L’impact physique de la captivité sur les animaux

Maintenir un animal dans un environnement qui n’est pas celui dans lequel il évolue naturellement, de surcroît dans des conditions de captivité, peut entraver le développement de l’individu, l’empêcher d’exprimer certains traits, physiologiques, comportementaux ou encore physiques. Cela est régulièrement mis en avant dans la littérature scientifique, où, par comparaison entre des individus sauvages et des individus élevés en captivité, on peut remarquer des différences significatives.

Ces différences induites par la captivité peuvent se refléter à différents niveaux : sur le plan comportemental d’abord, où la captivité entraver l’individu dans l’expression de certains comportements (exemple : des individus qui ne développeront pas de vocalisations car aucun tuteur ne sera présent pour leur apprendre[1]) ou l’amener à en produire d’autres qui seront anormaux (exemple : les stéréotypies). Puis, sur le plan de leur santé, car la captivité peut augmenter le niveau de stress des individus, l’exposition aux maladies et aux parasites ou encore la modification de leur système gastro-intestinal par une alimentation moins adaptée à leurs besoins que celle qu’ils trouveraient en milieu sauvage. Enfin, de manière plus flagrante encore, nous observons que le maintien des animaux en environnement captif peut modifier leur morphologie.

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On distingue deux grandes catégories de modifications de l’apparence des animaux. D’abord, la forme et la taille des membres peuvent être impactées. Des individus élevés en captivité peuvent être globalement plus gros que ceux à l’état sauvage comme cela a été étudié chez les singes vervets[1], ou ils peuvent être plus petits, comme constaté chez les hippocampes[2] et les saumons[3]. Ces modifications de la silhouette du corps peuvent avoir un impact sur la locomotion des individus : pour certaines espèces de poissons[4] [5], ces différences morphologiques vont diminuer leurs performances à la nage, ce qui pourrait les rendre plus vulnérables. Hormis la taille générale du corps de l’individu, ses membres peuvent également être plus petits en captivité qu’à l’état sauvage. La forme des ailes de certains perroquets et de papillons peut quant à elle les rendre moins adaptées pour de longs vols[6] [7]. Ensuite, la structure musculo-squelettique et les organes internes des individus captifs peuvent également être impactés. On constate chez de nombreuses espèces une forme du crâne moins développée en captivité. Cela va notamment être le cas chez les loups[8], et chez les lions[9] pour qui les mandibules vont être plus courtes chez ceux élevés en captivité, ce qui s’explique par la nourriture plus molle qui leur est fournie, et ce qui occasionne une force de morsure moins importante que chez les lions sauvages. Cette alimentation éloignée de celle que les animaux trouveraient dans leur environnement naturel peut également modifier la forme des organes gastro-intestinaux.

Outre les conséquences directes que ces déformations physiques et les autres modifications causées par la captivité ont sur les individus, ce sont également les chances de réussite des programmes de réintroduction, quand les animaux retenus peuvent en faire l’objet, qui vont être amoindries.

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Sources

[1] Nowicki, S. & Searcy, W. A. (2014). The evolution of vocal learning. Current Opinion
in Neurobiology 28, 48–53

[1] Turner, T. R., Cramer, J. D., Nisbett, A. & Patrick Gray, J. (2016). A
comparison of adult body size between captive and wild vervet monkeys
(Chlorocebus aethiops sabaeus) on the Island of St. Kitts. Primates 57, 211–220.

[2] Faleiro, F. & Narciso, L. (2013). The disadvantages of mating outside home: how
breeding in captivity affects the reproductive success of seahorses? Journal of Sea
Research 78, 85–90.

[3] Hard, J. J., Berejikian, B. A., Tezak, E. P., Schroder, S. L., Knudsen, C. M. &
Parker, L. T. (2000). Evidence for morphometric differentiation of wild and
captively reared adult coho salmon: a geometric analysis. Environmental Biology of
Fishes 58, 61–73.

[4] Blanchet, S., Paez, D. J., Bernatchez, L. & Dodson, J. J. (2008). An integrated
comparison of captive-bred and wild Atlantic salmon (Salmo salar): implications for
supportive breeding programs. Biological Conservation 141, 1989–1999

[5] Pulcini, D., Wheeler, P. A., Cataudella, S., Russo, T. & Thorgaard, G. H.
(2013). Domestication shapes morphology in rainbow trout Oncorhynchus mykiss.
Journal of Fish Biology 82, 390–407

[6] Stojanovic, D., Young, C. M., Hogg, C. J. & Heinsohn, R. (2019). Body mass is
not a useful measure of adaptation to captivity in the orange-bellied parrot Neophema
chrysogaster. Emu 120, 162–167.

[7] Davis, A. K., Smith, F. M. & Ballew, A. M. (2020). A poor substitute for the real
thing: captive-reared monarch butterflies are weaker, paler and have less
elongated wings than wild migrants. Biology Letters 16, 20190922.

[8] Siciliano-Martina, L., Light, J. E., Riley, D. G. & Lawing, A. M. (2021). One of
these wolves is not like the other: morphological effects and conservation implications
of captivity in Mexican wolves. Animal Conservation 25, 77–90.

[9] Zuccarelli, M. (2004). Comparative morphometric analysis of captive vs. wild
African lion (Panthera leo) skulls. Bioscience 75, 131–138.