160 milliards d’euros : c’est le chiffre colossal que représente le trafic pour l’ensemble des animaux et organismes sauvages chaque année dans le monde.
Malheureusement, ce trafic se place dans le top 5 des activités illégales les plus lucratives au niveau mondial, notamment avec celui de la drogue et des armes.
La dangereuse montée en puissance du commerce illégal d’animaux sauvages
Le trafic d’espèces animales et végétales est une réelle préoccupation aujourd’hui pour toute la faune sauvage qui souffre déjà d’un déclin suite aux activités humaines, notamment avec la déforestation, la chasse ou encore plus récemment avec la pandémie de la Covid-19, comme il a pu être traité précédemment ici.
Ce trafic d’animaux est une activité illicite qui brasse énormément d’argent en fonction des espèces, qui va de l’éléphant pour ses défenses au tigre pour sa peau ou ses os, mais également l’ours pour sa bile. De la simple viande aux produits de luxe, en passant par les médicaments, les vêtements, les produits dérivés fabriqués avec les peaux, les fourrures ou les écailles… tous ces animaux sont menacés pour ça. Évidemment, c’est un cercle vicieux car plus l’espèce est menacée, plus elle est convoitée par sa valeur financière, et plus son commerce sera mis en avant, provoquant petit à petit sa probable disparition.
Photo : Pixabay
De nombreux rapports sur le commerce illégal d’animaux sauvages sont souvent publiés par les associations de défense des animaux, par les organisations mondiales, et également par des doctorants comme Oscar Morton, un jeune britannique chercheur au Département des sciences animales et végétales de l’université de Sheffield.
Ce dernier a publié une méta-analyse dans lequel il estime que 100 millions de plantes et d’animaux sauvages font l’objet d’un trafic international chaque année. Ce trafic touche particulièrement les mammifères, comme les éléphants, les rhinocéros ou encore les pangolins. Mais il touche également les oiseaux, les reptiles ainsi que de nombreuses plantes comme les cactus et les orchidées. En moyenne, on peut constater une diminution de 62% de ces espèces menacées, là ou le commerce est actif. C’est un chiffre énorme qui entraîne la diminution importante des espèces sauvages, voir la disparition locale pour certaines.
Pourtant, même s’il existe ce trafic illégal, il y a aussi tout un commerce légal qui est mis en place. Ce second commerce est mal réglementé ou surveillé . Des éleveurs prônent le fait que la vente des animaux sauvages élevés en captivité diminue la pression exercée par les braconniers sur les félins sauvages. Seulement, les défenseurs des animaux estiment au contraire que ce commerce favorise la demande en normalisant la consommation ou l’usage de diverses parties de ces animaux.
Un rapport publié en mars dernier par WWF et TRAFFIC révèle que la France jouait un rôle important dans le commerce légal d’espèces sauvages. Entre 2008 et 2017, c’est plus de 28 millions qu’elle importe et près de 46 millions pour l’exportation.
Quoi en retenir ? Le commerce en soi n’est pas mauvais, car il profite à des millions de personnes dans le monde que ce soit pour leur subsistance ou pour l’accès à certaines ressources comme les médicaments ou les protéines. Des personnes dépendent de ce commerce, mais lorsqu’il est exagéré , il provoque un risque d’extinction et une menace mondiale pour les espèces, et c’est là toute la limite.
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Le fléau des réseaux sociaux pour les animaux
Qui n’a jamais regardé une vidéo sur instagram, snapchat ou TikTok avec une personnalité publique en train de jouer avec un lion, ou de câliner un léopard ?
Aujourd’hui, certains comptes sur les réseaux sociaux rassemblent des millions d’abonnés qui vont suivre quotidiennement ces personnalités aux côtés d’animaux sauvages, le plus souvent dangereux, tels que les lions, les hyènes, ou encore les tigres. Alors même si ces personnalités, telles que Shandor Larenty ou Kody Antle se présentent sur les réseaux dans leur milieu de travail ou leur parc naturel zoologique dans la plus honnête des démarches, certaines personnes vont minimiser le risque de danger et vont vouloir la même chose : approcher ou posséder ces animaux.
Il va y avoir deux conséquences principales à tout ça. La première étant de rechercher sur le web des ventes d’animaux sauvages, en tant qu’animal de compagnie chez soi ou juste pour faire « décoration » à un anniversaire ou un mariage. Bien que cela ne soit pas courant, comme il faut les moyens financiers pour arriver jusqu’à la transaction, c’est quand même une pratique rencontrée dans certains pays.
La seconde conséquence, et pas la moindre, c’est le souhait de « vouloir faire pareil ». Et donc cela va se traduire par des selfies avec ces animaux, ou des activités touristiques pour s’amuser avec, tout en les prenant pour ce qu’ils ne sont pas, des jouets ou des gros chats sauvages. Au Brésil par exemple, la ville de Manaus accueille de nombreux touristes pour ce genre d’excursions pour se prendre en photo avec des tigres, pour jouer avec des lionceaux ou faire des balades à dos d’éléphants. Et, ironie du sort, ce sont souvent des gens qui aiment les animaux, et qui ne pensent pas à ce qui se cache derrière cette activité « géniale ».
Photo : Pixabay
Pire encore, les personnalités de télé-réalités, elles aussi suivies par des millions d’abonnés et surtout avec beaucoup d’influence auprès des jeunes, qui ne réfléchissent pas une seconde lorsqu’elles publient des vidéos avec ces animaux. C’est ce que dénonce souvent le journaliste Hugo Clément avec les maltraitances faites aux animaux, notamment avec les faits des ex-candidats Julien TANTI et Manon MARSAULT l’année dernière. Des millions de personnes ont pu les voir emmener leur fils jouer dans un zoo connu à Dubaï où on peut promener des singes en laisse, et même des crocodiles, la gueule muselée par du gros scotch.
Un animal un peu moins connu, mais également star d’internet grâce à sa bouille attendrissante est le loris lent. Vous savez, ce petit singe aux yeux globuleux qui lève les bras en l’air dès qu’on le chatouille. NON, il n’est pas « heureux » mais terrifié et lève les bras parce qu’il secrète un venin à l’aide d’une glande sous ses aisselles. Ces petits singes sont rentrés dans le terrible circuit du trafic illégal d’animaux par la forte demande en tant qu’animal de compagnie. Seulement, ce que les adoptants ignorent, c’est qu’il s’agit d’animaux très sensibles et qu’on leur arrache les dents sans anesthésie avant de les vendre pour qu’ils aient cette « bouille tout mignonne. »
Quoi en retenir ? Non ! Il n’est pas naturel d’arriver à se prendre en selfie aux côtés de lions. Si c’est le cas, il faut bien penser que la plupart du temps, ils sont drogués, battus, et enlevés à leur famille pour les formater au public. A notre échelle, il est tout à fait possible de faire avancer les choses. En effet, tant qu’il y aura de la demande pour ce genre d’activités ou pour avoir de nouveaux animaux de compagnie dont la place n’est pas dans une cage à la maison mais dans la nature, alors le trafic d’animaux ne cessera pas !
Photo : Roi Dimor
Un trafic difficile à stopper
Nous le savons, le trafic d’espèces sauvages animales et végétales a un rôle économique important, car il génère beaucoup d’argent et c’est aujourd’hui une source financière importante pour de nombreuses organisations terroristes. Toutefois, il faut noter que suite à la pression des différentes organisations internationales, certains États ont pris des dispositions. En 2016, le Kenya a détruit tout son stock d’ivoire et les États-Unis et la France ont interdit ce commerce sur leur territoire. Hong-Kong doit faire la même chose cette année et la Chine s’y est engagée sans donner de date précise.
Même si de nombreux États ont fait le nécessaire sur les bases législative et réglementaire, il manque les moyens pour arriver à mettre en application ces lois. Donc les sanctions encourues sont faibles et pas toujours appliquées, si ce n’est que par des amendes. Il faudrait des services répressifs avec les moyens nécessaires et un système de justice pénale, mais également une volonté politique de réduire la corruption. De plus, les trafiquants sont généralement très organisés, avec de nombreux moyens financiers et matériels, et n’auront aucun scrupule à pénétrer dans les zones naturelles et protégées, jusqu’à même tuer les opposants et défenseurs de ces lieux. Ces trafiquants sont une véritable armée à eux seuls.
Aujourd’hui, il est très facile de trouver et de vendre tout ce qu’on veut sur le web, et la multiplication des réseaux sociaux entraîne un risque supplémentaire pour les animaux sauvages. En effet, il est quasiment aussi simple d’acheter n’importe quel animal, notamment des reptiles, sur internet que de commander de nouveaux meubles pour son salon. Malheureusement, l’époque des marchés noirs et des ventes en arrières boutiques laisse une grande place à celle d’internet. Et les trafiquants vont se servir de ces nouvelles technologies pour multiplier leur trafic, et faciliter leur e-commerce sur des plate-formes de ventes insuffisamment équipées pour détecter les annonces et les supprimer rapidement.
Source : notre-planete.info
Il y a une grande volonté des géants du web de stopper tout ce trafic en ligne, notamment avec la « Global Coalition to End Wildlife Trafficking Online ». C’est une coalition internationale qui regroupe des entreprises technologiques, de commerce en ligne, ainsi que des réseaux sociaux comme Google, Facebook ou encore Instagram. Le but étant de stopper en amont les trafiquants en supprimant les annonces avant qu’elles soient publiées.
Source : nationalgeographic.fr
De plus, les grandes marques participent aussi à mettre un frein à ce commerce illégal, qui tue des millions d’animaux, notamment pour de la fourrure. Ces derniers jours, c’est la marque Valentino qui a rejoint le mouvement en déclarant stopper l’utilisation de la fourrure à compter de 2022, tout comme Gucci, Prada ou encore Jean-Paul Gaultier avait fait.
Quoi en retenir ? Aujourd’hui, le commerce illégal se multiplie à une vitesse trop importante pour stopper la future extinction de certaines espèces. A notre échelle, et en partageant ce qui se passe autour de nous, il est possible de le freiner. Par exemple, participez à la campagne du Costa Rica #StopAnimalSelfies !
Quelques chiffres concernant le trafic
En Juin 2019, une opération coordonnée par Interpol et l’Organisation mondiale des douanes (WCO) a été réalisée dans 109 pays. En tout, la police a interpellé près de 600 suspects, 440 défenses d’éléphants, une demi-tonne d’objets en ivoire, 2 600 plantes, 23 primates, 30 fauves, 4 300 oiseaux, 10 000 animaux marins dont du corail, hippocampes, dauphins, requins, 10 000 tortues et 1 500 reptiles. Il y a également eu 21 arrestations de personnes en Espagne. Les photos publiées par Interpol montrent des milliers de tortues entassées dans des containers en Russie, des poissons-zèbres morts pendant le transport illégal au Brésil.
Depuis 2000, environ 2 300 tigres ont été victimes du trafic international, soit 2 tigres par semaine, en particulier pour leurs peaux, et aussi certaines parties de leurs corps qui auraient des vertus dans la médecine chinoise traditionnelle.
Les éléphants d’Afrique sont passés de 10 millions au début du XXème siècle à
415 000 individus aujourd’hui, à cause du commerce de leur ivoire, mais également à cause de la perte de leur habitat naturel.
Aujourd’hui, il reste moins de 75 individus dans le monde pour ce qui concerne le rhinocéros de Java. En 2018, il a été saisi pour 116 kg de cornes de rhinocéros d’une valeur globale de 10 millions d’euros.
Les pangolins font partis des animaux les plus touchés par ce commerce international, ils sont notamment prisés pour leurs écailles. On estime à environ 1 million le nombre de ces fourmiliers capturés au cours de cette dernière décennie, sans compter la production locale en Asie et Afrique.
Source : illicit-trade.com
Les amphibiens, les invertébrés ou plantes sont également très concernées par ce trafic.
A noter que les animaux de compagnie sont aussi victimes de trafic illégal. En effet, les éleveurs ne peuvent pas toujours satisfaire la demande, notamment lorsque les races ou espèces sont victimes d’effet de mode. Les animaleries qui se multiplient partout importent souvent leurs animaux de l’étranger; des chiots tout juste sevrés et en proie aux diverses maladies telles que la parvovirose ou la maladie de Carré. De plus, ces animaux sont bien souvent élevés à la chaîne sans aucune sociabilisation et développent régulièrement des troubles du comportement par la suite.
En France, l’Assemblée Nationale a enfin voté l’interdiction de la vente des chiens et chats en animalerie, à compter de 2024 et a encadré la vente en ligne pour la réserver aux éleveurs et aux refuges.
Anthony Giraudon
Photo credit : Pixabay
Sources :
INDEPENDANT.CO.UK
RTBF.BE
RTS.CH
WWF.FR
PANETOSCOPE.COM
NATIONALGEOGRAPHIC.FR
REPORTERRE.NET