Le congrès IUCN c’est quoi ?
Du 3 au 11 septembre 2021 à Marseille, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le gouvernement français ont organisé le congrès de l’IUCN, un événement pour élaborer de nouveaux objectifs en matière de protection de l’environnement – après deux reports, dûs notamment à la crise liée au Covid19.
Fondée en 1948 à Fontainebleau, l’UICN compte 1 400 membres, dont une centaine d’Etats, et s’appuie sur un réseau de près de 18 000 experts. Tous les quatre ans, son congrès est l’occasion de dresser les priorités mondiales de la protection de la nature.
Le congrès de Marseille aurait ainsi rassemblé des milliers de représentants de gouvernements, d’agences publiques, d’ONG, du monde scientifique, des collectivités locales, des peuples autochtones et des entreprises ainsi que plus de 15 000 experts.
C’est l’opportunité d’échanger des informations lors de conférences, d’attirer l’attention des médias, des décideurs politiques et des citoyens notamment autour des enjeux environnementaux. Les membres de l’IUCN ont également voté des motions et recommandations dans ce contexte et fait des propositions pour une meilleure prise en compte de la biodiversité dans les politiques publiques et économiques.
Il est cependant à noter que ces motions ne sont pas contraignantes, ce sont plus des prises de position que des réglementations internationales. Elles serviraient cependant de feuille de route pour les prochains grands rassemblements biodiversité et climat de 2021 et 2022.
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Les points forts à retenir :
Emmanuel Macron a donc fait le discours d’ouverture et a rappelé à cette occasion que la France s’est engagée à protéger 30% de son territoire d’ici à 2030, ajoutant la promesse d’étendre à 5% cette fois la protection des aires marines en Méditerranée d’ici à 2027 (contre 0.2% aujourd’hui). Cependant, avec seulement 20 emplois à plein temps pour mener à bien ce travail titanesque, n’est-il pas raisonnable de douter que ces annonces ne se concrétisent un jour ? Le président a également promis, lors de ce discours, la sortie des pesticides au niveau européen lorsque la France prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne en 2022. De quoi s’interroger également lorsqu’on sait que la France a autorisé à nouveau récemment l’utilisation des néonicotinoïdes…
A l’occasion du congrès, l’IUCN a adopté le manifeste de Marseille qui réaffirme les valeurs et directions souhaitées par les membres de l’IUCN et appelle également à une « réforme systémique urgente » pour résoudre conjointement l’ensemble des défis : crise climatique, crise de la biodiversité et crise sanitaire. Il appelle notamment à investir d’avantage des fonds mondiaux destinés à la reprise économique dans l’après crise sanitaire à des projets liés à la biodiversité et à créer un plan d’action international autodéterminé des peuples autochtones.
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Une nouvelle mise à jour de la liste rouge des espèces a également été publiée dans ce contexte. Les conclusions de ce rapport font froid dans le dos : en cinquante ans, les populations mondiales de vertébrés ont décliné en moyenne de 68 %, et la France a perdu 30 % de ses populations d’oiseaux des villes et des champs en trois décennies.
L’approche One Health a également été discutée lors du congrès. Selon le media, Reporterre, « Plus des deux tiers des maladies infectieuses émergentes sont causées par des agents pathogènes présents chez des animaux, explique Benjamin Roche, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Mais beaucoup d’espèces animales ne sont pas sensibles aux mêmes microbes. Donc une forte biodiversité dilue la propagation d’un virus, par exemple. À l’inverse, la perte de biodiversité peut être un facteur de propagation rapide, auquel s’ajoute l’augmentation des contacts avec la faune sauvage, à cause notamment de la réduction de leurs habitats. Si on ajoute à ça la grande mobilité internationale, on a tous les ingrédients pour avoir une nouvelle pandémie tous les quinze ans. »
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« Les connaissances scientifiques sont établies. « La plus grande menace à la santé publique mondiale est l’inertie des leaders mondiaux face à la menace d’une hausse de la température globale de plus de 1,5 °C et à la détérioration des écosystèmes », ont rappelé avec force les plus importantes revues médicales dans un éditorial commun le 7 septembre. Mais il reste à voir comment l’approche One Health deviendra un levier d’action politique. Le même jour, le ministre de la Santé Olivier Véran a déclaré lors d’une courte apparition en visio que, en santé, « la prévention est cent fois moins coûteuse que le traitement ! ».
Selon France Inter, les 55 organismes et 250 experts du Comité français de l’UICN appellent à la mobilisation et à l’action sur 8 enjeux d’importance mondiale et nationale : Les espèces menacées, les écosystèmes (Forêts, Océan et littoraux), les aires protégées, les Solutions fondées sur la Nature pour lutter contre le changement climatique, la biodiversité en outre-mer, la déforestation importée, l’artificialisation des sols et les alternatives aux pesticides.
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Au total, 137 recommandations ont été adoptées et portent sur une diversité de sujets liés à la biodiversité : protéger l’océan en mettant fin à la pollution plastique d’ici à 2030, protéger les mammifères marins ou encore, établir un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins. Cependant, le Monde fait remarquer qu’en France, les échouages massifs de dauphins et autres cétacés se répètent année après année sur la côte Atlantique, sans qu’aucune inversion de tendance ne se dessine et alors que le gouvernement a jusqu’ici refusé toute fermeture temporaire de la pêche.
D’autres recommandations préconisent de cartographier les forêts primaires d’Europe pour les protéger de la déforestation (ces forêts ne représenteraient plus selon les experts que moins d’ 1% des forêts européennes) ou encore de protéger à 80% la foret Amazonienne.
Les membres de l’UICN n’ont cessé de rappeler l’importance des liens entre les deux crises climatiques et de la biodiversité. Ils appellent à découpler la croissance économique de l’utilisation des combustibles fossiles et à cesser tout investissement international dans ces sources d’énergie.
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Autre élément intéressant présenté dans ce congrès, le résultat de l’étude exploratoire réalisée par des chercheurs de la Banque de France, de l’Agence française de développement (AFD) et de l’Office français de la biodiversité (OFB), avec le concours de CDC Biodiversité. Selon le média Actu Environnement, cette étude démontre que « Parmi les actifs (actions ou obligations) que détiennent les institutions financières françaises privées et publiques dans des entreprises, 42 % le sont dans des entreprises dont l’activité serait affectée directement par l’érosion de la biodiversité du fait de leur dépendance à au moins un service écosystémique. »
Au-delà des discours, des ONG et des médias comme France Inter se sont interrogés sur la présence des sponsors qui ont soutenu le congrès, parmi eux Nutella ou encore BNB Paribas… Barbara Pompili a d’ailleurs réagi au micro de France Inter en disant qu’elle n’était pas là pour faire la morale… Greenwashing ou révélation ?
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Et après ?
Le congrès de l’IUCN s’inscrit dans un calendrier plus global et stratégie pour la biodiversité. En effet, deux rendez-vous majeurs arrivent en 2021/2022 :
- La COP26, prévue du 1er au 12 novembre à Glasgow, en Ecosse et portera plus spécifiquement sur le climat.
- La CoP15 (conférence des Nations unies sur la biodiversité) en virtuel mi-octobre et en présentiel au printemps 2022 en Chine à Kunming. A cette occasion, les dirigeants des différents pays participants devront définir la stratégie pour les 10 prochaines années pour répondre et enrayer la disparition des espèces et la dégradation des écosystèmes.
Dans ce cadre et selon les informations du Monde, les membres de l’UICN se sont engagés à soutenir l’objectif de protéger et de conserver de manière efficace et équitable au moins 30 % des terres et des mers d’ici à 2030, en mettant l’accent sur les sites les plus importants pour la biodiversité. Cette ambition est portée par une coalition menée par la France et le Costa Rica et qui rassemble plus de soixante-dix pays. « Les 30 %, c’est vraiment le seuil minimum à atteindre, a souligné Harvey Locke, un membre de la Commission mondiale des aires protégées de l’UICN. A terme, la science nous dit que nous devrons protéger au moins la moitié de la planète. »
Alexandra Morette
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Sources
https://www.cbd.int/article/draft-1-global-biodiversity-framework
https://www.actu-environnement.com/ae/news/biodiversite-bourse-finance-entreprise-38121.php4
https://www.franceinter.fr/emissions/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-lundi-06-septembre-2021
https://www.iucncongress2020.org/fr