Voici Mary. En regardant cette photo, le cœur se glace et le dégoût le dispute à la colère. Qui a pu commettre pareille atrocité ?
Nous sommes en 1916, aux Etats-Unis dans l’Etat du Tennessee. Loin, la première guerre mondiale fait rage dans la vieille Europe. L’époque est trouble, les lendemains incertains. Heureusement, de temps en temps, des cirques viennent distraire les citoyens des villes. Ce mois de septembre c’est le Sparks Brothers Circus qui est dans la ville de Kingsport.
Ce n’est pas un cirque aussi imposant que ses concurrents Robinson ou Barnum, il ne possède que cinq éléphants. Alors pour compenser, Charlie Sparks, propriétaire du cirque, fait un peu de surenchère. Il présente l’une de ses éléphantes, Mary dites aussi Mary big, comme «le plus grand animal terrestre vivant sur terre » et clame qu’elle est plus grande que Jumbo, le célèbre pachyderme du cirque Barnum. Rumeurs et exagérations abondent sur Mary. On raconte qu’elle est dangereuse, qu’elle aurait tué des hommes. Mais un drame va effectivement se produire.
Le 11 Septembre 1916, le directeur du cirque engage Red Eldridge. L’homme d’une trentaine d’années vient d’arriver en ville et est prêt à prendre tous les emplois, Il devient ainsi, du jour au lendemain, apprenti palefrenier des éléphants. Le 12 septembre 1916, Mary entre dans une grande colère contre ce nouveau venu et le piétine à mort. Que s’est t’il passé ? Plusieurs versions seront données. Les plus plausibles sont que le palefrenier novice aurait blessé Mary en voulant la diriger avec un bâton, qu’il l’aurait dérangée pendant qu’elle s’alimentait et/ou qu’il l’aurait frappée sur la mâchoire; or, après sa mort, on découvrira que Mary souffrait de plusieurs abcès dentaires. Quoiqu’il se soit passé, c’est sûrement son inexpérience des éléphants qui entraina la mort de Red Eldridge.
A cette époque, personne ne se questionne sur les besoins et le comportement des éléphants : ce ne sont que des objets de divertissement. Lorsque l’un pose problème, Il est condamné à mort sans autre forme de procès. Charlie Sparks accepte la mort de Mary car il sait bien que plus aucune ville n’accueillera son cirque avec une éléphante qualifiée de tueuse.
Comment tuer Mary ? En bons américains, ce sont d’abord les Armes à feu qu’utilisent le forgeron et le shérif. La foule commence à chanter : « Tuons, tuons l’éléphant ». Mais le calibre des balles n’est pas suffisant pour la tuer. D’autres méthodes d’exécution sont envisagées : le poison ? Non, un éléphant est trop intelligent pour en avaler. Accrocher Mary à deux moteurs pour l’écarteler ou, inversement, l’écraser ? Ce ne sont pas là des mises à mort très «propres». Il est finalement décidé qu’elle soit transportée par chemin de fer jusqu’au proche atelier ferroviaire de la ville d’Erwin et pendue par le cou avec l’une des grues monte-charge. Après tout, en Amérique, la pendaison est une méthode qui a fait ses preuves.
Le jour de son exécution, le 13 septembre 1916, Mary n’effectue pas le spectacle en matinée. Enchaînée à l’extérieur de la tente du cirque elle se balance nerveusement. Après la représentation, elle est conduite en train, et pour qu’elle reste calme, les autres éléphants de la troupe l’accompagnent. Plus de 2.500 personnes se sont rassemblées pour regarder « swinguer » Mary. Une des témoins de l’époque, Myrtle Taylor, a rappelé que tous les enfants d’Erwin étaient présents. Wade Ambrose, qui avait 20 ans en 1916, a témoigné : «Ils ont mis un certain temps à préparer la chaîne autour de son cou, quand ils ont commencé à la soulever, j’ai entendu les os et les ligaments dans son pied craquer », en effet, cumulant cruauté et bêtise, les tortionnaires avaient « oublié » qu’une de ses pattes était encore enchaînée à la voie ferrée. Mary se débat et la chaîne qui n’est pas assez solide, casse. Mary retombe lourdement sur le sol. Elle tente de se redresser, mais elle est clouée par la douleur d’une fracture à la hanche. Croyant Mary libérée, la foule panique et fuit. Un ouvrier « a couru sur son dos comme si il montait sur une petite colline et a rajouté une plus lourde chaîne ». Le treuil est remis en marche et Mary meurt. Enfin. Son corps est resté pendu pendant une demi-heure puis a été jeté dans une grande fosse, creusée avec une pelle mécanique, en face de la porte de l’atelier de chemin de fer. Ainsi pris fin l’ignoble martyr de Mary, la mort la libérant enfin d’une vie de misère et d’esclavage.
De nos jours, certain habitant de La ville d’Erwin voudrait que la mémoire de Mary soit honoré mais les autorités de la ville, ne veulent pas de cette publicité et être connu comme «la ville qui a pendu un éléphant». Les représentants de la Chambre de commerce ont eu cette formule. « Nous avons tué l’éléphant, nous ne le nions pas, mais ce n’est pas notre faute ». Mais il faut comprendre ces autorités, après tout l’état du Tennessee a déjà un lourd passé à assumer, c’est sur son territoire que naquit le funeste Ku Klux Klan qui se livra au lynchage de nombres de personnes noires innocentes. Alors de là a endosser aussi celui de bourreau d’éléphant !
Vous qui aimez les animaux et voulez les voir libres, ne soyez pas accablés par la sombre histoire de Mary et gardez l’espoir. Le peuple américain qui, après tant d’années d’esclavage et de ségrégation de la communauté afro-américaine, a été capable d’élire un président noir, réussira sûrement dans un futur proche à abolir l’esclavage des animaux. Jusqu’à ce jour de joie, continuons à entretenir le souvenir de Mary et à travailler à la libération de tous les animaux bien vivants et toujours captifs.
M.C. Christaky