Le 5 janvier dernier, et deux ans avant l’interdiction des spectacles de cétacés en France, le Marineland d’Antibes a définitivement fermé ses portes. Cet évènement soulève une question cruciale : où reloger les quelques 4 000 animaux, dont Le Marineland détient au moment de la rédaction du rapport :
– deux spécimens d’orques, une femelle adulte née en captivité et en âge de procréer (Wikie), âgée de 23 ans et son fils (Keijo), mâle de 10 ans n’ayant pas encore atteint sa taille adulte ni sa maturité sexuelle ;
– douze spécimens de grands dauphins, répartis en deux groupes de cinq (des mères, dont deux assez âgées capturées dans la nature au début des années 80 et leurs derniers enfants, hébergés dans l’ancien bassin des orques construit en 1985 et équipé de gradins, où ils participent à des spectacles) et sept (jeunes nés en captivité, hébergés dans le « lagon » construit en 2005 où ils sont en contact avec le public autorisé à pénétrer dans le bassin par petits groupes. La reproduction est dorénavant bloquée par progestatifs et séparation des femelles en œstrus par le vétérinaire du parc.
Il s’agit ici d’éviter que les animaux soient déplacés dans des lieux qui continueraient à les utiliser pour des spectacles ou, plus préoccupant encore, qui ne respecteraient pas les lois européennes en matière de protection animale.
A ce propos, la Ministre de la Transition Ecologique, a refusé en novembre 2024 le transfert des orques dans un parc similaire au Japon pour des raisons de bien-être animal.
Code animal est aux cotés de l’association C’est Assez! pour demander l’envoi des animaux dans des sanctuaires marins. Ces espaces semi-naturels visent à offrir aux animaux captifs un environnement plus proche de leur habitat naturel, loin des conditions de captivité des parcs marins.
Contrairement aux zoos, le sanctuaire est souvent situé dans des zones côtières protégées ou des baies profondes, où l’eau est de bonne qualité et l’espace suffisamment vaste pour permettre aux cétacés de nager sur de longues distances, comme dans leur habitat naturel. Les sanctuaires marins ne sont pas destinés aux spectacles ou à des fins commerciales. Les animaux peuvent vivre librement dans un environnement qui ne cherche pas à les exploiter. Bien que les cétacés bénéficient de plus de liberté qu’en captivité, ils sont surveillés de manière discrète, et des soins médicaux peuvent être fournis si nécessaire. Les équipes de vétérinaires et d’experts en cétacés s’assurent que les animaux restent en bonne santé et que leur transition vers la vie sauvage, si elle est envisagée, se passe bien.
Lire la lettre ouverte de C'est Assez!
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Relâcher des orques en liberté ?
Avant eux, l’orque Keiko, star du film Sauvez Willy, avait été transféré dans un sanctuaire après une longue phase de réhabilitation. Dans son cas, l’objectif était, à terme, une remise en liberté totale.
L’histoire de cet orque, plus complexe qu’il n’y paraît, illustre les défis de telles démarches : Keiko a dû réapprendre à retenir son souffle, à se nourrir de poissons vivants et, surtout, à vivre sans la compagnie humaine à laquelle il était habitué depuis des années.
Retirer un orque à son milieu naturel et son groupe social est un acte d’une grande violence qui, une fois commis, n’est pas facile à réparer.
Les orques de Marineland, par exemple, ont vécu toute leur vie en captivité, dans un environnement qui est très différent de leur habitat naturel. Elles ont été nourries et soignées par les humains, ce qui peut les empêcher de retrouver les comportements de chasse qui sont essentiels pour leur survie en milieu naturel. De plus, le stress lié au relâcher dans un environnement inconnu pourrait être difficile pour elles à gérer.
Aussi, les orques en captivité souffrent souvent de problèmes physiques et psychologiques dus à la privation de stimulation naturelle et à la taille limitée de leurs bassins. Par exemple, certaines orques captives souffrent de déformations des nageoires dorsales et de problèmes dentaires qui compliquent leur capacité à se nourrir et à nager correctement. Le comportement social, la communication, les stratégies de chasse et d’autres compétences essentielles à leur survie pourraient être compromises.
Dans leur cas, une remise en liberté totale est donc difficile à envisager, mais un sanctuaire adapté leur permettrait de bénéficier d’un environnement enrichi et d’une plus grande autonomie, tout en restant sous surveillance humaine.

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La solution du sanctuaire
Parmi les projets en cours, existe un sanctuaire en Nouvelle-Écosse, inspiré de l’expérience de Keiko. Ce site offrirait aux orques un espace vaste et adapté, mais nécessiterait des ajustements pour répondre aux besoins d’animaux nés en captivité.
En Europe, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a exprimé sa volonté de collaborer avec l’Espagne, l’Italie et la Grèce afin de créer un sanctuaire européen. Si ces pays ont déjà des projets en développement, aucun site n’est encore opérationnel pour accueillir les cétacés de Marinelan dû notamment à des blocages administratifs et politiques.
En Europe, il n’existe pas encore de sanctuaires marins spécifiquement conçus pour accueillir des orques en réhabilitation ou pour offrir une alternative à la captivité dans des parcs à thème comme Marineland. Cependant, il y a des projets et des initiatives qui visent à offrir des environnements plus adaptés aux cétacés. Voici quelques exemples de projets :
Bien que situé en dehors de l’Europe, le Whale Sanctuary Project, en Nouvelle-Écosse (Canada), est un projet modèle pour les sanctuaires marins. Il propose de vastes zones protégées pour la réhabilitation et la réintroduction d’orques et de dauphins. Keiko, l’orque qui a joué dans le film Free Willy, a servi de modèle pour le type de réhabilitation que ce sanctuaire pourrait offrir. Après avoir été relâchée dans l’océan, Keiko n’a jamais totalement intégré un groupe sauvage, ce qui montre l’importance de projets comme celui du Whale Sanctuary Project, qui vise une transition plus douce et plus contrôlée.
Le Sanctuaire Marin de l’Île de San Paolo est un projet ambitieux visant à créer un environnement naturel pour la réhabilitation et la protection des dauphins dans la mer Ionienne, au large de la côte de Tarente, dans le sud de l’Italie. Ce sanctuaire est le fruit d’une collaboration entre la Jonian Dolphin Conservation et le Dolphin Project, avec le soutien de la municipalité de Tarente. Situé près de l’Île de San Paolo, le site est naturellement protégé des tempêtes et éloigné des zones portuaires, offrant ainsi un environnement paisible pour les dauphins. Le sanctuaire comprend un enclos marin de 4 hectares, subdivisé en plusieurs sections de 1 000 m², conçu pour accueillir jusqu’à sept grands dauphins. Ce sanctuaire représente une avancée significative dans la conservation des cétacés en Méditerranée, en offrant une alternative à la captivité et en favorisant le bien-être des dauphins.
Le sanctuaire marin de l’île de Lipsi est une initiative pionnière située dans le golfe de Vroulia, au nord de l’île de Lipsi, dans le Dodécanèse en Grèce. Fondé par l’Institut Archipelagos de Conservation Marine, ce sanctuaire offre un refuge aux dauphins précédemment en captivité ou blessés, leur permettant de retrouver leur instinct naturel avant d’être relâchés dans leur milieu naturel. Le projet bénéficie du soutien de la Fondation Reine Sofia, qui contribue à fournir l’infrastructure nécessaire au Centre de Réhabilitation et de Sauvetage pour les mammifères marins.
L’Islande abrite le premier sanctuaire marin au monde dédié aux cétacés précédemment en captivité. Situé dans la baie de Klettsvik sur l’île de Heimaey, ce sanctuaire offre un refuge naturel aux bélugas Little Grey et Little White, deux femelles sauvées d’un aquarium en Chine. Depuis leur arrivée en août 2020, elles ont progressivement pris possession de l’ensemble de la baie, bénéficiant d’un environnement plus proche de leur habitat naturel.
Le Sanctuaire Umah Lumba est un centre de réhabilitation, de réintroduction et de retraite pour les dauphins précédemment en captivité, situé dans la baie de Banyuwedang, sur la côte nord-ouest de Bali, Indonésie. Inauguré en 2019 grâce à une collaboration entre le Dolphin Project, le ministère indonésien des Forêts et de l’Environnement, et d’autres partenaires locaux, il représente le premier sanctuaire permanent dédié aux dauphins en Asie. Pour les dauphins dont la réintroduction est impossible en raison de leur état de santé ou de leur âge, le sanctuaire offre un espace sécurisé pour vivre leurs années restantes.

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Loro Parque à Tenerife
La nouvelle est tombée en février 2025, Marineland envisage le transfert des orques vers Loro Parque, à Tenerife. Cette proposition n’est en rien une solution puisque les orques continueront à être utilisées pour des spectacles et des interactions humaines. Cela ne résoudrait pas les problèmes fondamentaux liés à la captivité des cétacés, qui ne peuvent pas vivre dans des conditions naturelles, avec des espaces restreints et des comportements forcés.
Selon l’ONG Sea Sheperd, « Loro Parque fait également l’objet d’une plainte concernant l’orque Morgan née en milieu naturel et qui n’était pas destinée à faire des spectacles et encore moins à servir à la reproduction. Loro Parque ne cache d’ailleurs pas ses intentions de faire se reproduire l’orque Wikie, perpétuant ainsi la souffrance à laquelle la loi française entend mettre un terme. »
Quant aux dauphins, leur avenir est tout aussi incertain. L’association C’est Assez ! a exhorté l’État, par une lettre ouverte, à privilégier les sanctuaires marins et à éviter les hébergements temporaires en Europe, qui pourraient dissimuler des transferts vers des pays aux lois moins strictes, comme la Chine.

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Sources :
- https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/fermeture-marineland-antibes-les-orques-vedettes-wikie-et-keijo-devraient-partir-pour-un-parc-aquatique-espagnol-2350253.html
- https://www.cestassez.fr/2024/01/20/le-transfert-des-orques-du-marineland-dantibes-pour-le-japon-est-imminent/
- Marineland d’Antibes : opposée au transfert des orques dans un site «pas adapté», Agnès Pannier-Runacher veut un sanctuaire européen
- https://www.varactu.fr/lavenir-des-dauphins-de-marineland-en-suspens/
- https://www.worldanimalprotection.us/latest/blogs/story-keiko-first-captive-orca-returned-wild/
- https://www.facebook.com/dolphinfreedomUK/posts/1384004191988500
- https://seashepherd.fr/orques-du-marineland-une-alternative-est-encore-possible/?fbclid=IwY2xjawIybM9leHRuA2FlbQIxMAABHRtx0UIPNOfskC_1J6jCyQ1X9T1UcS39FH6wuWCKJmYUFi5QrqSiYG4_AA_aem_eFCHfx9gT40BSxgZJ0MI6w
- https://www.nicematin.com/animaux/nous-vous-prions-de-refuser-les-permis-de-transport-une-association-interpelle-la-ministre-de-l-ecologie-pour-les-dauphins-de-marineland-970611
- https://www.dolphinproject.com/campaigns/indonesia-campaign/bali-sanctuary/
- https://portail.documentation.developpement-durable.gouv.fr/exl-php/document-affiche/mte_recherche_avancee/OUVRE_DOC/11977?fic=cge00001143.pdf