LE TIGRE BLANC : A L’ANTITHESE DE LA MISSION DE CONSERVATION DONT SE TARGUENT LES ZOOS.

Alors que les médias mettent en avant le fait que 3 tigres blancs sont nés au zoo d’Amnéville, il nous est apparu comme important de faire quelques distinctions dans les gros titres et sur ce fait. Comme souligné dans de nombreux articles relatant cette nouvelle, notre espèce a souvent tendance à donner de la valeur à ce qui est rare, et ce qui est rare est souvent qualifié de « beauté ». Mais qu’en est-il du fond pour les tigres blancs ? Est-ce là le rôle d’un parc zoologique de mettre en avant des espèces belles et mignonne ?

C’est quoi un tigre blanc ?

Le tigre blanc n’est pas une espèce ni même une sous-espèce, c’est un individu qui a subi une mutation génétique appelée leucisme ou leucistisme, retrouvée très rarement dans le milieu naturel et, en ce qui concerne les tigres, uniquement chez ceux du Bengale.

 Il résulte de l’expression phénotypique d’un gène récessif qui entraine une absence ou une dégénérescence de cellules pigmentaires.

Tous les tigres blancs sont issus d’un même individu capturé bébé en Inde en 1951, après que la mère et le reste de la fratrie aient été abattus. Ce male, qui fut dénommé Mohan, a été croisé avec une femelle rousse elle-même capturée dans la nature, mais ce n’est que lorsqu’il s’est reproduit avec une de ses filles que des bébés blancs sont nés.

De nombreux autres naitront dans l’élevage du Maharadja de Rewa, par accouplements consanguins.

En décembre 1960 la première femelle arrive aux USA au Smithsonian Institute.

Croisés ensuite avec des tigres de Sibérie car leur stature est plus importante, ces tigres qui attirent le public par leur couleur vont rapidement se retrouver dans les collections de particuliers, les cirques et les zoos.

Beauval a été le premier parc européen en 1991 à présenter des tigres blancs en Europe, ce qui est encore fièrement revendiqué sur leur site aujourd’hui. Pour eux, « les tigres blancs sont les porte-drapeaux d’autres animaux moins connus. Ils permettent d’attirer l’attention des visiteurs sur la nécessité de préserver la faune et la flore. »

« … de nombreux tigres blancs sont nés du célèbre couple…aujourd’hui, une fois l’âge adulte atteint, ces petits quittent les lieux pour se reproduire à leur tour dans d’autres parcs zoologiques «. La mère des tigreaux nés à Amnéville vient d’ailleurs du zoo de Beauval.

Le problème est que tous ces tigres blancs captifs sont consanguins et qu’ils souffrent donc d’une santé plus fragile et de nombreuses tares comme des problèmes de strabisme, fente palatine, déformation de la colonne vertébrale et autres malformations.

Du point de vue de la conservation des espèces et de la sauvegarde de la biodiversité, ils n’ont donc absolument aucun intérêt, ce sont des bêtes de foire utilisées pour attirer un public non averti.

Comment des parcs zoologiques, dont l’implication dans la conservation des espèces commence d’ailleurs très sérieusement à être remise en question, peuvent-ils encore aujourd’hui favoriser de telles naissances ?

Comment justifie-t-on aujourd’hui une telle hérésie ?

Les parcs zoologiques sont censés remplir quatre grandes fonctions selon la réglementation actuelle :

 La recherche 

Les tigres blancs seraient-ils donc reproduits pour étudier l’influence des tares génétiques sur le comportement, la longévité des individus, pour pouvoir étudier l’apparition de nouvelles malformations, jusqu’à quelle génération on peut encore obtenir des individus viables…

La conservation 

Le tigre (et ses 9 sous espèces) est une espèce menacée, classée EN (En Danger) sur la liste rouge de l’IUCN et à l’annexe I de la CITES. Il n’en existerait plus qu’environ 4000 dans la nature, principalement en Inde.

Mais rappelons-le, le tigre blanc qu’on retrouve dans les zoos n’est ni une espèce, ni une sous espèce, c’est un individu consanguin atteint d’une mutation qu’on a maintenu artificiellement.

Rappelons-le aussi, seulement 20% des espèces présentées dans les zoos sont des espèces menacées et les taxons les plus en danger sur cette planète (batraciens et insectes) ne sont que très peu représentés dans les zoos.

De ce fait, en quoi faire reproduire ces animaux serait-il donc utile à la conservation ?

L’éducation du public 

La robe blanche des tigres ne permet pas un camouflage efficace, les individus sont beaucoup plus facilement repérables par leurs proies ils sont donc beaucoup moins armés pour la survie que leurs congénères non mutants.

Le principe de la sélection naturelle selon la théorie de Darwin sur l’évolution est que les individus les moins aptes à vivre sont éliminés, ce qui permet à l’espèce de se perfectionner de génération en génération.

Les tigres blancs ne sont pas adaptés à leur milieu, c’est pourquoi la sélection naturelle n’a pas retenu cette option.

A moins que les zoos favorisent des contre exemples pour bien montrer au public ce qu’il ne faut pas faire, on ne comprend pas bien ce qu’il y a d’éducatif à promouvoir la naissance de mutants inadaptés à leur milieu.

Divertissement

Le parc zoologique est une entreprise commerciale, tout y est fait pour attirer en nombre le public.

Comme toute entreprise, le but est de générer des profits.

Si les tigres blancs peuvent faire recette, pourquoi s’en priver.

A ne point en douter, c’est cet argument qui pousse encore ces parcs à faire reproduire ce genre d’animaux.

A ce propos, l’Association des Parcs Zoologiques Américaine (AZA) avait reconnu en 2008 que les tigres blancs et autres hybrides ne doivent en aucun cas être reproduits à cause du message anti-pédagogique que cela renvoyait.

Les scientifiques sont également unanimes à ce sujet, les tigres blancs ne doivent pas être reproduits dans les zoos puisque cela diffuse une fausse croyance que ces animaux sont en voie d’extinction et appartiennent même au tigre de Sibérie.

Amnéville se rachète une belle image ?

Rappelons également que ces derniers temps le zoo d’Amnéville est dans la tourmente.

Une dizaine de salariés et d’ex-salariés ont dénoncé de nombreux dysfonctionnements, détaillés par France Bleu dans une longue enquête publiée en décembre 2018.

Plusieurs animaux morts auraient été enterrés dans la forêt, dont une éléphante, ce qui est contraire à la réglementation en vigueur. Il y a aussi les décès suspects : le zoo d’Amnéville aurait parfois annoncé le transfert d’animaux vers d’autres zoos, alors qu’ils étaient morts à Amnéville, selon des employés. YaKwanza, un gorille de 32 ans qui serait mort d’une rupture d’anévrisme, alors que d’après un salarié, il s’agissait d’une « erreur d’anesthésie ». Et, l’icône du parc animalier, l’ours blanc Olaf, pensionnaire depuis 1999, mort le 25 juillet 2018, qui a failli terminer dans une déchetterie.
Cette information est formellement démentie dans un communiqué du vétérinaire-chef mardi 10 décembre 2019. « Le 26 juillet [2018], le cadavre de l’ours polaire a été emporté, par erreur, par l’entreprise chargée d’évacuer les déchets. Arrivée au centre de traitement des déchets [à Aboncourt, ndlr], l’entreprise s’est rendu compte de la méprise et le corps de l’animal a été immédiatement rapportée au parc zoologique. »
Le communiqué précise que la société d’équarrissage a bien emporté le cadavre le 30 juillet.

Aussi, dans six endroits différents du zoo, des tuyaux déversent des eaux usées dans la nature, signale France Bleu. Si, pour la mairie d’Hagondange, « aucun problème de déversement d’eaux usées n’a été signalé », une ancienne employée, n’est pas de cet avis : « On pense qu’on est en état de non-conformité. Tout part dans la forêt d’Hagondange, mais on parie sur le fait que le maire ferme les yeux ». Un autre affirme même que « les eaux usées des tapirs, des tamanoirs, des jaguars, des perroquets, des manchots partent dans la nature, avec parfois des produits détergents comme du chlore ou de l’acide chlorhydrique. »

Une liste noire aurait en outre été mise en place, sous la forme d’un fichier Excel, appelé Olive Black List, qui listerait 214 noms. Certains, surlignés en jaune, sont ceux d’employés, suivis de remarques comme « élément perturbateur au service restauration, prud’homme ou encore problème de fin de contrat (a réclamé des heures impayées) ». Des visiteurs sont également recensés, suspectés d’être « anti-cirque, anti-tigerworld, anti-parc marin », « sympathisant association animaliste ». Cette liste a été dénoncée par une salariée à la police, mais pour l’heure, aucune enquête n’a été faite. Cela est contraire à la protection des données personnelles.

Conclusion

A grand renfort de publicité, on joue sur l’exceptionnel, le carnet rose du printemps, sur la méconnaissance d’une partie de la population qui va au zoo « parce qu’il aime les animaux ».

Les gens viennent en famille passer la journée pour observer une faune sauvage captive à leur disposition, passant d’un enclos à l’autre, « consommant » de l’animal sauvage en savourant une glace. On n’est pas là pour s’instruire mais pour se divertir, sinon, depuis le temps que les zoos existent, nous aurions tous pris conscience de la nécessité de préserver la nature et l’environnement et chaque visiteur aurait agi individuellement, localement ou nationalement à la préservation de la biodiversité !

L’écrivain Sylvain Tesson a passé des jours à l’affut dans le froid et la neige, dans l’attente d’apercevoir la panthère et les autres animaux vivant dans ces contrées inhospitalières ; dans son livre « La panthère des neiges «, il écrit « les bêtes surgissent sans prémices puis s’évanouissent sans espoir qu’on les retrouve. Il faut bénir leur vision éphémère, la vénérer comme une offrande. »

Dans un zoo, on met l’animal à la disposition de l’humain, comme un du, sans effort, accessible.

On donne aux gens ce qu’ils ont encore, pour l’instant, envie de voir. On les rassure, on les conforte dans leurs idées. Alors que notre faune sauvage locale est passionnante aussi, qu’elle a aussi besoin d’être protégée, qu’on peut l’admirer au détour d’un sentier, au bord d’une mare, en levant les yeux vers le ciel…

Il faut réinventer nos rapports avec la nature, sortir des schémas, ouvrir son esprit. Le zoo n’est pas une arche de Noé, le zoo n’est pas la solution.

Sources

Green planet

Slate

Big Cat Rescue

HuffingtonPost