De nombreuses mises en scène ou interactions avec des animaux sauvages exercées par les influenceurs ont été relevées dernièrement sur les réseaux sociaux.
D’après le dictionnaire Le Robert, l’influence en tant que tel se définit comme la manière pour une personne d’influencer l’opinion, et d’avoir un impact sur la consommation du fait de son audience sur les réseaux sociaux. Aucune définition légale n’était posée jusqu’alors.
De nombreuses actions collectives ont vu le jour pour la mise en place d’un encadrement de cette nouvelle mode de l’influence. Ainsi en est-il de la demande de l’association protectrice de l’environnement, AVES France, de poser l’interdiction aux influenceurs de se mettre en scène et d’interagir avec des animaux sauvages, dans un but commercial d’auto-promotion.
Les Sénateurs LR, Arnaud Bazin et Céline Boulay-Espéronnier, ont accepté de déposer des amendements proposant d’interdire les interactions et mises en scène d’influenceurs avec des animaux sauvages. Le 1er juin 2023, les parlementaires ont voté en commission mixte paritaire le texte visant à lutter contre les arnaques des influenceurs. Ce texte s’inscrit dans un axe majeur et nécessaire afin d’encadrer ces pratiques abusives. Sont ainsi concernés de manière plus globale, la promotion des pronostics sportifs, des jeux de hasard et d’agent, et des usages des animaux sauvages.
Le texte apporte en premier lieu une définition légale de l’influence. Il s’agit de personnes physiques ou morales qui, contre rémunération ou avantages en nature, « mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer » en ligne « des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque ».
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Ainsi, selon son article 4, IV, est posé l’interdiction aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, impliquant des animaux n’appartenant pas à la liste fixée par arrêté et mentionnée à l’article L. 413-1 A, I, du code de l’environnement. Cette liste concerne alors les animaux pouvant être détenus et considérés comme de compagnie ou dans le cadre d’élevages d’agrément.
Désormais, un encadrement législatif est inscrit contre les actes ou la mise en scène sur les réseaux sociaux des influenceurs, avec des animaux sauvages dont la détention en tant qu’animal de compagnie est interdite.
L’ambition est ainsi de protéger les animaux sauvages contre leur usage à but lucratif. En effet, les influenceurs usent de techniques pour faire augmenter leurs abonnés, mais surtout, pour faire le buzz, et ainsi, récolter le plus d’argent possible. Ces buzz leurs permettent d’obtenir des partenariats publicitaires.
Cette nouvelle loi s’inscrit dans la lignée de la Loi du 30 novembre 2022 visant à lutter contre la maltraitance animale. Elle concernait de manière prononcée la protection des animaux sauvages, notamment sur l’interdiction de leur exploitation dans les spectacles itinérants, ainsi que lors de représentations en discothèques. Elle avait également eu pour but d’encadrer leur présence dans les jeux de variété ou télévisé.
Cette mode de l’influence, qui s’est développée partout dans le monde, l’a également été en France, malgré la volonté grandissante de mieux protéger les animaux. Sur 150 000 influenceurs du territoire national, une partie a fait l’échos de nombreuses critiques.
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Il faut bien noter que les influenceurs ne font pas directement de la promotion de ces animaux sauvages. Ces derniers ne sont pas destinés à être vendus comme un bien meuble, ni comme un service tels que les services de chirurgie esthétique, qui peuvent s’avérer très dangereux, et même dégradant pour certains. La notion d’influence commerciale ne semble pas concerner l’influence avec les animaux.
Les vidéos avec des animaux sauvages font partie des éléments qui se monnaient relativement cher : shooting photo avec des serpents, des ours, ou encore, avec le serval… L’animal sauvage fascine le public. À ce titre, ce sont plus de 40 milliards de vues uniques qui sont générées par mois. Un seul et même post sur les réseaux sociaux peut atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros.
L’influence exercée avec les animaux sauvages alimente le trafic des espèces non domestiques et participe au mal-être des animaux. Ces pratiques encouragent les naissances en captivité dans la mesure où les petits sont plus faciles à manipuler, plus dociles, potentiellement moins dangereux et beaucoup plus appréciés sur les réseaux sociaux… à l’expression de « ce qui est petit est mignon ».
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Le WWF estime le marché de ce trafic à 19 milliards de dollars par an. Selon l’Office français de la Biodiversité, il s’agit de la troisième activité criminelle la plus lucrative au monde, après les trafics de drogue et d’armes.
Après leur naissance, les jeunes animaux sauvages sont exploités pour le profit. Une fois le temps de la source de nouveauté dépassée pour les followeurs, les animaux restent en captivité toute leur vie. Ils ne connaîtront jamais la liberté, la vie sauvage qui leur était pourtant destinée.
L’interdiction de photos avec des animaux non domestiques en France permettra d’enrayer les pratiques illégales relatives au trafic de ces animaux.
En cas de violation des interdictions posées par le texte, les influenceurs risquent une peine jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une peine d’amende de 300 000 euros, ainsi qu’une interdiction d’exercer.
La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) aura un rôle davantage prononcé de régulateur des pratiques illicites, par la mise en place d’astreintes et de mises en demeure.
Les réseaux sociaux doivent collaborer avec l’État afin de réguler les pratiques liées à l’influence commerciale et favoriser l’information du public. Les victimes directes, que ce soit les consommateurs, ou les animaux sauvages, pourront être indemnisées ou mieux protégées. Le texte a pour objectif final de créer un pacte au sein de l’Union européenne, de la Suisse et de l’espace économique européen, pour la souscription d’une assurance civile dans l’union.
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Pour autant, l’encadrement des influenceurs est encourageant dans la limite du développement de l’économie numérique, l’utilisation massive des réseaux sociaux et la numérisation des habitudes d’achat des consommateurs.
Depuis 2022, la DGCCRF a exercé seulement 87 contrôles et seuls 19 procès-verbaux ont été dressés. La difficulté de l’effectivité de cette loi s’explique par le nombre d’influenceurs, les contenus diverses dont certains sont éphémères et de la passivité des plateformes en ligne à traiter les signalements. La responsabilité des plateformes sera davantage mise en jeu, et elle sera renforcée notamment par la perspective de l’examen du projet de loi sur le numérique envisagé par le Gouvernement.
Ensuite, il s’agit d’une disposition concernant les animaux, inscrite dans la section relative à l’encadrement de certains biens ou services. Or, l’animal n’est plus considéré comme un bien meuble depuis la Loi du 18 février 2015 modernisant le statut juridique de l’animal, mais comme un « être vivant doué de sensibilité » selon l’article 515-14 du Code civil. Ils sont alors protégés par cette avancée, mais dans le même temps, ces derniers sont toujours soumis au régime des biens.
Enfin, que ce soit un bien ou un service, l’utilisation des animaux entre dans une limite subtile. Lors des débats parlementaires, il est rappelé que cette interdiction ne s’appliquerait qu’aux personnes ayant une activité d’influence. Ainsi, une personne en vacances à l’étranger peut très bien poster une photo avec un animal dans le cadre de loisirs.
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Dans cette idée, un poisson dans un aquarium sera-t-il aussi bien protégé qu’un gorille dans un zoo par cette loi ? De même, l’usage des éléphants par les vacanciers lors de balades sera-t-il autorisé quand le même usage est exercé par un influenceur ? Il est fort bien connu depuis plusieurs années, que les animaux utilisés dans le cadre touristique souffrent des conditions d’exploitation.
Par ailleurs, l’interdiction posée par le texte ne s’applique pas aux établissements autorisés à détenir ces animaux conformément à l’article L. 413-3 du code de l’environnement. Il s’agit des zoos, des cirques fixes et des élevages professionnels. Ces établissements ont la possibilité de se servir de leur notoriété pour faire la promotion de leur activité, ou d’un bien, en impliquant un animal sauvage tout en recevant une contribution financière. Cette possibilité peut laisser place à de nouvelles dérives, alors même que les cirques avec animaux ne devront plus exister après 2028…
L’absence de clarté de la disposition législative induit à ce que certaines pratiques ne soient pas, peu ou mal encadrées. La loi n’aura pas pour effet de permettre le contrôle de tous les contenus publiés. Elle fera même l’objet d’interprétation en fonction des cas qui se présenteront lors de ces contrôles de contenus.
Anne-Caroline
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Sources.
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-489.html
https://www.vie-publique.fr/loi/288793-regulation-des-influenceurs-proposition-de-loi-delaporte-vojetta#:~:text=Linkedin%20(nouvelle%20fen%C3%AAtre)-,Loi%20du%209%20juin%202023%20visant%20%C3%A0%20encadrer%20l‘influence,influenceurs%20sur%20les%20r%C3%A9seaux%20sociaux&text=La%20loi%20d%C3%A9finit%20et%20encadre,le%20public%20est%20souvent%20jeune.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030250342/2023-06-14/