Jonathan Sambya est assistant primatologue en République Démocratique du Congo ( RDC). Il nous a accompagné lors de la mission auprès des bonobos sauvages, mission mise en place en étroite collaboration avec l’ONG M’BOU MON TOUR ( MMT), très active dans la conservation et la protection des primates en RDC et dont le travail est aujourd’hui internationalement reconnu. Il est membre de « Conserv Congo« , une ONG de militants de la préservation de la nature.Jonathan mènent des enquêtes de terrain en se faisant passer pour un acheteur potentiel.
C’est son chef Adams Cassinga, ancien cadre de l’industrie minière, qui a créé Conserv Congo en 2013.
Selon un article du Monde Afrique publié le 22 décembre 2020 et signé Joan Tilouine :
« Kinshasa est devenu une plaque tournante régionale et un paradis pour trafiquants, précise celui qui se définit comme un « soldat » au service de la défense de l’environnement. Car ici, c’est facile de disparaître, et encore plus simple de corrompre des fonctionnaires. Or sans corruption, il n’y a pas de trafic.
M. Cassinga dirige une vingtaine de jeunes enquêteurs autodidactes et un important réseau d’informateurs. Lui-même se déguise, utilise des gadgets tels que des lunettes-caméra et prend des risques pour collecter des preuves sur ses « cibles ». Lorsqu’il estime le moment venu et les preuves suffisantes, il se tourne vers des membres de l’Institut congolais de la conservation ou vers les quelques juges et policiers dont il a éprouvé l’intégrité, pour monter des opérations d’arrestations.
Dans cette capitale tentaculaire où tout se négocie, de préférence en dollars plutôt qu’en francs congolais, sans cesse dévalués, l’économie informelle et la criminalité s’entremêlent et fusionnent.
A Kinshasa, il faut compter 50 000 dollars pour un gorille vivant, de 1 000 à 3 000 dollars pour un bonobo. Un kilo d’écailles de pangolin se négocie à 50 dollars, quatre ou cinq fois plus pour de l’ivoire.
Il est possible de trouver n’importe porte quoi n’importe où, confirme Christian Plowman, ancien policier britannique devenu formateur et enquêteur pour le compte de Wildlife Conservation Society. Les forces de sécurité ne sont pas assez formées à l’enquête, et la corruption reste un obstacle considérable. Or il faudrait traiter 500 kg d’ivoire comme 500 kg d’héroïne, sinon la bataille est perdue.
Les trafiquants de premier plan, pour certains originaires d’Afrique de l’Ouest et de pays voisins comme la Centrafrique ou encore d’Asie, sont aussi discrets et organisés que des chefs mafieux, privilégiant le travail en famille. La plupart d’entre eux disposent d’une entreprise légale, de comptes en banque et d’avocats capables de pointer les failles d’enquêtes le plus souvent mal ficelées. Certains aménagent des entrepôts en ville afin de stocker leur marchandise. Tous ont leurs entrées dans les cercles politiques, sécuritaires et du côté des douanes, que ce soit à l’aéroport international de Kinshasa ou dans les ports fluviaux de la capitale et de Matadi, à environ 300 km au sud-ouest. De l’autre côté du fleuve, le port de Pointe Noire, au Congo Brazzaville, reste particulièrement prisé pour l’exportation vers l’Asie. Des cargaisons sont aussi acheminées par la route jusqu’aux grandes villes côtières d’Afrique de l’Ouest, où ces trafiquants insaisissables ont des relais. Les sommes brassées par les plus puissants se chiffrent en centaines de milliers de dollars.
La fin de l’année 2018, le président congolais de l’époque, Joseph Kabila, avait fait incinérer en public 2 tonnes d’ivoire et d’écailles de pangolin saisies. Une opération de communication pour tenter de masquer l’impuissance à endiguer ces trafics et un braconnage de plus en plus militarisé. Près de deux ans plus tard, le 31 août, un okapi a une fois encore été abattu. Le ministre de l’environnement, Claude Nyamugabo, a renouvelé son appel aux autorités judiciaires, les exhortant à « faire appliquer la rigueur de la loi aux auteurs, coauteurs, complices de ces actes ignobles de braconnage, d’okapi en particulier et d’autres espèces sauvages protégées en général.
Sauf que les criminels s’adaptent en permanence, changent de routes, de techniques d’exportation, profitent de la crise économique pour élargir leurs réseaux d’officiels corruptibles. « A Kinshasa, un trafiquant risque moins de dix ans de prison et une amende de 20 000 dollars maximum, déplore M. Cassinga. Il y a donc peu de risques et d’importants revenus. » Ses faibles moyens lui permettent de s’attaquer uniquement à des réseaux d’envergure limités. A ce jour, aucun trafiquant majeur n’a été condamné à Kinshasa.
Fin de citation de l’article du Monde Afrique publié le 22 décembre 2020 et signé Joan Tilouine
Un reportage de TF1 dans l’émission « Sept à Huit » diffusé en janvier 2021 explique le mode d’action des braconniers, des revendeurs et de l’ONG Conserv Congo.
Code Animal a pu rencontré Jonathan en juillet 2022 lors de notre mission au Congo. Il nous a notamment expliqué comment les animaux récupérés du trafic sont orientés dans des refuges ou sanctuaires en fonction des espèces auxquelles ils appartiennent :
- Lola ya bonobo pour les bonobos est un sanctuaire où nous nous sommes également rendus dans le cadre de la « mission bonobos « en juillet dernier,
- Jack ( acronyme pour Jeunes Animaux Confisqués au Katanga) est un sanctuaire pour les chimpanzés.
Nous vous parlions de cette organisation en octobre dernier dans un article suite au kidnapping de 3 bébés chimpanzés, toujours portés disparus à l’heure actuelle.
La RDC reste une plaque tournante dans le trafic d’espèces menacées, okapis, chimpanzés, bonobos, pangolins, pour ne citer que les plus emblématiques.
Les moyens mis en œuvre pour stopper ce trafic sont dérisoires, d’autant que la corruption est extrêmement présente, la population étant particulièrement désargentée. Policiers et politiques à tous les niveaux sont susceptibles d’être corrompus, et l’État n’est pas un état responsable en ce qui concerne la protection de sa faune locale.
Ce sont les ONG comme Conserv Congo qui doivent payer les interventions militaires ou policières lorsque leurs enquêtes aboutissent et qu’ils peuvent récupérer les animaux. A noter que ces ONG vivent de dons pour financer leurs actions.
Dans la grande majorité des cas, les ONG considèrent comme un succès le fait de pouvoir récupérer les animaux vivants pour pouvoir, dans le meilleur des cas, leur rendre la liberté un jour.
Les ONG n’espèrent même plus de sanctions à l’encontre des contrevenants. Ceux-ci sont en effet rarement inquiétés, soit parce qu’ils sont insolvables, soit au contraire parce qu’ils occupent des postes importants.
N’oublions jamais cependant que s’il n’y avait pas de demande, il n’y aurait pas de trafic.
La demande asiatique pour la médecine chinoise est toujours bien présente mais l’Europe n’est pas en reste en ce qui concerne la demande en animaux sauvages utilisés comme animaux de compagnie.
L’interview de Jonathan Sambya par Sophie Wyseur a été réalisée lors de la mission « Bonobo » avec la complicité de Philippe Ricordel.
Voici le site de Philippe Ricordel : https://www.philippericordel.com/copie-de-europe-2