Référence de l’étude : Pardeep S. Jagpal, Hayley A. Williams, Michael Eddleston, David Lalloo, David Warrell, Euan A. Sandilands, Ruben Thanacoody, Laurence Gray & Sally M. Bradberry (2022): : Bites by exotic snakes reported to the UK National Poisons Information Service 2009–2020, Clinical Toxicology, DOI: 10.1080/15563650.2022.2077748
Le 19 juillet 2022, un article sur les cas de morsures des serpents exotiques au Royaume-Unis a été publié dans la revue Clinical Toxicology. Les auteurs du papier, Pardeep S. Jagpal, Hayley A. Williams, Michael Eddleston, David Lalloo, David Warrell, Euan A. Sandilands, Ruben Thanacoody, Laurence Gray & Sally M. Bradberry, mettent en avant le fait que même si la plupart des morsures de serpents sont faites sur des continents tels que l’Asie, l’Afrique ou encore l’Australie, la possibilité de rencontrer des espèces venimeuses n’est pas limitée à ces régions d’où sont originaires les animaux. En Europe, les chiens et chats peuvent être remplacés par des serpents comme animaux de compagnie. Aux Etats-Unis et au Royaume-Unis, on estime que 0.8% des ménages possède au moins un serpent. Il existe des règles strictes de détention d’espèces venimeuses et dangereuses dans ces deux régions du monde, cependant le trafic illégal ne peut être négligé. L’article mentionne qu’entre 1977 et 1995, 54 morsures de serpents exotiques ont été signalées aux États-Unis et ce chiffre a bondi à 258 entre 2005 et 2011. Concernant l’Europe, les morsures de serpent représentaient 39 % de toutes les morsures et piqûres signalées sur une période de 11 ans. Les morsures de serpents venimeux exotiques ont également été identifiées comme un des défis médicaux émergents dans d’autres pays, tels que le Brésil, Hong Kong et la Corée du Sud. C’est également une priorité de l’OMS. Dans toutes ces études, les familles de serpents Viperidae ou Elapidae étaient responsables des cas les plus graves d’envenimation.
Concernant le Royaume-Uni, zone géographique dans laquelle se concentre l’étude publiée, des chiffres antérieurs existent également. Entre 1970 et 1977, 32 morsures d’espèces venimeuses exotiques ont été examinées. Plus récemment, le UK National Poisons Information Service (NPIS) a examiné des demandes de renseignements sur les morsures de serpent entre 2004 et 2010, et bien que la majorité concernât la vipère péliade (Vipera berus), le seul serpent venimeux vivant au Royaume-Uni, ¼ des cas (équivalent à 19 cas par an) concernait des serpents exotiques captifs.
Une compilation rétrospective des données de morsures de serpents venimeux et non venimeux (en excluant la vipère péliade) a été mise en place par le centre national antipoison britannique entre le 01/01/2009 et le 31/12/2020.
Cette administration constitue une base de données sur l’ensemble des envenimations du pays et communique des informations ou met en relation les patients et les médecins si besoin. Ce service est disponible en permanence et tous les appels sont enregistrés.
Résultats, 321 morsures de serpents ont été reportées pour 300 patients au cours de cette période. 64.5% des patients reportés étaient des hommes et 77.6% étaient des adultes.
81% des morsures sont intervenues dans le cadre familial avec la détention d’un serpent comme animal de compagnie, contre 11.8% lors d’expositions professionnelles (spécialistes des serpents, employés d’animalerie, etc.)
Il est à noter que 9 patients ont été mordus deux fois et 1 trois fois.
Les résultats de l’étude montrent également que 68 espèces de serpents appartenant à 7 familles sont responsables des morsures reportées : Colubridae n¼184 (57.3%), Pythonidae n¼57 (17.8%), Boidae n¼34 (10.6%), Viperidae n¼30 (9.3%), Elapidae n¼14 (4.4%), Lamprophiidae n¼1 (0.3%) et Tropidophiidae n¼1 (0.3%).
Il est à noter que la famille des couleuvres était responsable, pour la majorité (74 %), des morsures de serpent chez les moins de 18 ans. Ce résultat est en opposition avec ceux des Etats-Unis dans lesquels le boa constrictor était responsable de 49 % des morsures dans cette tranche d’âge.
Selon les rapports, 72.6% des morsures ont été faites sur les membres supérieurs (épaule à doigt) lors d’une manipulation délibérée de l’animal. Cela contraste avec les études faites dans les régions d’origine des serpents dans lesquelles la majorité des morsures se font sur les parties inférieures du corps, suggérant que l’attaque de l’animal intervient lors d’une rencontre fortuite.
86.6% des morsures ont été superficielles, 13.4% ont necessité des conseils spécialisés d’experts en toxicologie et 5.3% ont fait l’objet d’une admission dans un centre anti-venin (11 impliquaient des vipéridés et six impliquaient des Elapidés).
Les cas de morsures ont donc augmenté depuis les dernières études et montrent une large variété d’espèces et de familles de serpents.
12 cas ont été détaillés dans l’étude et concernent des amateurs et des professionnels.
En détail :
Colubridae spp.
Il y a eu 184 cas de morsures de serpent Colubridae chez 183 patients. 90% des morsures impliquaient soit des Couleuvres à nez retroussé (Heterodon nasicus), des serpents des blés (Pantherophis guttatus), des serpents roi/faux-corail (Lampropeltis spp) ou des Ñacaniná (Hydrodynastes gigas).
Pythonidae spp.
Il y a eu 57 cas de morsures de serpent Pythonidae chez 56 patients. 49 cas étaient détenus comme animaux de compagnie. 36 morsures impliquaient le python royal (Python regius), 8 le python birman (Python bivittatus) et 5 le python tapis (Morelia spilota).
Boidae spp.
Il y a eu 34 cas de morsures de Boidae chez 34 patients. 30 cas impliquant des serpents détenus comme animaux de compagnie. 29 étaient des boas constrictors (Boa constrictor), 4 des boas arc-en-ciel (Epicrates cenchria) et 1 cas par un anaconda vert (Eunectes murinus).
Viperidae spp.
Il y a eu 30 cas de morsures de serpent Viperidae impliquant 20 espèces chez 25 patients (tableau 3). Parmi les espèces les plus fréquentes on compte le Crotale du Texas (Crotalus atrox) et le mocassin à tête cuivrée (Agkistrodon contortrix). 16 patients ont été mordus à domicile, 8 au cours de leur travail. 26 patients ont été mordus sur le doigt, le pouce ou la main (86,7%). L’antivenin a été administré à 11 patients. La récupération complète a été documentée dans 18 cas, des symptômes à vie dans un cas, et le résultat était inconnu dans les 11 autres.
Elapidae spp.
Il y a eu 14 cas de morsures de serpents Elapidae impliquant 10 espèces différentes chez 12 patients (tableau 3). Les espèces les plus fréquentes étaient le cobra indien (Naja naja), le cobra à monocle (Naja kaouthia) et le cobra royal (Ophiophagus hannah).
7 patients ont été mordus à domicile et 7 au cours de leur travail. 8 morsures concernaient les membres supérieurs (10 à la main ; 2 aux doigts et un aux deux pouce et poignet), deux à la jambe ou au pied, et l’endroit de la morsure n’était pas documenté dans quatre cas. L’antivenin a été administré dans 6 cas. Le rétablissement complet a été documenté dans 5 cas, des symptômes persistants dans deux cas, séquelles permanentes dans un et un mort. Un résultat n’était pas disponible dans cinq cas.
Alexandra Morette