La présence de l’éléphante Syndha, « en vieille amie(1) » de la famille, devrait nous rappeler la tragique histoire des animaux dans les cirques. Cette éléphante d’Asie porte en elle le traumatisme des autres animaux de cirque. Née en 1967, et d’origine sauvage, elle est arrivée au cirque Alexis Grüss en 1983.
Syndha, comme tous les autres éléphants captifs des cirques, est un animal « dénaturé ». Ainsi, Syndha a-t-elle d’abord été coupée non seulement de son groupe social de naissance, mais encore de tout groupe social matriarcal autour duquel s’articule pourtant la vie d’un éléphant ; Syndha vit seule sans aucun contact avec un membre de son espèce depuis son premier jour de captivité. Bien plus, depuis cette date, Syndha a été condamnée à ne plus pouvoir se déplacer librement ; or, une telle immobilité est un calvaire pour un tel animal dont la distance parcourue quotidiennement est estimée à 17km.
Les seules sorties de Syndha se bornent à un tour de piste durant lequel, sous la pression d’une pique, elle devra non seulement affronter un public qui lui est étranger, mais aussi se plier à des numéros qui la contraignent à des positions contre-nature. Cette soumission constante et cette solitude ont conduit Syndha à ce que le spécialiste des éléphants Fred Kurt compare à la folie humaine. Ainsi, à l’instar de très nombreux éléphants captifs, Syndha présente des troubles anormaux du comportement, définis par les zoologues et éthologues comme des « manifestations d’un échec à s’adapter de façon appropriée (2) » et comme la « preuve d’une souffrance chronique (3) ».
Le traumatisme de Syndha, déjà important, s’est accru lors de la tempête de décembre 1999. Enfermée dans un chapiteau, planté au milieu d’un parc de Paris, Syndha n’a pu qu’entendre le vent s’engouffrer dans la toile. Un vent violent contre lequel elle n’a rien pu faire. Claquement, bruits sourds… aucune fuite n’était possible. Derrière cette toile- prison, une jungle urbaine ravagée par les bourrasques. On dit que les animaux pressentent les évènements. Syndha a dû pressentir, sentir, mais elle n’a pas pu fuir ou simplement se blottir auprès de congénères. Une fois de plus, elle a du subir la situation seule, mais cette nuit là avec une intensité particulière. Des séquelles se sont ajoutés à ses blessures anciennes. Elle est devenue plus sensible, beaucoup plus imprévisible. Cette nuit à marquer un tournant dans sa vie déjà privée de toute vie.
En septembre 2001, Syndha est utilisée dans « la flûte enchantée » mise en scène par Claude Santelli. Elle apporte à la pièce cette touche d’exotisme, dont elle-même n’est plus que le triste reflet. Lors de l’une des dernières répétitions, Syndha qui pourtant connaissait cet homme, l’attrape, le soulève et le lâche, lui brisant la deuxième vertèbre cervicale. Claude Santelli décèdera 3 mois plus tard à l’âge de 78 ans.
Le cirque Alexis Grüss, cirque de tradition, aveuglé par l’attachement qu’il a pour son éléphante, et sans doute par le poids de la tradition, ne détecte pas la détresse de son éléphante. Il réfute l’évidence des troubles du comportement, minimise l’utilisation de la pique. Le rêve qu’il veut donner à son public semble lui fermer les yeux sur ce que subit sa bête… aujourd’hui encore, Syndha continue, coupée des siens, à devoir jouer au foot, faire de l’équilibre sur des rondins ou même sauter à la corde…
(1) COSTAZ Gilles, extrait de « Les peintures équestres de Grüss », les échos du 05/01/2006
(2) BRIDE Mc, GLEN & CRAIG, J.V., « Environmental design and its evaluation for intensively housed animals» in Bresard B., 1985.
(3) WEMELSFELDER, F., « The concept of animal boredom and its relationship to stereotyped behaviour » in : Lawrence, A.B. & Rushen J. (Éds). Stereotypic Animal Behaviour. Fundamentals and Applications to Welfare. CAB International, U.K.,1993.
Droit de réponse
Monsieur Alexis GRUSS et la Société CIRQUE A L’ANCIENNE sont depuis toujours extrêmement attachés au respect et au bien être des animaux qui participent aux spectacles donnés. En maintes occasions, Monsieur Alexis GRUSS a fait état de son soutien à la cause de la défense des animaux, y compris dans le milieu du cirque, et à chaque occasion qui lui est donné.
S’il est de votre droit absolu de vous opposer à la participation des animaux à ce type de spectacle, d’en solliciter la suppression, ou de penser qu’il est de leur intérêt et de leur « volonté » ou non d’y participer, il n’en demeure pas moins que cette activité est parfaitement encadrée par la loi, et respectée par Monsieur Alexis GRUSS et la Société CIRQUE A L’ANCIENNE.
Aussi, vous ne pouvez faire une généralité d’un cas particulier, et revendiquer votre droit à la libre expression pour affirmer des inexactitudes, et mettre en cause le travail, le sérieux et la réputation de tiers.
Réponse de Code Animal
Nous reconnaissons que Mr Alexis Grüss a déjà pris position à l’encontre de certains de ses collègues de cirque afin de dénoncer des abus. Mais, ce cirque ne semble par comprendre que le mauvais traitement ne se résume pas à des actes de cruauté manifeste, mais à une détention et à une privation des besoins élémentaires des animaux exploités. Détenir et condamné un animal grégaire, donc qui a des besoins de vivre en groupe, a une vie en solitaire, relève du mauvais traitement. Les troubles du comportement de Syndha en attestent. Certes cette activité est encadrée par loi, elle n’en reste pas moins problématique et contestable. C’est pour cette raison que de plus en plus de pays interdisent de tels pratiques et que Code Animal les dénonce.