Depuis le film Pôle Express, déjà 10 ans, en passant par Avatar, la technique dite de « Performance Capture » vient de franchir une étape supplémentaire dans l’hyper réalisme avec le « Tintin » de Steven Spielberg. Le cerveau est définitivement bluffé car tout y est, les défauts de la peau, la trame des étoffes, le rendu des fourrures et du plumage. Le cinéma du futur est déjà là. De même que le muet fut une première révolution, laissant nombre d’acteurs sur le carreau, ce cinéma virtuel va profondément changer la donne et peut-être plus encore pour un certain type d’acteur : les animaux.
De nos jours, pour les besoins des films, des dresseurs détiennent, entraînent et louent des animaux. Pour le budget d’un film c’est coûteux et pour l’animal c’est un esclavage souvent synonyme de souffrance, traîné de tournage en tournage, subissant un cruel entraînement. L’unique justification de cet asservissement étant le plaisir des humains. La rituelle phrase selon laquelle « au cours de ce tournage aucun animal n’a été blessé» ne sert qu’à rassurer le grand public qui voit d’un plus en plus mauvais œil cette utilisation. Pourtant les animaux subissent toujours de grande souffrance durant ces tournages. Ainsi tout dernièrement, l’association Animal Defenders International a prouvé que l’éléphant Taï avait subi des mauvais traitements pour le rôle de l’éléphant Rosie dans le film «De l’eau pour les éléphants».
Déjà beaucoup de films utilisent l’ordinateur pour représenter des animaux. Mais grâce à cette technique révolutionnaire l’animal se verra-t-il enfin définitivement libéré de l’industrie du cinéma ? Le processus de la « performance capture » consiste à enregistrer les mouvements des acteurs avec des capteurs placés sur leur corps. Une fois enregistrées, ces données peuvent être stockées et réutilisées, manipulées à l’envie selon les fantaisies du scénario. Alors peut-être existera-t-il un jour une banque de données d’animaux virtuels dans laquelle le cinéma viendra puiser selon ses besoins; il faut le souhaiter et l’encourager.
Mais le monde du 7ème art devra également avoir une vraie prise de conscience de l’impact de certains films sur le public, et notamment sur les enfants, car beaucoup souhaitent avoir « pour de vrai » l’animal qui les a fait rêver. Deux exemples parmi bien d’autres : le dessin animé Nemo de Disney fut un désastre pour l’espèce des poissons clown. Et la magnifique chouette Harfang nommée Edwige de la saga Harry Potter qui, bien que protégée car en voie de disparition, est également victime d’un trafic en Inde, les parents offrant à leurs enfants ces précieux oiseaux achetés au marché noir, ce que dénonce le Ministre de l’Environnement indien, Jairam Ramesh.
Il n’est évidemment pas question de brider ou de censurer l’imagination des auteurs, mais il suffirait déjà qu’en début ou fin du film apparaisse un encart n’encourageant pas à l’achat des animaux visionnés dans l’œuvre, pour freiner les envies des familles, ignorantes du bien être animal et de l’écosystème. C’est à chacun de nous de travailler à ce que cette prise de conscience devienne effective, tant dans les industries du spectacle que dans le grand public.
M.-C. Détienne