Ce n’est plus un secret depuis longtemps, la biodiversité est en déclin. Partout dans le monde, des populations animales et végétales s’appauvrissent et des espèces se rapprochent dangereusement de l’extinction voire disparaissent totalement.
L’extinction des espèces est un phénomène naturel de l’évolution de la planète. Cependant aujourd’hui, les espèces disparaissent 1000 fois plus vite. Le principal coupable : l’Homme.
Une récente étude de Brodie et al. souligne que la perte de la biodiversité ne se résume pas seulement à la disparition des espèces. Elle a des conséquences bien plus grandes sur les écosystèmes touchés : une perte de la diversité fonctionnelle et phylogénétique.
Un écosystème regroupe l’ensemble des êtres vivants d’un milieu spécifique, leurs interactions entre eux ainsi que leurs interactions avec ce milieu. La disparition d’un organisme particulier au sein d’un écosystème a donc des répercussions sur les autres espèces avec lesquelles il interagit.
Les chercheurs mettent en garde également sur les principales activités humaines qui constituent la plus grande menace pour les mammifères terrestres.
Image : Pixabay
Diversités phylogénétique & fonctionnelle: deux indicateurs de la richesse biotique
Brodie et al. définissent la diversité phylogénétique comme l’héritage biologique de notre biodiversité. Les espèces vivantes portent dans leurs gènes un héritage biologique, résultat de millions d’années d’évolution. Les perdre signifie perdre ce patrimoine de biodiversité.
Sur leurs 40 millions d’années d’évolution, plus de 40 espèces de rhinocéros ont déjà disparues. Il en reste actuellement cinq et trois d’entre elles sont, sans surprise, menacées d’extinction. Si les cinq espèces venaient à disparaitre, c’est toute la lignée évolutive de la famille des Rhinocerotidae qui s’effacerait de l’arbre phylogénétique de la diversité biologique sur Terre.
« [Les Rhinocerotidae] sont les derniers restes de ce qui était une famille particulièrement diversifiée et incroyable, présente partout sur la planète il n’y a pas si longtemps, » rappelle Brodie.
La diversité fonctionnelle peut être définie comme « la gamme des traits fonctionnels des organismes d’un écosystème donné ». Les traits peuvent être morphologiques (comme la taille de l’espèce), reproducteurs (mode de reproduction), etc. Plus simplement, en agissant de la même manière sur un écosystème, différentes espèces remplissent des fonctions écologiques similaires au sein de leur écosystème. La diversité fonctionnelle influe sur les dynamiques, la stabilité, la disponibilité en nutriments, etc. des écosystèmes.
Brodie illustre la diversité fonctionnelle de la manière suivante : « Imaginons qu’il y ait vingt espèces d’animaux de pâturage et seulement deux espèces d’animaux granivores. Si deux espèces d’animaux de pâturage disparaissent, cela n’a pas beaucoup d’effet sur la diversité fonctionnelle, car il existe encore dix-huit espèces de pâturage. Mais si les deux espèces d’animaux granivores disparaissent, cela aura un impact énorme sur la diversité fonctionnelle, car subitement, vous avez perdu une fonction écologique entière ». La biodiversité s’appauvrit dans les deux cas, mais les effets observés diffèrent.
En résumé, « la perte continue d’espèces dans le monde réduit la diversité des rôles écologiques joués par les organismes dans les communautés naturelles, ainsi que le nombre de lignées évolutives qui y vivent ».
Photo credit : David Clode – Lewa Wildlife Conservancy, Isiolo, Kenya
La chasse & la déforestation : les activités humaines les plus destructrices pour la biodiversité
Les auteurs de l’étude mettent en avant le rôle disproportionné de la chasse (légale et braconnage) et la perte des habitats parmi les activités humaines les plus responsables du déclin de la diversité phylogénétique et fonctionnelle.
Certaines régions du globe sont extrêmement riches en biodiversité et à la fois fortement menacées. Elles sont qualifiées de « points chauds » de la biodiversité. Brodie et al. ont montré que la chasse et la déforestation dans ces zones affectaient différemment certaines espèces de mammifères ayant des rôles uniques dans leur écosystème. Ils se sont concentrés sur les données provenant d’études sur des mammifères terrestres.
Par exemple, les populations d’herbivores diminuent de manière plus drastique après la chasse et cette disproportion a des répercussions sur le reste des organismes constituant l’écosystème, comme un changement pour les communautés végétales ainsi que pour le cycle des nutriments. Les frugivores sont impactés par la chasse et la déforestation. Leur disparition peut affecter la dispersion des graines et l’évolution des communautés végétales, et par extension le stockage du carbone forestier.
Dans les pays d’Asie du Sud-Est (en particulier en Indonésie) et d’Amérique Latine (au Venezuela et en Argentine), pays riches en biodiversité, la baisse de la diversité fonctionnelle est plus marquée à cause de la déforestation et de la chasse que si l’appauvrissement de la biodiversité se faisait naturellement, de manière aléatoire.
Les auteurs préconisent une conservation plus axée sur la durabilité des récoltes pour freiner l’appauvrissement des écosystèmes, tant en termes de fonctionnalités écologiques que de notre patrimoine de biodiversité. « Il serait mieux de diriger les actions de conservation dans ces régions vers les zones protégées et les politiques en matière d’usage des terres afin de mieux sauvegarder cette composante de la biodiversité ».
Camille Luccisano
Bibliographie
https://www.pnas.org/content/118/3/e1921849118
https://www.geo.fr/environnement/quest-ce-quun-ecosysteme-193594
https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/nature-biodiversite-3625/
https://www.jardinalpindulautaret.fr/sites/sajf/files/pdf/stage2006BERMAN.pdf
https://hal-agroparistech.archives-ouvertes.fr/cel-01205813/file/Mesures_de_la_Biodiversite.pdf
https://www.consoglobe.com/points-chauds-de-la-biodiversite-cg