Commission nationale faune sauvage captive : Le Ministère choisit d’écouter les intérêts des industries de la captivité animale.

Création de la Commission

Incluse dans la loi 2021-1539 contre la maltraitance animale, par l’article 46 du chapitre 3, le ministère de la Transition écologique devait redéfinir la réglementation de la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive (CNCFS). Elle existait déjà réglementairement par l’arrêté de 1999 mais aucune existence juridique ne l’encadrait avant la loi. Le rôle de cette commission est principalement de travailler sur les textes d’application de la loi (notamment sur la création de la liste positive) et de délivrer un avis sur l’obtention des certificats de capacité aux dresseurs.

« Art. L. 413-9.-Une commission nationale consultative pour la faune sauvage captive est placée auprès du ministre chargé de la protection de la nature, qui en fixe par arrêté l’organisation et le fonctionnement et en nomme les membres.
« Elle est composée :
« 1° De personnalités qualifiées en matière de recherche scientifique relative à l’éthologie, à la reproduction, à la conservation, aux caractéristiques biologiques et aux besoins des animaux non domestiques ;
« 2° D’un vétérinaire spécialiste de la faune sauvage ;
« 3° De représentants du ministre chargé de la protection de la nature, d’un représentant du ministre chargé de l’éducation, d’un représentant du ministre chargé de l’agriculture et d’un représentant du ministre chargé de la recherche ;
« 4° De représentants d’organismes internationaux actifs en matière de conservation des espèces ;
« 5° De représentants des associations de protection des animaux ;
« 6° De représentants des associations d’élus locaux ;
« 7° Et, sur désignation du président de la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive, en fonction de l’ordre du jour, des représentants des établissements soumis au présent chapitre.
« Ses membres exercent leurs fonctions à titre gratuit.
« La commission nationale consultative pour la faune sauvage captive peut être consultée par le ministre sur les moyens propres à améliorer les conditions d’entretien ainsi que de présentation au public des animaux d’espèces non domestiques tenus en captivité.

En mars 2023, soit plus d’un an après la promulgation de la loi, le Ministère publie enfin le fonctionnement et la constitution de la Commission par les arrêtés du 9 mars 2023 fixant les conditions d’organisation et de fonctionnement de la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive et du 27 mars 2023 portant nomination à la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive en formation d’étude de la faune sauvage captive.

Credit : Unsplash

Une belle mascarade

L’un des problèmes les plus alarmants dans la constitution de cette commission est que la représentation des différentes parties ayant des intérêts est totalement déséquilibrée.

En effet, sur les 64 personnes nommées en titulaires ou suppléants :

  • 27 sont liées à l’industrie des zoos
  • 14 sont liées à l’industrie de l’élevage des Nac non domestiques
  • 4 sont liées à l’industrie des cirques
  • 2 sont liées à l’industrie de la fauconnerie
    • Soit : 47 personnes / 64 ont des intérêts de la captivité des animaux sauvages.
  • 6 sont des représentants de la protection animale
  • 4 sont des représentants des structures d’accueil faune sauvage et centres de soin
    • Soit 10/64 personnes ayant pour intérêt la protection animale.
  • 2 sont des représentants de la conservation in-situ
  • 5 sont des représentations locaux ou nationaux (Mairies et DDPP)

Pire encore, dans la formation qui est censée rendre des avis sur l’obtention des certificats de capacité des dresseurs quant à la détention des animaux sauvages, aucune ONG n’est présente.

Pour information, la commission nationale précédente créée en 1999 était composée des membres suivants :

  • 9 responsables d’établissements détenant des animaux d’espèces non domestiques ;
  • 9 personnalités dont le directeur général du Muséum national d’histoire naturelle ou son représentant, qualifiées pour leur compétence dans les sciences biologiques, dans l’étude, l’exploitation et le contrôle des établissements détenant des animaux d’espèces non domestiques ou dans la formation des personnels travaillant dans ces établissements.
  • 7 représentants des ministères intéressés.

Le Ministère a certes inclus des ONG de protection animale, comme le veut la loi, mais a triplé le nombre de représentants d’intérêt de l’industrie de la captivité.

Face à une telle disproportion, Code animal attaque le Ministère de la Transition Ecologique devant le Conseil d’Etat.

Credit : Unsplash

Un recours gracieux

Comme le veut la procédure, Code animal, représenté par son avocat Andréa Rigal-Casta, du cabinet Géo Avocats, adresse un recours gracieux au Ministre de l’époque Christophe Béchu relatif à la nécessaire modification de l’arrêté du 9 mars 2023 fixant les conditions d’organisation et de fonctionnement de la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive.

« La place accordée aux associations de protection des animaux au sein de la Commission nationale consultative n’a rien d’anodin. La participation des associations constitue en outre un gage de collégialité pour une plus grande objectivité, pour contrebalancer la position des représentants des établissements détenant des animaux sauvages. », « Une telle composition apparait d’une part comme étant éminemment disproportionnée. Ce déséquilibre est particulièrement incompréhensible en ce que ces établissements ont un intérêt particulier à formuler des avis les plus défavorables possibles lorsqu’il s’agit de restreindre leurs activités, alors que les associations sont mues par la défense de leur objet, qui est d’intérêt général. ».

Nous demandons donc notamment de rééquilibrer la représentation de ces groupements d’intérêts au sein de la Commission avec celle offerte aux associations de protection animale.

 Notre recours gracieux reste sans réponse.

Credit : Unsplash

Recours devant le Conseil d’Etat.

Nous décidons donc de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat en septembre 2023 avec un recours en annulation pour les raisons précitées notamment.

En l’absence de réponse du Ministère, nous recevons un courrier du Conseil d’Etat le 30 janvier 2024 précisant une clôture d’instruction le 23 février 2024.

Un mémoire du Ministère reçu le 23 février 2024.

Sans grande surprise, le Ministère publie un mémoire en réponse le jour de la clôture de l’instruction afin de gagner du temps dans la procédure. Il se défend en mentionnant que les dispositions de la loi ne fixent aucune règle de parité entre ces différentes catégories, ni même de représentativité numérique particulière pour chacune d’entre elles. De plus, le Ministère précise que les représentants d’intérêt dans l’industrie de la captivité sont nommés par le président de la commission en fonction de l’ordre du jour, et en fonction de leurs activités qui, comme le souligne le Ministère est d’une grande diversité (cirques, zoos, fauconniers, aquariums, animalerie, etc.). Or, est-ce réellement le cas lors des réunions ? Le ministère refuse de nous communiquer les comptes-rendus, ce qui est contraire à la loi puisqu’il s’agit de réunions publiques : une autre procédure administrative est actuellement en cours à ce sujet.

« Il résulte de ce qui précède que cette composition garantit la prise en compte de l’ensemble des enjeux inhérents aux conditions d’entretien, de présentation au public et de détention des espèces de faune sauvage, conformément à la mission spécifique confiée à la formation d’étude. Elle est ainsi en mesure d’éclairer utilement l’autorité administrative compétente quant à la portée des décisions susceptibles d’intervenir en cette matière. »

En ce sens, le Ministère conclut en disant que « Cette nouvelle composition assure ainsi une plus grande représentativité des associations de protection animale ainsi que la pleine effectivité de leur participation – dont la valeur ajoutée en termes d’expérience et de connaissances de la faune sauvage captive est réelle. »

Code animal et le Ministère proposent chacun un mémoire complémentaire sur ces différentes observations pour abonder dans le sens de nos conclusions respectives.

Credit : Unsplash

Une audience au Conseil d’Etat

Le 9 décembre 2024, Code animal et Géo Avocats ont eu une audience devant le Conseil d’Etat. Les conclusions sont incertaines puisque le jugement reposerait en grande partie sur l’interprétation quasi personnelle de la juge sur la loi 2024-1539.

Verdict

Le 31 décembre 2024, le verdict tombe enfin ! Il précise que l’article de l’arrêté ministériel organisant la formation « certificat de capacité » de la CNCFS est annulé, faute de représentants d’associations prévus pour y siéger.

En revanche, le Conseil d’État refuse de sanctionner l’évidente disproportion de la formation « consultation » de la CNCFS au motif que la loi du 30 novembre 2021 ne précise aucune « règle relative à l’équilibre ou à la proportion de ses différentes composantes« .

Un tel biais institutionnel n’est il pas à corriger d’urgence dans un régime démocratique ?

Il est vrai que cette inégalité représentative n’est pas une exception, les commissions chasse par exemple sont elles aussi bien souvent majoritairement composées de représentants pro-chasse, privilégiant les intérêts de lobbies et ralentissant ou interdisant toute avancée en faveur des animaux.

Une analyse est en cours de rédaction de la part de notre avocat, nous la partagerons sur nos réseaux sociaux !

Credit : Unsplash

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047351079

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047351226

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000210327