Le gouvernement espagnol adopte un projet de loi sur la protection animale

En matière de bien-être animal, tous les pays n’ont pas les mêmes exigences ni les mêmes lois, bien que la protection animale soit une thématique de plus en plus prise en compte par les Etats à travers le monde et notamment en Europe.

Après l’Autriche, l’Allemagne, la Belgique, le Portugal et la France, ce fut au tour de l’Espagne d’adopter un projet de loi visant à mieux protéger les animaux sur son territoire le 18 février 2022.

Les trois grands fléaux visés par cette loi

Au sein d’un pays où les droits fondamentaux des animaux sont bien souvent bafoués, le projet de loi adopté par le gouvernement espagnol, bien qu’arrivé tardivement en comparaison à ses voisins européens, apparaît comme une véritable avancée en matière de bien-être animal.

Cette loi vise à lutter contre « trois grands fléaux » présents en Espagne :

  • Les mauvais traitements infligés aux animaux
  • Leur abandon
  • Leur mise à mort

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Selon la socialiste du parti « Podemos » Ione Belarra, ce sont en moyenne 300 000 animaux qui sont abandonnés chaque année en Espagne (contre une moyenne de 100 000 en France à titre de comparaison).

Il est important de noter qu’il n’existe pas de statistiques nationales globales en ce qui concerne les abandons d’animaux. Dans le cas français, les derniers chiffres ont été fournis par l’association 30 millions d’amis et datent de 2019.

Ces données sont donc à analyser avec précaution puisqu’il est pratiquement impossible à l’heure actuelle d’avoir des datas fiables. Cependant, elles peuvent nous donner une tendance et constituent un bon point de départ afin de prendre conscience du réel fléau qu’est l’abandon de nos compagnons à quatre pattes.

Source : https://www.leparisien.fr/societe/abandons-d-animaux-les-francais-champions-d-europe-vraiment-19-06-2019-8096889.php

Afin de limiter les abandons, la nouvelle loi espagnole souhaite rendre obligatoire l’identification et la vaccination des animaux de compagnie. Le but serait ainsi de mieux tracer les différents animaux de compagnie et ainsi, leurs humains en cas d’abandons. Cette obligation rajoute une contrainte de taille pour les futurs maîtres dont l’engagement envers leur compagnon ne serait pas mûrement réfléchi et qui penseraient pouvoir s’en débarrasser sans problème. 

Afin de lutter contre les mauvais traitements, la nouvelle loi prévoit de jouer sur le volet judiciaire via une modification du code pénal comme nous le verrons dans la partie suivante.

Enfin, en ce qui concerne la mise à mort, le projet de loi interdit les sacrifices d’animaux de compagnie. Là encore, elle utilise une modification du code pénal afin de punir les bourreaux tuant leurs compagnons. Ces derniers écoperont d’une peine d’emprisonnement ainsi que d’une amende.

Malheureusement, la tauromachie ne rentre pas dans ce cadre. En effet, elle est régie par une loi bien distincte et fortement protégée par de fervents défenseurs et par la constitution de par son statut de « bien d’intérêt culturel ». 

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Partie 2 : modification des codes civil et pénal

Afin de lutter contre les trois fléaux énoncés dans la partie précédente, des modifications vont intervenir dans différents textes :

  • Le code civil
  • Le code pénal.

En effet, les animaux domestiques seront désormais considérés comme des êtres vivants doués de sensibilité et non plus comme de simples objets. Ce constat vient donc modifier les fondements du code civil.

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Les animaux de compagnie seront donc désormais dotés d’un statut juridique qui leur est propre et considérés comme des membres de la famille, si bien qu’en cas de divorce, les foyers espagnols qui ne parviendraient pas à se mettre d’accord sur la garde de leur animal de compagnie devront suivre la décision prise par la justice. Un juge pourra ainsi décider de mettre en place la garde partagée de l’animal ou bien encore imposer le versement d’une pension pour les frais alimentaires, les soins ou les diverses dépenses d’entretien liées à la détention de l’animal.

C’est une grande révolution en Espagne mais qui était plus que nécessaire car les conflits concernant la garde des animaux lors d’un divorce ou d’une séparation étaient nombreux. La décision sera désormais actée par un juge si le couple ne parvient pas à trouver un terrain d’entente, afin de s’assurer de la meilleure solution possible pour le bien être de l’animal.

De plus, cette loi entraine également une réforme du code pénal espagnol puisque les auteurs de mauvais traitements envers les animaux se retrouveront confrontés à des peines d’emprisonnement qui varieront selon la gravité de leurs actes.

En effet, dans le nouveau projet de loi, les peines pour maltraitance sont fixées à 18 mois de prison si l’animal a été blessé et nécessite des soins vétérinaires ; contre 24 mois si ce dernier ne survit pas aux blessures qui lui ont été infligées.

En cas de maltraitance, une procédure d’éloignement pourra également être appliquée au bourreau afin de protéger l’animal.

Ainsi, les actes de maltraitance et d’abandon d’animaux seront désormais considérés comme de réels délits et passibles de poursuites judiciaires.

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Bien entendu, ce projet de loi est loin de ravir toute l’Espagne et comme pour chaque avancée en termes de bien être animal, il existe des réfractaires.

C’est notamment le cas du parti d’extrême droite espagnol Vox pour qui cette loi est une « aberration qui bafoue le concept familial traditionnel et met au même niveau un fils et un chien ».

Cependant, si on y regarde de plus près, cette phrase est loin d’être réaliste.

En effet, malgré les grandes avancées énoncées dans ce projet de loi, les animaux domestiques sont loin d’être considérés égaux aux humains. D’un point de vue juridique, ils sont encore considérés comme des biens, c’est uniquement sur la partie touchant à leur bien être et leur sécurité que le projet de loi reconnaît les animaux de compagnie comme des êtres vivants sensibles.

Ainsi, le concept familial traditionnel n’est pas du tout bafoué par cette loi, cette dernière accorde tout simplement des droits fondamentaux aux animaux de compagnie et vise à mieux les protéger.

Partie 3 : les autres actions visées par la loi et ses manqués

Dans le nouveau projet de loi, il est également inscrit qu’une « transformation progressive des zoos et delphinariums en centres de réhabilitation pour espèces autochtones » est souhaitée.

Ce projet parle également de l’interdiction de laisser un chien seul plus de 24 heures ou encore d’interdire l’achat d’animaux domestiques en magasin.

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Pour aller plus loin, il est important de souligner que le bien être animal n’est pas l’unique sujet visé par cette loi. En effet, bien que l’Espagne connaisse des retards importants en termes de bien être animal, c’est en revanche un pays qui a toujours été en avance sur d’autres thématiques sociétales très importantes comme les violences conjugales.

Via ce projet de loi, le gouvernement espère pouvoir avoir un impact sur ces deux thématiques cruciales.

En effet, selon le parti Podemos, il existe un réel lien entre les auteurs de maltraitance animale et les coupables de violences sexistes. Il semblerait que certains bourreaux utilisent parfois les animaux domestiques comme moyen de pression supplémentaire : en blessant l’animal, ils ajoutent également une souffrance supplémentaire au conjoint témoin de la scène ou peuvent les faire chanter. 

Avec ce projet de loi, les violences envers les animaux seront dorénavant punies pour l’acte à part entière, mais également qualifiées de circonstances aggravantes dans le cadre des violences sexistes.

Comme toute autre loi, le projet espagnol connaît également des manqués. Comme évoqué précédemment, la tauromachie n’est pas prise en compte dans ce texte car ce spectacle barbare reste encore considéré comme un bien culturel et historique important dans de nombreuses régions espagnoles.

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Certains points mériteraient également d’être éclaircis comme par exemple le cas des galgos, ces lévriers largement maltraités dans le pays dans le cadre de leur utilisation dans plusieurs pratiques de chasse. Des milliers de lévriers sont élevés chaque année pour la chasse et destinés à un destin tragique.

Pour ces chiens étant issus d’élevages et utilisés pour la chasse, le projet de loi s’appliquera-t-il ou bien tout comme la tauromachie, cette pratique ancestrale et cruelle restera-t-elle autorisée au nom de la « culture » ?

Pour rappel, une pratique courante lorsqu’un lévrier déshonore son maître à la chasse est d’attacher le chien debout en le laissant tenir sur ses pattes arrières jusqu’à ce qu’il meurt d’épuisement et finisse pendu. 

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Enfin, cette loi vise à défendre les intérêts des animaux de compagnies mais ne fait pas mention des animaux sauvages ou d’élevage.

Ainsi, ce projet de loi est une grande avancée pour l’Espagne et permet d’améliorer le sort des animaux de compagnie via la mise en place de nouvelles bases juridiques.

De nombreux progrès restent à faire dans ce pays où les droits des animaux sont bien souvent bafoués au nom de la culture ou de pratiques ancestrales mais ce projet n’en reste pas moins honorable et porteur d’espoir. Les défenseurs de la cause animale ont encore une multitude de combats à mener dans le pays afin de faire naître davantage de changements législatifs mais aussi culturels.

Les relations entre l’Homme et l’animal ont grandement évolué ces dernières années et les droits accordés aux animaux, bien qu’ils soient encore insuffisants, n’ont cessé d’augmenter. Ce constat donne de l’espoir quant aux futures avancées possibles.

Johanna

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Sources

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/en-espagne-les-animaux-domestiques-peuvent-etre-places-en-garde-alternee-en-cas-de-divorce_4892087.html

https://www.geo.fr/environnement/en-espagne-la-garde-alternee-des-animaux-de-compagnie-est-prevue-en-cas-de-divorce-207780

https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/20879-les-animaux-etres-vivants-doues-de-sensibilite-lespagne-pourrait-suivre-lexemple-franc/

https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/21705-apres-la-france-lespagne-reconnait-les-animaux-comme-etres-vivants-doues-de-sensibilite/

https://elpais.com/sociedad/2021-12-02/la-ley-que-considera-a-los-animales-seres-sintientes-logra-el-aval-definitivo-del-congreso.html?fbclid=IwAR3AKp-phDODLNH1n92N4SZuZYp8dBkkJwheesoKkSC73hmP_P65A7G8aco

https://www.leparisien.fr/societe/abandons-d-animaux-les-francais-champions-d-europe-vraiment-19-06-2019-8096889.php

https://savoir-animal.fr/recul-tauromachie-espagne-mouvement-fond-independant-aleas-politiques/

https://www.actionprotectionanimale.com/levriers-espagnols-maltraitance/