Le commerce illicite d’espèces sauvages : un crime organisé lucratif

7 à 23 milliards de dollars : il s’agit du montant du chiffre d’affaires généré chaque année par le commerce illégal d’espèces sauvages.

Loin d’être le fait d’un délinquant isolé, ce type de trafic relève d’une criminalité organisée d’envergure internationale, où les animaux et les végétaux sont trafiqués comme des drogues et des armes.

Qu’il s’agisse de la vente d’espèces sauvages ou de produits d’origine animale, tous les prétextes sont utilisés pour générer le maximum de profit : l’alimentation, le luxe, les bienfaits médicinaux, les objets de collection ou encore la vente d’animaux de compagnie ou de compétition.

Ce trafic doit ainsi être distingué du commerce légal d’espèces protégées, qui est encadré par la Convention sur le Commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées (« CITES »), ratifiée par 185 pays dont la France.

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Un fléau pour la biodiversité

Comme l’a justement qualifié Monsieur Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne en 2022, le commerce illicite d’espèces sauvages constitue « une menace directe et croissante pour la biodiversité, la sécurité mondiale et l’État de droit ».

Si l’on pense aux premières victimes du braconnage comme les éléphants, les tigres, les rhinocéros ou les grands singes, ce trafic touche très largement une multitude d’autres espèces animales ou végétales.  

Parmi les espèces recensées par le World Wildlife Crime Report de 2024 des Nations Unies : les reptiles, les mollusques, les perroquets, mais aussi les coraux, les bois de rose et les cactus, risquent quotidiennement d’être capturés ou extraits de leur habitat naturel pour être vendus.

Cette activité illicite, par définition non encadrée, constitue un vecteur majeur de l’érosion de la biodiversité, qui contribue au déséquilibre de nos écosystèmes :

  • En raison du braconnage, le trafic a entrainé un déclin des populations des espèces, pendant que certaines sont déjà éteintes ou au bord de l’extinction.

Alors que 20 000 à 30 000 éléphants sont tués chaque année par les braconniers pour leurs défenses en ivoire vendues comme objet d’art, deux sous-espèces de rhinocéros se sont déjà éteintes, victimes pour leur corne utilisée à des fins médicinales.

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  • Le trafic trouble également les interactions entre les espèces et leur rôle crucial sur la santé globale de l’environnement.

Par exemple, les éléphants sont essentiels pour empêcher la prolifération de la végétation et permettre ainsi à d’autres espèces de se développer.

De même, l’extraction des arbres et des plantes de leur habitat naturel perturberait la pollinisation et le développement d’espèces qui en dépendent pour leur alimentation. 

  • Le trafic diminue également la diversité génétique au sein des populations d’espèces.

Cela a pour effet d’augmenter le risque de consanguinité et de diminuer leur résilience aux nouveaux défis climatiques et aux maladies émergentes.

Le trafic illicite est donc un véritable fléau pour la biodiversité, qui impacte en conséquence la santé publique et la sécurité mondiale, compte-tenu :

  • Du risque de propagation des malades zoonotiques lors du déplacement des animaux entre les continents ;
  • De la privation des ressources naturelles pour les communautés dont les revenus, l’alimentation ou les médicaments, dépendent de la durabilité et de la diversité de la faune ;
  • De la favorisation des flux financiers illicites et ainsi de la corruption et du blanchiment d’argent.

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Un commerce lucratif et structuré en réseaux

Le trafic faunique illicite constitue l’une des quatrièmes activités transnationales les plus lucratives, après les stupéfiants, les contrefaçons et le trafic d’êtres humains.

C’est un problème majeur qui concerne tous les pays, dont la France notamment, laquelle peut aussi bien servir de zone de transit, de destination ou parfois de pays d’origine.

Si cette activité est aussi florissante, c’est en raison des marges bénéficiaires élevées que réalisent les intermédiaires intervenant à tout stade de la chaîne d’approvisionnement : braconnage, transport, transformation et commercialisation.

Or, plus le processus de vente est avancé, plus le profit augmente.

Selon Interpol : « Un braconnier peut vendre un chimpanzé à un prix compris entre 50 et 100 dollars, alors que l’intermédiaire peut le revendre moyennant une marge allant jusqu’à 400 %. ».

Ce commerce se structure en réseaux sur tous les continents, et notamment sur le territoire le plus libre, le plus vaste et le plus accessible : internet.

En effet, les transactions sont facilitées par les réseaux sociaux, où certains acheteurs ne craignent pas de s’exposer avec fierté en compagnie d’une espèce protégée.

C’est pour cette raison que l’association WWF a initié en 2018 la Coalition to End Wildlife Trafficking Online, visant à inciter les entreprises de vente influentes, telles que Facebook ou Leboncoin, à adopter des mesures concrètes pour faire obstacle à cette criminalité.

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La lutte contre le trafic faunique illicite

Conscients de la nécessité d’adopter une stratégie concertée internationale pour lutter contre le commerce faunique illicite, cinq organisations intergouvernementales ont créé en 2010 le Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (International Consortium on Combating Wildlife Crime – ICCWC), à savoir :

  • Le Secrétariat de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES),
  • INTERPOL,
  • L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC),
  • La Banque mondiale,
  • L’Organisation mondiale des douanes (OMD).

L’objectif de cette collaboration est d’apporter un appui coordonné aux systèmes de justice pénale des Etats du globe par le biais d’une assistance technique contre le blanchiment d’argent, d’outils pour soutenir la fraude, de formation d’enquêteurs et de développement des capacités, en fonction des besoins identifiés et des demandes reçues.

Ce groupement n’est pas le seul puisque INTERPOL et l’Organisation mondiale des douanes coorganisent chaque année depuis 2017 une opération dénommée « Thunder ».

Ce programme s’appuie sur la coordination des douanes, de la police, des unités de renseignement et des agences de lutte contre le trafic faunique dans une centaine de pays, pour démanteler les réseaux et saisir les espèces et les produits dérivés illégalement commercialisés.

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En 2024, un record de participations de 138 pays du globe a ainsi été enregistré, permettant d’arrêter 365 personnes et de saisir près de 20 000 animaux vivants dans le monde : plus de 12 000 oiseaux, des reptiles dont près de 6 000 tortues, quelques primates, félins, ou encore des pangolins.

Cette opération s’aligne avec les mesures du plan d’action 2022-2027 révisé par la Commission européenne en 2022 pour lutter contre cette activité illicite, prégnante sur une Union Européenne qui sert de plaque tournante du trafic, du fait de l’espace Schengen. 

Ce plan a notamment pour objectifs de :

  • Renforcer la coopération entre les organismes et les partenariats mondiaux afin de détecter, poursuivre et sanctionner efficacement et en toute cohérence la criminalité liée aux espèces sauvages ;
  • Promouvoir la transparence et la collaboration avec les organisations non gouvernementales, internationales et le secteur privé ;
  • Lutter contre le trafic des espèces sauvages en ligne, en renforçant les capacités des autorités chargées de l’application de la loi et des douanes.

A cette fin, plusieurs actions ont été définies, telles que

  • Sensibiliser les consommateurs concernant l’acquisition illégale d’espèces sauvages dans le but de réduire la demande des acheteurs ;
  • Améliorer l’accès aux soins pour les animaux vivants saisis ou confisqués en développant des centres nationaux de sauvetage spécialisés ;
  • Adopter une approche « One Health» dans les pays d’origine, de transit et de destination pour lutter contre les risques sanitaires liés au commerce d’espèces sauvages.

Code Animal soutient ainsi tout acteur engagé dans la mise en œuvre de ce plan d’action et plus largement dans la lutte contre le commerce faunique illicite.

Axelle Lesseur, Avocate 

Source : Unsplash

Sources

https://eur-lex.europa.eu/FR/legal-content/summary/revised-eu-action-plan-against-wildlife-trafficking.html?fromSummary=20

https://www.rts.ch/info/monde/2025/article/trafic-d-especes-sauvages-20-000-animaux-saisis-365-arrestations-28779736.html

https://www.interpol.int/fr/Infractions/Criminalite-environnementale/Criminalite-liee-aux-especes-sauvages

https://www.wcoomd.org/fr/topics/enforcement-and-compliance/activities-and-programmes/environment-programme.aspx

https://cites.org/fra/news/iccwc-launches-2023-annual-report#:~:text=de%20l’ICCWC,Le%20Consortium%20international%20de%20lutte%20contre%20la%20criminalité%20liée%20aux,extinction%20(CITES)%2C%20l’

https://www.wwf.fr/projets/wildlife-crime-initiative

https://engage.world/le-trafic-illegal-despeces-sauvages-un-fleau-international/

https://sigmaearth.com/fr/comment-le-commerce-illégal-d’espèces-sauvages-affecte-t-il-la-biodiversité/#google_vignette