Le projet de protection des tortues marines à Pemuteran, au Nord est de Bali.

Nous avons rencontré Chris Brown,initiateur et directeur du projet de protection des tortues marines à Pemuteran, au Nord est de Bali.

Tout commence en 1992 quand Chris (à l’époque juste propriétaire d’un centre de plongée, le Reef Seen Aquatics, devenu le Reef Seen Divers’Resort) rachète à un pêcheur local une tortue marine adulte capturée dans ses filets. Il la relâche mais on lui en a rapporte une autre. C’est le début d’un formidable combat et d’une implication qui ne s’est toujours pas démentie, pour la sauvegarde des tortues conjointement à l’amélioration des conditions de vie des habitants de Pemuteran.

Chris commence à racheter aux villageois les œufs de tortue qu’ils capturaient sur les plages pour les consommer, ces œufs étant considérés comme des mets de choix en Indonésie. Les habitants comprennent vite qu’ils ont un avantage financier à apporter les œufs à l’association.

Aujourd’hui, 30 ans plus tard, les oeufs sont toujours rachetés aux locaux et placés dans les couvoirs à des températures optimales, sachant que le sexe des tortues dépend de la température à laquelle les embryons ont été soumis in ovo.

En effet,contrairement aux mammifères par exemple, dont le sexe est déterminé lors de la fécondation et la transmission des chromosomes sexuels, le sexe des tortues marines est déterminé à partir de la température à laquelle les œufs se développent. Ce phénomène est également observé chez de nombreux autres reptiles.

Photo credit : Sophie Wyseur

Des recherches scientifiques ont révélé que si l’incubation des œufs d’une tortue marine est inférieure à 27,7° Celsius, les bébés seront de sexe masculin. En revanche, au-delà de 31° Celsius, elles naitront femelles. Entre ces deux extrêmes, la température des œufs en développement produit tant des bébés tortures mâles que femelles.

 Après 45 à 60 jours, les œufs éclosent et les bébés sont placés dans des bassins d’eau de mer, ils sont surveillés et nourris jusqu’à ce qu’ils aient environ 3 mois.

 Ils sont ensuite libérés dans la mer, directement de la plage en face du centre.

Ils ont ainsi une meilleure chance de survie, on estime ainsi qu’un bébé tortue sur 100 arrive à l’état adulte contre un pour 1000 sans aide au démarrage.

En effet, les tortues font face à toutes sortes de défis aux différents stades de croissance : prédateurs naturels ou chiens errants, prélèvements des œufs pour la consommation, dérèglement climatique entraînant un mauvais ratio des sexes( plus de femelles que de mâles ),pollution, perte d’habitat avec l’occupation des plages par les activités touristiques, prises accidentelles dans les filets pour les plus jeunes et captures volontaires pour les adultes, la viande de tortue étant consommée, utilisée dans les cérémonies religieuses et les carapaces vendues aux touristes… bref, la vie de tortue n’est pas de tout repos !

Mais grâce aux actions de Chris, les pêcheurs locaux et les villageois sont aujourd’hui éduqués en ce qui concerne l’impact environnemental des captures de tortue, le projet a investi beaucoup de temps et d’énergie pour favoriser cette prise de conscience.

L’éducation des habitants est le facteur essentiel pour assurer la survie des tortues. La connaissance est bien transmise maintenant et les nouvelles générations sont très impliquées dans la sauvegarde de ces espèces.

Photo credit : Sophie Wyseur

D’autant qu’un pêcheur peut maintenant gagner plus d’argent en vendant les œufs au projet qu’en vendant une tortue ou les oeufs sur les marchés locaux.

Les œufs de tortue sont également collectés sur les aires devenues vulnérables (à cause des chiens locaux ou de la sur fréquentation des plages, les tortues étant sensibles au bruit et aux lumières artificielles).

La communauté des pêcheurs locaux sait que quand ils attrapent une tortue accidentellement dans leur filet et que celle-ci est blessée, ils doivent l’amener au sanctuaire où elle sera soignée.

Le pécheur est dédommagé financièrement par l’association pour les dommages causés sur ses filets par cette prise accidentelle et pour avoir cédé sa prise à l’association : c’est un système gagnant-gagnant très efficace.

En revanche, quiconque attrape une tortue intentionnellement, la tue, la mange ou la vend est puni par la loi et son comportement est de plus fortement condamné par la communauté.

 Les tortues de mer sont une des plus vieilles espèces vivantes sur la planète. Il existe en fait plus de 300 espèces de tortues dans le monde, dont 250 espèces aquatiques (qui vivent en eau douce, milieux humides et palustres), il y a aussi 60 espèces terrestres mais seulement 7 espèces qui vivent en mer, toutes fortement menacées d’extinction d’après l’IUCN.

Sur les sept espèces de tortues marines, six appartiennent à la famille des cheloniidés, seule la tortue luth fait partie de la famille des dermochélyidées, caractérisée par l’absence de corne et d’écaille sur sa carapace.

Photo credit : Sophie Wyseur

Dans les eaux indonésiennes, on retrouve la tortue verte(Chelonia Mydas), la plus grande des cheloniidés avec un poids pouvant aller jusqu’à 250 kg et une taille jusqu’à 130 cm. Au stade juvénile, la tortue verte est essentiellement carnivore et se nourrit de petits crustacés et poissons. Elle devient végétarienne à l’âge adulte et se nourrit alors essentiellement de plantes marines. Elle doit d’ailleurs son nom non pas à la couleur de sa carapace mais à celle de sa chair.

La tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea) doit son nom à la couleur vert-olive de sa carapace. Elle mesure jusqu’à 75 cm et pèse jusqu’à 50 kg.

La tortue imbriquée, (Eretmochelys imbricata) pèse jusqu’à 90 kg pour une taille allant jusqu’à 120 cm. Elle a un régime omnivore mais se nourrit beaucoup d’éponges, ce qui rend sa peau toxique pour l’homme. Malheureusement, ses magnifiques écailles faciles à transformer en objets artisanaux en font tout de même la cible des braconniers.

La tortue caouanne (Caretta caretta) mesure jusqu’à 120 cm pour 200 kg. Elle est carnivore et mange des méduses, des petits poissons, des crabes et des crevettes.

La Tortue de Kemp (Lepidochelys kempii),  c’est la plus petite des tortues marines.

La tortue Luth, (Dermochelys coriacea) est la seule espèce de la famille des dermochélyidés. C’est la plus imposante des tortues marines. Elle peut atteindre 400 kg et dépasser les deux mètres de longueur. Sa carapace n’est pas recouverte d’écailles mais d’une peau coriace.

Photo credit : Sophie Wyseur

Toutes ces espèces ont une durée de vie pouvant dépasser les 200 ans.

 Malheureusement, à cause de l’impact des activités humaines, le nombre des tortues a nettement diminué partout dans le monde.

C’est grâce aux efforts gouvernementaux initiés il y a quelques années (devant l’ampleur du déclin) et à l’action de nombreuses ONG internationales et locales comme celle de Chris qui implique fortement les communautés villageoises avec un système gagnant-gagnant, que la tendance semble aujourd’hui commencer à s’inverser avec un début de stabilisation des populations.

En Indonésie, les tortues marines sont protégées par les réglementations du Ministère des Forêts et de l’Environnement et du Ministère de la Pêche, mais le commerce illicite de tortues vivantes reste un problème majeur et il est particulièrement concentré à Bali, plaque tournante du trafic et point de ralliement des braconniers.

En 2022, et pour la première fois de l’histoire du pays, le gouvernement a mis en place une police maritime responsable d’enquêter, de traquer les braconniers, les traîner en justice et de confisquer leur butin.

Une autre association non gouvernementale vient d’ouvrir une clinique vétérinaire pour tortues de mer dans la même région, au nord est de Bali,en collaboration avec la SCS (Swiss Cetacean Society). Il s’agit de la JAAN, Jakarta Animal Aid Network.

Dans ce Nouveau Centre, les bénévoles disposent aujourd’hui de

–  10 piscines en fibre de verre de 2,5 mètres de diamètre

–  1 échographe USG (matériel d’échographie)

–  du matériel vétérinaire (tubes en acier inoxydable, seringues, etc.).

Quand vous voyagez, faites particulièrement attention aux objets de décoration colifichets, bijoux…que vous souhaitez acheter, et éviter aussi de succomber la tentation de goûter un met exotique…

Quand vous n’êtes pas absolument certain de l’origine ou de la nature d’un produit, n’achetez pas, ne consommez pas.

Photo credit : Sophie Wyseur

Sources :

https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/animaux-marins/les-efforts-de-conservation-paient-les-tortues-marines-se-portent-mieux_177314

https://www.wwf.fr/especes-prioritaires/tortues-marineshttps://www.oceano.org/ressources/7-especes-de-tortues-marines/

https://www.swisscetaceansociety.org/post/clinique-veterinaire-pour-tortue-marine-bali-indonesie#:~:text=En%20Indon%C3%A9sie%2C%20les%20tortues%20marines,du%20Minist%C3%A8re%20de%20la%20P%C3%AAche.

https://www.nationalgeographic.fr/animaux/la-hausse-des-temperatures-fait-changer-de-sexe-les-tortues-marines

https://oceanservice.noaa.gov/facts/temperature-dependent.html

https://mrmondialisation.org/la-reproduction-des-tortues-est-gravement-menacee/

https://reefseenbali.com/turtle-hatchery/