En juin 2016, les autorités de Buenos Aires prenaient la décision historique de fermer définitivement les portes du célèbre zoo de la capitale argentine, vieux de 140 ans, sous la pression des défenseurs des animaux, des scientifiques et des mentalités en constante évolution sur la question de la condition animale. Aujourd’hui transformé en parc écologique, la méfiance reste pourtant de mise quant aux intentions des nouveaux exploitants et des conditions de vie et de transfert des animaux.
Ouvert tous les jours, tout au long de l’année, et ce depuis 1875, le parc zoologique de Buenos Aires ne détenait pas moins de 2 500 animaux en son antre. Ces dernières années, des rumeurs bientôt fondées relatant des cas de maltraitance s’étaient propagées jusqu’à créer le scandale et, en 2016, la fermeture définitive du zoo. Ce dernier, qui se vantait d’être le seul parc animalier au monde à proposer à ses visiteurs des moments privilégiés en contact direct avec les animaux les plus sauvages, a ainsi fini par céder sous le poids de la justice. En effet, si les tigres, ours et autres girafes semblaient poser volontiers pour les téléphones portables des touristes en train de les caresser ou de les promener, c’est parce que les soigneurs les droguaient afin qu’ils soient le plus docile possible. Sans oublier des cas d’évasion ou la mort de plusieurs animaux, dont un ours polaire, deux lions de mer et un girafon d’à peine quelques jours.
Même année, même pays. Le zoo de Mendoza, inauguré en 1941, a lui aussi été contraint de baisser le rideau suite à des centaines de décès en son sein en seulement deux ans – daims, pumas ou encore une panthère noire – et une plainte pénale déposée à l’encontre de sa directrice, Mariana Caram. Son pensionnaire le plus tristement célèbre n’était autre que l’ours polaire Arturo, rapidement surnommé « l’ours le plus triste du monde » et décédé en juillet 2016 à l’âge de 31 ans. Les canicules à répétition et les 23 années qu’il passa en captivité ont finalement eu raison de l’animal, qui souffrait également de dépression depuis la mort de l’ourse Pelusa, avec laquelle il avait partagé la même cellule et le même calvaire durant 14 ans.
Mais à l’image du zoo de Buenos Aires, celui de Mendoza a lui aussi pu rouvrir ses portes en 2019, arborant désormais la reluisante étiquette « d’écoparc ».
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A première vue, l’idée semble noble : métamorphoser les parcs zoologiques d’un autre âge où les animaux sont privés de leur habitat naturel et contraints de vivre cloitrés sous les regards intrusifs d’un flot continu de visiteurs, en des parcs dits écologiques, éducatifs en matière d’environnement, de faune et de flore, voire en des refuges pour animaux victimes de braconnage ou en voie d’extinction. En somme, se réinventer, divertir les touristes autrement – et en particulier les jeunes – tout en les sensibilisant.
Pourtant, si certains considèrent les écoparcs comme le symbole d’une véritable évolution en matière de condition animale, d’autres, comme le collectif Sin Zoo (« sans zoo », en espagnol), déplorent le fait que ces structures 2.0 ne mettent finalement pas un terme à l’exploitation animale au profit de l’humain, ni aux cas de maltraitance, ni aux problèmes d’exhibition. De plus, la réintroduction de tous ces animaux en situation transitoire dans leur habitat naturel se révèle parfois impossible.
C’est notamment le cas de la célèbre femelle orang-outang Sandra, une hybride de deux espèces différentes qui courrait un grand danger si elle devait retourner à l’état sauvage. Pourtant, après une vie entière passée en captivité, d’abord en Allemagne, puis au zoo de Buenos Aires, Sandra a finalement été transférée en 2019 vers la réserve de Wauchula, en Floride, où vivent d’autres orangs outans victimes des cirques et des zoos.
Et cela, grâce à une décision de justice historique et sans précédent.
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En 2015, un tribunal argentin a officiellement décrété que Sandra était « un être sensible », « un sujet non humain ayant le droit à la liberté », et pouvant bénéficier de l’habeas corpus, comme n’importe quel être humain. Le jugement spécifiait que l’espace sensoriel réduit imposé à l’animal pendant toutes ces années de captivité lui faisait courir un grave danger et que son transfert vers une zone plus vaste était urgent.
En France aussi, la réforme de 2015 du Code civil a permis de modifier le statut des animaux, les distinguant ainsi des autres « biens » et les reconnaissant désormais en tant qu’« êtres sensibles ».
Cependant, le combat continue. En effet, les idées d’un autre temps et les clichés voulant que les zoos demeurent des lieux pédagogiques permettant de sauvegarder des espèces en voie de disparition et d’offrir l’opportunité au grand public d’observer leur comportement au quotidien ont la dent dure. Le manque d’espace, le stress généré par l’afflux constant de visiteurs et un mode de vie à mille lieux de leur habitat naturel amènent les animaux captifs à se comporter de manière bien différente qu’ils ne le feraient à l’état sauvage, rendant ainsi obsolètes les arguments avancés par les partisans des zoos.
Plus nous en découvrons à leur sujet – empathie, sensibilité, communication, mémoire… – et plus il devient difficile de percevoir les animaux comme de simples produits à exhiber et à exploiter.
L’humain, avec l’ouverture de ces fameux écoparcs, en est donc aujourd’hui à essayer de réparer ses erreurs, à tenter de rafistoler les pots cassés… pour enfin cesser de considérer l’animal comme une espèce inférieure ? Seul l’avenir le dira. En attendant, les initiatives argentines sont d’ores et déjà scrutées de très près par ceux que les histoires d’Arturo et de Sandra ont touchés en plein cœur.
Julie Guinebaud
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Sources :
https://mrmondialisation.org/le-zoo-de-buenos-aires-ferme-de-force-2-500-animaux-bientot-liberes/