« La nature, c’est la vie. Et pourtant, nous lui livrons une guerre – une guerre dans laquelle il ne peut y avoir de vainqueur », a-t-il déclaré. « Chaque année, nous voyons les températures grimper. Chaque jour, nous perdons davantage d’espèces. Chaque minute, nous déversons un camion poubelle rempli de déchets plastiques dans nos océans, nos rivières et nos lacs. Ne vous y trompez pas – c’est à cela que ressemble une crise existentielle ». – M. Guterres, secrétaire général de l’ONU.
La 16e conférence des Parties à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) s’est tenue à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre 2024. Elle est placée sous le thème de « La paix avec la nature », reconnaissant que le développement économique ne doit pas se faire au détriment de l’environnement.
C’est quoi la convention sur la diversité biologique (CDB) ?
La convention sur la diversité biologique a été adoptée le 5 juin 1992 lors du sommet de la Terre à Rio (Brésil). Elle est entrée en vigueur le 29 décembre 1993 et signée par 196 Etats et l’Union européenne (197 Parties). L’organe directeur de la Convention sur la Diversité Biologique est la Conférence des Parties (COP). Cette instance supérieure est composée de tous les gouvernements qui ont ratifié le traité (les Parties) et se réunit tous les deux ans pour examiner les progrès accomplis, établir des priorités et décider de plans de travail.
La Convention sur la Diversité biologique (CDB) a trois objectifs : « la conservation de la diversité biologique », « l’utilisation durable de la diversité biologique » et « le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques ».
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Dans la continuité de la COP 15 de 2022 :
Dans un contexte de perte massive et mondiale des espèces, la Cop 15 de 2022 s’était conclue sur un accord pour un nouveau cadre mondial pour la biodiversité, pour guider les actions dans le monde entier jusqu’en 2030, pour préserver et protéger la nature et ses services essentiels aux personnes. Ce cadre comprend 21 objectifs et 10 étapes proposées pour 2030, en vue de vivre en harmonie avec la nature d’ici 2050, dont notamment la restauration et la protection des écosystèmes essentiels, tels que les forêts tropicales et les zones humides.
En savoir plus : https://www.code-animal.com/cop15-et-convention-sur-la-diversite-biologique-cdb-a-kunming-en-chine/
Selon le site de l’ONU, « « Jusqu’à présent, moins de 35 pays ont soumis leurs plans », a déclaré Juan Bello, le Directeur régional et Représentant du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en Amérique latine et dans les Caraïbes. »
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La COP 16 :
L’objectif crucial de cette COP était de s’accorder sur la manière de tenir, d’ici à 2030, les objectifs fixés par l’accord-cadre de Kunming-Montréal, conclu lors de la COP15, en 2022, et qui prévoit notamment la protection de 30 % des terres et des mers de la planète à échéance 2030. Parmi ces objectifs, il était demandé aux Etats de s’accorder sur la mobilisation des ressources financières et la fixation d’un cadre commun permettant de suivre et d’évaluer les progrès des pays en matière de biodiversité. Un peu comme l’accord de Paris sur le climat.
Une suspension des négociations :
D’après le site Vie Publique, nous pouvons lire que la COP16 s’est achevée avec une suspension des négociations et un renvoie à une date ultérieure. Les 196 pays présents ne sont pas parvenus à s’entendre sur la structuration des fonds, permettant de concrétiser le plan de protection de la biodiversité. Selon les calculs, environ 700 milliards de dollars par an sont nécessaires pour mettre en œuvre le cadre.
« En effet, plusieurs pays en développement (comme l’Afrique du Sud, le Zimbabwe ou le Brésil) réclament en effet la création d’un nouveau fonds pour la biodiversité pour remplacer l’actuel, dont ils critiquent la mauvaise gouvernance. Mais l’Union européenne, le Canada, la Suisse, le Japon et la Norvège sont restés hostiles à cette proposition, critiquant la multiplication des fonds, jugée coûteuse et inefficace. La suspension de la séance plénière finale, samedi 2 novembre 2024, a interrompu les débats. »
D’autre part, les pays participants n’ont pas non plus trouvé d’accord quant à la mise en place d’un mécanisme de suivi avec objectifs concrets permettant de mesurer les progrès accomplis par les pays dans la mise en œuvre de la feuille de route pour la protection de la biodiversité.
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Quelques timides avancées cependant :
D’après le site du Ministère de la Transition écologique, « Huit gouvernements (Allemagne, Autriche, Danemark, France, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et la province canadienne du Québec) se sont engagés à contribuer, à hauteur de 150 millions de dollars, au Fonds-cadre mondial pour la biodiversité, créé en 2022 pour soutenir l’effort des pays en développement.
Un Fond Cali
Un Fonds Cali a également été créé. Ce fonds sera abondé par les entreprises générant des bénéfices sur la numérisation des données génétiques de plantes ou d’animaux issus de pays en développement (industries agro-alimentaire, cosmétique et pharmaceutique notamment). L’objectif de ce fonds est de partager les bénéfices de ces entreprises avec les pays en développement, de manière juste et équitable. »
Ainsi, les entreprises qui utilisent ces informations pour développer des produits devront affecter une partie de leurs bénéfices à ce qui est appelé le Fonds de Cali, dont les ressources seront allouées aux peuples autochtones et aux communautés locales, directement ou par l’intermédiaire des gouvernements.
Le lien avec One Health
Selon le site de l’OFB, nous pouvons lire : « L’approbation d’un plan d’action mondial sur la biodiversité et la santé (One Health) pour freiner l’émergence de maladies zoonotiques, prévenir les maladies non transmissibles et promouvoir des écosystèmes durables. ».
En effet, les signataires s’engagent, volontairement, à partager des informations, des outils et des guides afin d’anticiper au mieux les zoonoses. Il est intéressant de noter que des éléments de langage apparaissent clairement dans la déclaration : « La perte de biodiversité et ses facteurs directs constituent une menace pour la santé animale, humaine et végétale. » ou encore « les maladies infectieuses émergentes chez la faune sauvage, les animaux domestiques, les plantes ou les humains peuvent être exacerbées par les activités humaines, telles que les pratiques de changement d’affectation des terres non durables et la fragmentation de l’habitat ; » et « La perte de biodiversité et ses facteurs directs constituent une menace pour la santé animale, humaine et végétale. ».
Enfin, le Plan encourage les gouvernements à « promouvoir de meilleures normes de bien-être animal pour leur santé et leur bien-être, notamment pour réduire le risque de maladies transmissibles chez les animaux d’élevage et l’aquaculture, en prévenant, entre autres, la résistance aux antibiotiques en évitant leurs utilisations inappropriées, sur la base de preuves scientifiques.
Selon l’analyse de notre partenaire World Federation for Animals, présent lors de cette COP16, « Cette décision est cruciale pour les animaux et notre mouvement car elle intègre formellement le bien-être animal dans les politiques mondiales de santé et de biodiversité, reconnaissant explicitement le rôle du bien-être animal dans les systèmes alimentaires pour de meilleurs résultats en matière de santé et une mise en œuvre efficace du Cadre mondial Kunming-Montréal. L’inclusion d’une référence à la stratégie mondiale pour le bien-être animal de l’Organisation mondiale de la santé animale, qui reconnaît la sensibilité animale, est également importante. Cela ouvre des opportunités aux organisations de protection des animaux pour aider les gouvernements à élaborer et à mettre en œuvre des politiques alignées sur le Plan d’action mondial, promouvant des pratiques durables qui profitent à la fois aux animaux et aux écosystèmes. »
https://www.cbd.int/doc/c/3a01/e211/c16499d5d7abd50251aa93f5/cop-16-l-10-en.pdf
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La décision sur la biodiversité et le changement climatique
Cette décision souligne la nécessité urgente de lutter contre la perte de biodiversité parallèlement au changement climatique, en tant que défis mondiaux interdépendants. Dans ce document, la COP16 met l’accent sur une coopération plus forte entre les principaux accords mondiaux, notamment l’Accord de Paris et le Cadre mondial Kunming-Montréal pour la biodiversité, afin d’aider les pays à coordonner leurs actions en matière de biodiversité et de climat. D’ici mai 2025, les pays et les parties prenantes sont invités à soumettre leurs points de vue sur les options de cohérence politique, comme un éventuel programme de travail conjoint entre les Conventions de Rio en 2025.
https://www.cbd.int/doc/c/0e90/5901/8f0161248348f0f8de760f20/cop-16-l-24-en.pdf
Selon l’analyse de WFA : « L’accent mis sur les populations animales dans les décisions sur la biodiversité et le climat marque une avancée cruciale. Reconnaître les animaux comme gardiens essentiels des écosystèmes renforce l’idée que les protéger n’est pas seulement une question de conservation : il s’agit également de soutenir les processus mêmes qui rendent notre planète résiliente au changement climatique. Pour WFA, il s’agit d’un alignement précieux qui nous permet d’amplifier notre voix en faveur des animaux, en montrant que leur bien-être n’est pas séparé des solutions en matière de climat et de biodiversité, mais qu’il est fondamental pour parvenir à un avenir où nous vivons en harmonie avec la nature.»
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La proposition de lignes directrices pour la gestion et la prévention des espèces exotiques envahissantes (EEE).
Cette proposition demande au Secrétaire exécutif de la Convention sur la Diversité Biologique de renforcer la collaboration entre les organisations concernées pour soutenir la mise en œuvre de l’objectif 6 du Cadre mondial pour la biodiversité, qui vise à gérer les voies d’introduction des EEE et d’organiser un forum en ligne ouvert à tous pour échanger des informations, des outils et des meilleures pratiques entre les pays.
Pour rappel, l’objectif 6 prévoit une réduction des taux d’introduction et d’établissement des EEE d’au moins 50% d’ici à 2030.
Les annexes fournissent des orientations spécifiques sur la gestion des EEE, notamment pour le commerce en ligne et la lutte contre les EEE face au changement climatique. Le plan One Health est largement mentionné dans cette décision, exhortant par exemple les pays à « renforcer la coordination et la collaboration entre les pays et les mécanismes internationaux et régionaux, et entre les secteurs, pour soutenir la mise en œuvre de l’approche One Health ».
« Les analyses coûts-avantages et coût-efficacité devraient être aussi complètes que possible et devraient idéalement englober plusieurs domaines, tels que la biodiversité, les impacts potentiels sur d’autres espèces non ciblées, le bien-être animal, l’acceptabilité du public, (…) » Parmi les actions suggérées aux pays, aux organisations et aux parties prenantes figure celle d’aider à « garantir le respect des exigences sanitaires, phytosanitaires et vétérinaires en matière d’importation, de bien-être animal et de commerce des espèces sauvages des pays importateurs ».
Selon WFA : « La décision sur les EEE est utile car elle intègre le bien-être animal et les mesures sans cruauté comme considération lorsque les gouvernements et les parties prenantes élaborent et mettent en œuvre des politiques de gestion des EEE. Les organisations de protection des animaux ont désormais l’opportunité d’impliquer les gouvernements dans l’amélioration des pratiques de gestion des EEE, notamment par le biais du forum en ligne du Secrétaire exécutif de la CDB, en plaidant pour des solutions humaines et scientifiquement fondées aux problèmes des EEE. »
https://www.cbd.int/doc/c/f1fb/d2c7/e5b4d11dafdfc39a67982446/cop-16-l-04-en.pdf
A ce propos, l’IUCN a développé une note de synthèse sur le rapport de l’IPBES de 2023 : https://uicn.fr/wp-content/uploads/2024/10/fiche-decryptages-les-especes-exotiques-envahissantes-un-defi-ecologique-et-economique-mondial.pdf
Code animal avait également fait un article sur ce dossier : https://www.code-animal.com/les-especes-exotiques-envahissantes-vers-une-macdonalisation-de-la-biodiversite/
Découvrez les recommandations de notre partenaire World Federation for Animals pour cette COP : https://wfa.org/what-the-world-needs-from-cbd-cop16/
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Sources :
https://news.un.org/fr/story/2024/11/1150291
https://www.ecologie.gouv.fr/rendez-vous/cop16-biodiversite
https://www.ofb.gouv.fr/actualites/bilan-mitige-pour-la-cop16
https://wfa.org/key-outcomes-for-animal-welfare-from-the-cbd-cop16/