Le transfert (de « translocation » en anglais) est une technique de conservation de la faune sauvage qui consiste à réintroduire une espèce dans son habitat naturel, ou dans un nouvel habitat favorable à celle-ci dans le but d’accroitre ou ré-établir une population d’individus menacée. Le taux de réussite moyen rapporté pour ce genre de technique se situe autour de 50%. Les déplacements d’espèces animales par les humains existent depuis des milliers d’années et ceux-ci ont eu lieu tant intentionnellement que par accident. Le premier transfert recensé à but de conservation a eu lieu en 1895 avec la réintroduction de kakapos, aussi appelés perroquets hiboux, en Nouvelle-Zélande (source).
Malheureusement, cette technique ne fonctionne pas à chaque tentative en raison de différents facteurs.
Conditions pour une ré-introduction d’espèce réussie
Le consensus dit que pour un transfert réussi, il faut une population viable et autosuffisante. D’après une base de données de 514 individus, (source) il semblerait qu’un nombre compris entre 20 et 50 soit favorable à une réintroduction réussie. Le succès est d’autant plus grand si l’on utilise des animaux issus de la vie sauvage plutôt que des individus nés et élevés en captivité. La réintroduction par étape peut aussi favoriser le résultat ainsi que la durée du programme de réintroduction. Le lieu de réintroduction joue également un rôle important dans le succès de cette technique. Par exemple, de moins bons résultats sont observés en Océanie (probablement à cause des espèces invasives difficiles à contrôler dans cette région, qui peuvent représenter des prédateurs.) On peut prendre l’exemple de La Bettongie à queue touffue (Bettongia penicillta) dont la majorité des 85 individus réintroduits a été décimée la même année par des prédateurs. Cela souligne l’importance de l’environnement dans lequel on souhaite réintroduire une espèce menacée. De meilleurs résultats sont observés en Europe et Amérique du nord (sources 1 et 2).
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Projet de réintroduction des Foudi de Maurice sur l’ile au Aigrettes
Le projet de Vikash Tatayah, directeur de la conservation à la « Mauritian Wildlife Foundation », (source) a réussi à réintroduire l’espèce d’oiseaux « Foudi de Maurice » (Foudia rubra) sur l’île au Aigrettes. La première tentative a été un échec, en partie car les chercheurs n’avaient réintroduit que 3 individus dans la nature. La deuxième tentative comptait 21 oiseaux, ce qui leur a permis de mieux s’intégrer sur l’île (source).
Le Foudi de Maurice est une espèce endémique de Maurice classée comme espèce en danger critique d’extinction en 2002. Leur menace principale est la prédation des nids par les singes, les chats et les rats. Il est donc nécessaire de réintroduire une population dans une zone dépourvue de ces prédateurs. L’île aux Aigrettes a été choisie pour cette raison et pour son environnement favorable. Après la réintroduction, la population de ces oiseaux a continué de croitre avec 345 individus en 2017, ce qui montre qu’une population d’oiseaux peut augmenter significativement si on arrive à gérer un seul des facteurs limitants (ici les prédateurs). Il est important de noter cependant que cette espèce d’oiseau est particulièrement adaptable et se reproduit rapidement et efficacement, ce qui a favorisé la réussite de ce projet.
On peut noter d’autres exemples de réintroduction réussie comme la réintroduction de kakas (perroquet) en Nouvelle-Zélande, de chevreuils au Portugal ou de rhinocéros noirs au Kenya.
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Impact du changement climatique sur la conservation des espèces
Le changement climatique vient ajouter une nouvelle contrainte à cette technique, puisque les habitats naturels sont modifiés et ne sont plus viables pour les espèces originaires du biotope en question. Il faut alors trouver un nouvel habitat avec des conditions proches de celui d’origine. Cependant, introduire de nouvelles espèces dans un milieu est une technique imprévisible et peut s’avérer néfaste pour les espèces endémiques ou pour l’espèce nouvellement introduite. Cela peut engendrer un déséquilibre du biotope, l’espèce introduite peut devenir invasive et/ou produire un déséquilibre au sein de la chaine alimentaire. Le risque est d’autant plus important dans les systèmes insulaires. Le climat reste le facteur le plus important à prendre en compte lors d’une tentative de réintroduction d’espèce. Les scientifiques doivent donc trouver les futurs habitats correspondants aux espèces, plutôt que de trouver leur habitat d’origine, qui souvent ne correspond plus à leurs besoins.
Un million d’espèces animales et végétales sont désormais menacées d’extinction dans les prochaines décennies. Voici quelques chiffres (source):
- L’abondance moyenne d’une grande partie des espèces natives des biomes terrestres a chuté d’au moins 20% depuis 1900.
- Plus de 40% des amphibiens, 33% des coraux et un tiers des mammifères marins sont menacés par le réchauffement climatique.
- Au moins 680 espèces de vertébrés ont subi une extinction depuis le 16eme siècle.
- Plus de 9% des espèces domestiquées pour la nourriture et l’agriculture se sont éteintes en 2016. Il y aurait encore 1000 races menacées.
- 75 % des environnements terrestres et 66% des environnements marins sont altérés par les actions humaines.
- 5% des espèces animales seront en danger d’extinction si la température continue d’augmenter jusqu’à +2 degrés et ce chiffre passe à 16% si l’on observe une augmentation de +4.3 degrés.
- Avec une augmentation comprise entre 1.5 et 2 degrés la majorité des espèces va fortement décroitre.
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Conclusion
Le transfert d’espèces menacées ou en voie d’extinction est une technique utilisée depuis des années afin de préserver les espèces vulnérables. Cette technique doit tenir compte de différents facteurs comme la présence de prédateurs, le nombre d’individus réintroduits ou encore les conditions du milieu de réintroduction. Cependant le changement climatique rend cette technique déjà imparfaite encore plus difficile. En effet, les conditions favorables au bon développement des espèces ne se retrouvent plus forcément dans leur biotope d’origine et demande aux chercheurs de trouver de nouveaux endroits susceptibles de les accueillir, sans perturber l’écosystème déjà présent.
Ainsi le changement climatique pose deux contraintes sur la préservation des espèces : d’une part en entrainant leur extinction de façon rapide et drastique, d’autre part en rendant une des techniques de préservations existante encore plus difficile à mettre en place.
Tiphaine
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Sources :
https://iucn-ctsg.org/wp-content/uploads/2019/04/2018-006-En.pdf
https://www.un.org/sustainabledevelopment/blog/2019/05/nature-decline-unprecedented-report/
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2351989421001803?via%3Dihub
https://www.mauritian-wildlife.org/home