Comme la plupart des reptiles, les caméléons, de la famille des Caméléonidés, sont des animaux à sang froid et ovipare. Vrai acrobate, ils préfèrent passer leurs journées dans un arbre plutôt qu’au sol, agrippant ses griffes et enroulant sa queue aux branches.
Ses yeux, hypnotisant, peuvent couvrir un champ d’environ 180 degrés à l’horizontale et 90 degrés à la verticale. Quant à son extraordinaire langue, elle peut mesurer jusqu’à deux fois sa taille, et la vitesse de détente à laquelle il la déploie est de 1/25 secondes.
Une idée préconçue sur le caméléon raconte qu’il changerait de couleur pour se camoufler, bien que ces variations l’aident parfois à se camoufler, elles sont provoquées par un changement d’émotion et non pas par une volonté de camouflage.
Chaque année, il est estimé que des centaines de milliers de caméléons sont capturés dans la nature, légalement et illégalement, à destination principalement des particuliers en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est. Les individus proviennent majoritairement du continent africain où vit plus du tiers de l’espèce, et plus particulièrement de l’île de Madagascar.
L’île est un pays situé au large de la côte est de l’Afrique. Riche de 25,6 millions d’habitants2 sur 587,000 km2, Madagascar abrite également des milliers d’animaux dont plus de 300 espèces de reptiles dont 85 % sont endémiques.
C’est aussi l’un des pays africains les plus sévèrement touché par le changement climatique avec une moyenne de trois cyclones par an. Les reptiles sont menacés par la perte de leur habitat et le commerce international des animaux de compagnie. Le pays étant répertorié parmi les plus pauvres et les plus corrompus du monde, certaines personnes sont prêtes à risquer d’être arrêtées pour récolte illégale des caméléons afin de les revendre sur ce commerce.
Un moratoire et des quotas imposés
Bien que des données de la CITES montrent que le pays est impliqué dans ce commerce depuis les années 1980, l’explosion du commerce des caméléons a eu lieu dans les années 1990, avec un point culminant pour la plupart des espèces en 1993-1994.
Cette même année, un moratoire a été recommandé par le Comité permanent de la CITES. Celui-ci a recommandé aux Parties de ne plus importer des caméléons et geckos de Madagascar sauf 8 espèces (4 pour chaque genre) : F. lateralis, F. oustaleti, F. pardalis et F. verrucosus.
En 1998, le moratoire et la mise en annexe II, a imposé des quotas d’exportations de 2000 individus par espèce à la suite de l’augmentation du commerce.
En 2018, grâce aux chiffres disponibles sur les exportations CITES de Madagascar, on constate une baisse marquée des exportations légales depuis l’apogée des années 90, à un peu plus de 145 000 individus1. Malheureusement compte-tenu des menaces qui pèsent sur le caméléon, mêmes ces chiffres pourraient avoir un effet néfaste selon certains experts.
Des captures illégales dans les parcs nationaux
Sur le site de Mongabay.com, Michel Strogoff nous raconte sa rencontre avec un guide sur l’île de Madagascar qui est aussi marchand d’animaux sauvages la nuit.
« Jean » est né et a grandi sur l’île de Nosy Be, au nord-ouest de Madagascar. Le guide leur rapporte sa rencontre avec deux hommes étrangers « Au cours de cette réunion, ils nous ont dit qu’ils voulaient acheter 200 caméléons panthères. Nous nous sommes mis d’accord sur un prix de 10 000 aryary (2,50 $) par caméléon. Alors moi et trois autres amis sommes allés dans la forêt, principalement la nuit, mais parfois aussi pendant la journée, pour les trouver. » Il continue « je sais que ce que je fais est illégal et mal, mais la pauvreté peut vous pousser à faire des choses que vous ne voulez pas faire. Quand j’en ai assez de mon travail régulier, je n’ai pas besoin de ramasser des animaux, car je peux vivre ma vie et nourrir ma famille. »
Les caméléons panthères se vendraient entre 160 euros et 500 euros. Selon une étude de 2018 par Andriantsimanarilafy et Griffiths, les exportateurs de reptiles et d’amphibiens sont les grands gagnants : 92 % du prix final à l’exportation, 57 % après déduction de leurs coûts. Les collecteurs locaux n’ont reçu que 1,4 % du prix de vente final.
Capturer des animaux sauvages à l’intérieur d’un parc national est illégal. Mais selon Jean, la probabilité de se faire arrêter est faible, car le parc est éloigné et les apparitions de la police sont rares. A Durban, en 2003, le Président de la République de Madagascar, Marc Ravalomanana a déclaré « je veux vous faire partie de notre résolution à porter la surface des aires protégées de 1,7 millions d’hectares à 6 millions d’hectares dans les cinq ans à venir, et en référence aux catégories des aides protégées de l’UICN. »
Strogoff nous dit que d’autres habitants du village ont validé les dires de Jean et avoué ramasser également des caméléons quand la demande était sporadique. Certains ont aussi admis collecter plus fréquemment d’autres animaux pour le commerce des animaux de compagnie, comme les grenouilles ou encore les serpents.
Dans l’article, on peut aussi lire Patrick Andriamihaja, ressortissant malgache et propriétaire d’une agence de voyage « J’ai reçu des demandes de partout dans le monde pour approvisionner le commerce des animaux de compagnie. Certains d’entre eux ont des animaleries dans leur pays d’origine. » Néanmoins, Patrick refuse « Je leur dis que je ne ferai pas cela, car cela détruira mon travail de guide touristique, car ils voudront commander de plus en plus et cela peut avoir un impact sur les populations sauvages »
Aujourd’hui, malgré la réglementation CITES en rigueur et les quotas, les experts sont critiques et pensent que ces restrictions ne suffisent pas et sont surtout politiques.
Des animaux morts et de la corruption
Nous ne connaissons pas assez de choses sur l’histoire du caméléon, et même les captures légales peuvent être traumatisantes pour l’animal provoquant du stress, des blessures et même, la mort.
En janvier 2014, la BBC titrée « Des centaines d’animaux morts retrouvés à l’aéroport d’Afrique du Sud ». Plus de 1 600 animaux ont été retrouvé entassés dans des caisses à l’aéroport international OR Tambo dont 400 amphibiens et reptiles en voie de disparition, morts. Selon les rapports, les animaux étaient originaires de Madagascar et destinés au marché des animaux domestiques aux Etats-Unis. Selon les médias locaux, certains de ces animaux étaient si serrés les uns contre les autres qu’ils étaient incapables de se déplacer ou de se retourner.
Dans son rapport « Trade in Malagasy reptiles and amphibians », l’ONG TRAFFIC rapporte que les caméléons de Madagascar subissent un nombre élevé de décès pendant le processus d’importation, le pourcentage serait de 10 % à 50 %. Mais les décès ne sont généralement pas signalés, ce qui rend difficile toute estimation précise du taux de mortalité.
A Madagascar, l’aéroport international Ivato à Antananarivo, la capitale, est la porte d’entrée sur l’île. La majorité des exportations légales de caméléons passent par ici, le personnel habilité vérifie leur papier CITES et les quotas.
Selon le chef du service de contrôle forestier à l’aéroport d’Ivato, Parany Rabemanontany, plusieurs raisons rendent difficile l’opposition à l’exportation illégale notamment le scanner qui ne détecte pas correctement les animaux dû à un manque de technologie.
Les autorités malgaches travaillent à améliorer la capacité du personnel de l’aéroport à faire la distinction entre les espèces de caméléon afin de mieux repérer les espèces protégées.
Mais selon Raphali Andriantsimanarilafy, biologiste expert des caméléons à l’organisation malgache de la biodiversité Madagasikara Voakajy, il y a également un risque de corruption dû à un roulement élevé du personnel.
Le caméléon en captivité
Si le caméléon survit à son transport, il doit encore survivre à la captivité chez les particuliers.
Un vétérinaire londonien, Sean McCormack a déclaré « de tous les reptiles de compagnie, je pense que le caméléon est l’un des moins adaptés à la plupart des propriétaires d’animaux » De nombreux primo-accédant ne savent pas reconnaître les signes de stress ou de maladie chez leur animal, beaucoup de gens ne prennent pas en compte que les reptiles sont sensibles. De plus l’animal coûte souvent moins cher que les frais vétérinaires en eux-mêmes, McCormak déclare « un caméléon malade est souvent un caméléon mort »
En France, la vente, l’achat, le transport, la capture, la naturalisation, l’élevage et la détention des caméléons, animaux non domestiques au sens des articles R. 211-5 et R.213-5 du Code Rural sont soumis à une triple législation.
Malgré ces restrictions, en 2018 lors du salon « Reptile Day » dans la région du Pas-de-Calais, 311 individus issus d’espèces protégées (54 caméléons, ainsi que des serpents, tortues aquatiques, geckos, amphibiens et araignées) ont été saisis par les douanes.
À ce jour, les centres d’élevage en captivité n’ont pas réussi à produire des quantités importantes d’individus et presque tous les caméléons exportés commercialement de Madagascar sont capturés dans la nature.
Chloé