Photographies : Troubles pour les animaux ?

Lorsqu’on voit un cliché magnifique d’une louve avec ses petits ou encore d’un tigre en pleine chasse, on ne voit que le côté artistique, mais très peu se demande comment ce cliché a pu être capturé aussi près de l’animal. Avec la facilité d’acquérir du matériel de photographies et à moindre coût, sans compter les réseaux sociaux qui donnent une plus grande visibilité, on peut observer une croissance du nombre de photographes naturalistes.

La démocratisation de la photographie

Si l’on se place deux décennies en arrière, les photographes naturalistes étaient peu nombreux et apparaissaient comme le moyen de documenter la faune. La plupart était des vrais passionnés car arriver à capturer un instant de la vie sauvage requiert beaucoup de temps et de patience. Il faut également préciser que toute la technologie de pointe nécessitait de gros investissements que tout le monde ne pouvait pas se permettre de faire.

Depuis quelques années, il est de plus en plus facile de se procurer ce type de matériel professionnel pour capturer de magnifiques clichés au sein de la nature. En effet, le prix de ces appareils et des divers accessoires est devenu assez raisonnable pour que les plus passionnés d’entre nous puissent s’en procurer.

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Les modes de capture photographique ont aussi évoluées, du simple appareil photo de smartphone au drone hélicoptère en passant par le robot blindé, il existe un véritable marché de la photographie. En effet, tous ces nouveaux appareils ont surtout l’avantage de prendre moins de risque en prenant un animal sauvage en photo en pouvant approcher un objectif à seulement quelques mètres voire quelques centimètres d’un fauve ou d’un grand herbivore. Ces appareils télécommandés sont rapides, très maniables, et souvent tout terrain permettant de meilleurs clichés.

Désormais, les professionnels de la photographie ne sont donc plus les seuls à convoiter les spots sauvages pour observer et capturer l’image parfaite. Et il devient même parfois difficile de pouvoir trouver un endroit isolé pour arriver à prendre un animal en photos. Et cet afflux en masse de photographes amateurs ou professionnels entraîne souvent un saccage des spots les plus célèbres, sans aucun respect.

Les réseaux sociaux ont également donné un élan particulier à l’ouverture de la photographie, étant très facile de partager avec le monde entier ses clichés. Il suffit de quelques clics pour prendre sa photo et la partager avec tous ses abonnés dans le monde et ainsi générer de nombreuses réactions. Le problème des réseaux sociaux, est que chacun veut toujours obtenir la meilleure photo, au détriment parfois de l’animal qui se trouve derrière l’objectif.  Ces photographes amateurs, et maintenant parfois même certains professionnels, ne vont pas se rendre compte que leur présence peut déranger l’animal, et à quel moment il faut partir pour le laisser tranquille. Beaucoup de personnes pensent davantage à la gloire plutôt qu’à l’approche naturaliste.

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Les animaux perturbés par la course à la photographie

Comme évoqué plus haut, la photographie est donc devenue courante et accessible à tous, pouvant entraîner ainsi des dérangements dans la vie des animaux. Aujourd’hui, de nombreux photographes recherchent l’appât du gain et l’envie de se faire une place dans ce milieu, quitte à déranger les animaux dans leur propre environnement. On peut d’ailleurs comparer la plupart d’entre eux aux paparazzis qui traquent les célébrités jusqu’à entrer dans leur intimité et provoquant certains préjudices.

On le sait, tous les animaux ne réagissent pas de la même façon au contact de l’Homme et des objectifs. Selon le photographe professionnel Brian Clark Howard, les petits drones roulants ont l’avantage de pouvoir observer les animaux depuis le sol et non pas à hauteur d’humain. C’est donc moins intimidant pour les fauves qui s’habituent facilement à la présence de cette nouvelle technologie au fur et à mesure.

Cependant, toujours selon Brian Clark Howard, les animaux ont des réactions différentes, comme les éléphants qui vont plutôt avoir l’instinct d’écraser ces robots blindés, les prenant pour des intrus. D’autres espèces vont tout simplement prendre peur et s’enfuir, tel que le renard qui peut être amené à déplacer ses petits et ainsi se mettre en danger. Il faut garder à l’esprit que si le photographe professionnel, avec les précautions mises en place pour respecter l’animal, peut le déranger, alors le photographe amateur n’aura aucune idée des limites à ne pas dépasser. On peut citer l’exemple du brame : le professionnel va repérer ses spots des semaines à l’avance et arriver quelques heures avant que cela commence, tandis que l’amateur va suivre le bruit pour traquer les cerfs à prendre en photo, les faisant ainsi fuir.

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Cela peut avoir un réel impact comportemental poussant ces animaux à quitter leur territoire ou encore à s’éloigner de leur groupe et les mettre en danger. Prenons le cas des marmottes, elles semblent plus sereines face à l’objectif, alors qu’elles seront quand même stressées, ce qui va faire qu’elles vont moins se nourrir, ne pas stocker de graisser, se réveiller plus tôt de l’hibernation et ainsi mourir de faim comme la neige sera encore présente. Il en va de même pour l’outarde, un oiseau vivant en Inde, qui arrête tout dès qu’il voit un intrus à des centaines de mètres. Les photographes l’empêchent ainsi de manger, de courir et s’accoupler, le tout ayant un impact sur sa survie.

À la suite des nombreuses perturbations animalières, TAMRON FRANCE et IFAW ont travaillé ensemble dans le but de rédiger une charte de la photo animalière, afin de sensibiliser et de fédérer autour de la question de la protection des espèces et de la préservation de leur habitat. Evidemment, il ne s’agit pas de règles nouvelles et innovantes, mais simplement d’un rappel de règles de vie et de sensibilisation, qui devraient couler de source pour chacun d’entre nous, qu’on soit amateur ou professionnel. Parmi les points les plus marquants, on citera le fait de ne pas manipuler les animaux sauvages, de ne pas les appâter, de ne pas utiliser de flashs, ou encore de ne pas approcher un animal paraissant ou étant blessé.

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Pour aller encore plus loin sur les troubles causés aux animaux, certains professionnels de la photo veulent créer le buzz avec l’image parfaite et n’hésite pas à recourir à certaines pratiques horribles. Dans les années 90, la mode était de photographier les nids d’oiseaux et certains n’hésitaient pas à isoler et nettoyer autour du nid pour qu’il soit le plus visible possible quitte à le laisser ensuite à la merci des prédateurs. Encore pire, certains allaient jusqu’à détruire les nids et les œufs pour éviter que d’autres photographes puissent capturer le même cliché. Aujourd’hui, cette pratique est bien évidemment condamnée et les photographies de nids sont interdites dans les concours.

Aujourd’hui, il existe encore des pratiques terribles comme le fait de mettre des amphibiens au congélateur ou au frigo pour pouvoir les manipuler plus facilement et les mettre en scène, toujours dans le but d’obtenir le cliché parfait. Et malheureusement, suite aux nombreuses vues et réactions des internautes, ces clichés qui émerveillent ou qui font rire vont se multiplier. Il faut se méfier des photographies trop parfaites, qui ont souvent été réalisées d’une manière non naturelle. Pour Ludovic Sueur, conférencier sur l’éthique dans la photographie animalière, un cliché montrant des tigres en pleine course qui regardent en hauteur, ce sont des animaux captifs qui chassent un appât tenu par une perche. Il y a aussi des photographes qui utilisent des fauves tous droits sortis des cirques car ces derniers sont beaucoup plus dociles pour prendre des photos comme ils le désirent. A chaque cliché, nous devons nous demander comment celui-ci a été pris, et s’il a été fait dans le respect de l’éthique animalière. Le plus gros problème des troubles animaliers vient du fait que les personnes n’ont pas conscience du moment où elles dérangent la vie animale, car les photographes ne sont pas guidés par de mauvaises intentions.

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En conclusion, nous pouvons tous prendre des clichés d’animaux sauvages tant que nous les respectons. C’est très simple, si l’on pense que notre comportement pour prendre une photo peut provoquer du stress à l’animal, le faire souffrir ou causer des dégâts sur son habitat, il suffit d’abandonner et de partir à la recherche d’une autre photographie à prendre, plus respectueuse. Avec de nombreux abonnés sur les réseaux, il en va de notre responsabilité de photographes d’alerter sur les bons gestes et les attitudes à avoir pour protéger la faune. Il faut aussi avoir à l’esprit qu’un beau cliché va avoir tendance à amener les autres à vouloir capturer la même photo, tel un effet de mode.

Anthony GIRAUDON

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Sources :

REPORTERRE.NET

SCIENCESETAVENIR.FR

CHEMIN-DES-PLUMES.FR

IFAW.ORG

POSENATURE.FR

30MILLIONSDAMIS.FR