En bref
QUI :
Cédric Guerin, initiateur du projet, vétérinaire, il a passé une grande partie de son enfance en Afrique, et Nicolas Fourcroy, l’un des actionnaires de Tropicalia.
Parallèlement, les promoteurs du projet – tous des entrepreneurs régionaux du tourisme (hôtels, camping, bus…) ont été rejoints par Patrick Le Bouil, un ancien dirigeant de la Compagnie des Alpes, la société qui gère, entre autres, les parcs Astérix et Futuroscope.
Le cabinet Coldefy & Associés Architectes Urbanistes en partenariat avec Dalkia (groupe EDF) ont imaginé Tropicalia, la plus grande serre tropicale au monde construite sous un seul dôme. D’un montant de 54 millions d’euros, le projet d’une surface de 20 000m².
OÙ :
Tropicalia s’implante sur le Champ de Gretz à Verton et Rang-du-Fliers, sur la côté d’Opale.
Aperçu
Serre tropicale, avec à l’intérieur : un magasin, une librairie, un bar et deux restaurants, des salles de conférences modulables, un auditorium, des chambres d’hôtes et un espace scientifique dédié à la collaboration nationale et internationale, comprenant une salle de conférence, un laboratoire et une clinique. Une fois ouvert, le programme devrait attirer 500 000 visiteurs par an selon les estimations des promoteurs. Température ambiante maintenue à 26/28°C
Petit historique :
2009 : L’idée est apparue aux promoteurs
2013 : Les premières images sont créées
2014 : Le choix du lieu est fait puis le travail est lancé sur les serres pour présenter le projet en 2018
2019 : Le permis de construire est obtenu. La durée des travaux est de 2 ans pour une ouverture prévue en 2022.
Caprice d’humains dans un monde en perte de biodiversité
Comme le note le journal La Voix du Nord en mars 2018 le projet se résume « Un dôme de 35 mètres de hauteur avec à l’intérieur, une montagne, un lagon, une cascade de 25 mètres, des milliers de papillons exotiques, des oiseaux tropicaux, des centaines de variétés de fleurs, des poissons venus tout droit de l’Amazonie, des caïmans, etc. « la plus grande serre tropicale du monde » ».
Le prix du ticket d’entrée est comparé en termes de cinéma. Nous sommes dans le divertissement purement et simplement. Alors que la planète est en train de vivre la sixième vague d’extinction massive des espèces suite aux activités humaines, quelques personnes souhaitent déplacer des animaux sous cloche. Coupées de leur milieu naturel et plongées dans un milieu artificiel, ces espèces n’ont rien de « pédagogiques ».
Serait-ce la course à celui qui aura le plus grand ? En quelques années ce genre de structures a vu le jour de manière exponentielle : il y aura eu Biotropica, Beauval et maintenant ce Tropicalia. Selon France 3 en octobre 2019 : Tropicalia interroge également car il pourrait concurrencer celui d’un autre entrepreneur, Benoît Damico, patron de la serre tropicale Naturospace à Honfleur, en Normandie, depuis vingt ans. Ce chef d’entreprise prévoit d’en ouvrir une seconde à Boulogne-sur-Mer, à proximité immédiate de la locomotive Nausicaa, sur une surface de 2.000 m2, soit dix fois moins que sa concurrente.
Un collectif en guerre
Ce projet a lancé une vague de protestations de la part de citoyens, associations et collectifs locaux. En effet, la Côte d’Opale est régulièrement sujette à des pollutions accidentelles sur son littoral, les habitants constatent un déclin spectaculaire de nombreuses espèces, la baie d’Authie située tout proche de Berck/mer est un trésor inestimable très préservé.
La démarche de l’association locale est soutenue activement par Notre Affaire à Tous et d’autres associations comme Code Animal réunies en collectif pour s’opposer au projet.
« Ce projet est non seulement une menace pour la biodiversité locale en prévoyant le déplacement d’espèces tropicales mais également pour les terres agricoles qui seront supprimées pour la construction de cette infrastructure », explique Notre Affaire à Tous dans un communiqué. « Le projet Tropicalia prône un loisir déraciné des problématiques climatiques sous couvert de justifications écologiques voir scientifiques. »
Pour Mariette Vanbrugghe, Présidente du GDEAM-62 : « Le projet Tropicalia est en déphasage complet avec les exigences de limitation du gaspillage des ressources naturelles, gaspillage des sols en particulier, ressources non renouvelables, pour quels services rendus ? En déphasage complet aussi avec le respect de la vie animale, rien ne justifie la détention d’espèces animales tropicales dans notre région. »
Un recours gracieux à d’ailleurs été déposé en décembre 2019. Ce recours demande l’annulation du permis de construire et donc l’abandon du projet. Légalement, il n’est ni suspensif ni soumis à une décision de justice. Pour que l’affaire aille plus loin, il faudrait que GDEAM-62 dépose un recours contentieux dans un délai de deux mois et que le tribunal administratif s’en saisisse.
Qui sont les animaux présents ?
La structure répondra à la réglementation des parcs zoologiques : Arrêté du 25 Mars 2004. Cet élément n’est jamais mentionné dans les médias, nous nous demandons d’ailleurs pourquoi.
Selon les documents fournis par la structure aux autorités que Code Animal analysé, les animaux appartiendraient aux classes ci-dessous :
Les clients seront immergés dans la serre au contact potentiel des animaux présents. Quid des maladies que les humains peuvent transmettre aux animaux et inversement ?
Les papillons
Ils seront produits en laboratoire et dans une serre de reproduction, ce seront les surplus qui seront relâchés dans la structure pour les clients.
Oiseaux
Certaines espèces seront éjointées et maintenus dans des espaces fermés afin qu’ils ne soient pas prédatés par des poissons carnivores. Des installations permettront la production d’oiseaux pour la captivité.
L’éjointage consiste à amputer (sans anesthésie généralement) le bout des ailes des oisillons de moins d’une semaine jusqu’au niveau du métacarpe, ce qui les rend incapable de voler. C’est une mutilation irréversible. C’est ainsi que les zoos peuvent conserver des oiseaux à ciel ouvert sans risque de les voir s’envoler vers la liberté.
A ne pas confondre avec la technique qui consiste à « Rémiger un oiseau ». C’est à dire couper le bout des rémiges, des plumes qui servent à son équilibre lors du vol. Si ces plumes sont coupées d’un côté, l’oiseau est déséquilibré et ne peut pas voler. Cette opération doit être répétée régulièrement, car les rémiges repoussent.
Nous n’avons que peu d’éléments sur la provenance des animaux : parcs zoologiques ? captures dans le milieu naturel ? approvisionnement via des fermes d’élevage ?
Les promoteurs nous parlent de conservation des espèces et de pédagogie, les arguments marketing utilisés dans les zoos sont bien rodés, en revanche, selon nos informations, sur les 48 espèces d’oiseaux utilisées dans l’exposition de la serre, 3 seulement sur la liste rouge IUCN (liste des espèces menacées). Une espèce sur 4 de mammifères est en voie de disparition.
Nous nous interrogeons sérieusement sur les risques de fuite des animaux et d’espèces invasives introduites par les humains avec projet ainsi que des impacts sur le court et long terme sur la biodiversité locale.
Nous nous interrogeons également sur la perception des clients sur certaines espèces animales actuellement en vogue sur le marché des nouveaux animaux de compagnie au niveau européen : Saïmiri, dendrobates, phasmes, reptiles tels que iguanes.
Pourquoi agir ?
Un engorgement routier à côté d’un hôpital
Ce projet, c’est l’accroissement d’un trafic routier local déjà surchargé en raison de la proximité immédiate des plages de la côte d’Opale : 500 000 visiteurs sont prévus chaque année (parking de 625 places pour véhicules légers et 20 bus + 378 places « potentielles ») alors que la serre sera immédiatement à côté du Centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil (CHAM) créé précisément hors agglomération pour en améliorer l’accessibilité.
Une artificialisation des terres
Ce projet, c’est la disparition de plus de 9 hectares de terres agricoles incluses dans un projet de ZAC alors que les surfaces artificialisées du Pas-de-Calais atteignent déjà 15% contre 10 % au niveau national. La bétonisation de terres pour un projet inutile est inacceptable.
Argent public et intérêt privé
Ce projet qui coûtera 73 millions d’euros, c’est une attribution contestable de fonds publics et régionaux au profit d’intérêts privés, sous forme de subventions ou de prêts. Pour financer celui-ci :
– la Région débloque 2 millions d’euros
– l’ADEME et le FEDER 10 millions d’euros
– la CA2BM (Communauté d’agglomération) 400 000 euros
Pour ces raisons, d’ailleurs non exhaustives, nous dénonçons ce projet inutile et nuisible, répertorié comme tel sur la carte des Grands projets inutiles publiée par le site Reporterre. La promesse de 50 emplois pérennes ne saurait être un argument valable, les 73 millions d’euros prévus pour cet investissement pouvant être, sans difficultés, utilisés de manière bien plus rentable en termes d’emplois.
Quoi faire ?
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Liste des associations partenaires :
Sources :
Aller plus loin :