvernement.

L’article 13 sur les spectacles d’ours et de loups reste supprimé, car l’article 12 sur la captivité des animaux dans les établissements itinérants « en traite déjà ». Un (autre) scandale… Et ce, alors même que certaines espèces seront autorisées à rester captives. En fait, il est difficile parfois de comprendre les réponses de Madame la rapporteure tant elles sont bancales. Aucune espèce n’a été évoquée pendant les débats, on ne sait toujours pas à quels animaux non domestiques se réfère le Sénat depuis ce triste changement admettant que la captivité pouvait perdurer pour certains. Ainsi, il était totalement justifié, comme l’a fait monsieur Bazin, d’en demander la réintroduction dans le texte. Amendement qui fut bien évidemment refusé.

Photo credit : Code Animal

Monsieur Salmon aura eu la surprise de proposer l’interdiction de la corrida, une volonté à saluer, car cela montre que certains sénateurs sont enclins à une évolution de la France en matière de condition animale. Refusé à 246 voix contre 19, alors même que 75% des Français et Françaises s’y disent opposés (sondage IFOP 2021) : une absence de démocratie certaine, inhibée. Pour reprendre les termes de M. Bazin, lui-même citant Francis Cabrel : « est-ce que ce monde est sérieux ? ». Une proposition de loi a d’ailleurs été déposée par le groupe EELV au Sénat pour tenter de forcer cette discussion. De même sur les chasses dites traditionnelles.

Enfin, car il faut le préciser, lorsque les amendements posaient trop problème ou étaient sujet à débat : la carte du « scrutin public » était brandie. Un atout dont se servait Mesdames Abba et Chain-Larché, sans limites, et un peu à tout va, pourvu que cela aille dans leur sens c’est-à-dire peu évolutif.

Nous comptons donc à présent sur les députés pour le passage du texte en commission mixte paritaire – pour laquelle nous n’avons pas encore de date- ceux avec qui nous étions arrivés à un texte sérieux et soucieux de la faune sauvage captive.

Un texte qui nous permettait de faire un pas en avant sur les pratiques moyenâgeuses que nous perdurons au titre d’un « lien avec les animaux », afin que l’homme « puisse rêver » alors que ces autres animaux eux, deviennent dépressifs, sombrent dans la folie et souffrent d’un mode de vie où leur sensibilité n’est pas considérée, car elle est source de revenus.

Si la France pense être en avance, il faudra commencer à comprendre qu’inclure les animaux dans les débats n’est pas faire preuve de sensiblerie, mais d’évolution. La scène politique n’y échappera pas et sinon, les associations dont Code Animal, seront là pour rappeler la nécessité du débat, de ce progrès à réaliser.

M. Gay citait justement Victor Hugo dans son discours introductif, malheureusement il n’aura pas été entendu par les bonnes personnes, car après ce passage au Sénat : il semblerait que la faune sauvage captive reste (partiellement) en enfer.

Pénélope EHLES

Sources

http://www.senat.fr/basile/visio.do?id=c/compte-rendu-commissions/20210927/affeco.html&idtable=/compte-rendu-commissions/20210927/affeco.html&rch=gs&_c=cirque+%2B+animaux&al=true

https://www.politique-animaux.fr/sites/www.politique-animaux.fr/fichiers/ifop-bea-30ma-2021.pdf