Plusieurs études ont montré que la plupart des virus à ARN existant et pouvant représenter un danger pour l’Homme sont d’origine zoonotique.
Nipah, SARS, MERS, Hendra, Ebola… La liste des virus transmis à l’Homme par des animaux sauvages est longue et parfois meurtrière.
La récente crise sanitaire engendrée par le COVID 19 a plus que jamais relancé le débat autour du commerce d’animaux sauvages et notamment autour de la biosurveillance dans les marchés exposant de la faune sauvage.
Plusieurs experts s’accordent à dire qu’un système décentralisé de biosurveillance [1] de ces maladies est nécessaire afin de pouvoir tester les agents pathogènes partout dans le monde pour mieux anticiper et contrôler les zoonoses (maladies infectieuses transmises de l’animal à l’Homme) dans le futur.
Ce que déplorent des experts à l’heure actuelle, c’est en particulier l’absence de standard et de base de données sur le risque de transmission des maladies et le dépistage des agents pathogènes dans le commerce légal d’animaux sauvages.
C’est pourquoi partout dans le monde, des chercheurs s’entendent à dire qu’une biosurveillance accrue et une règlementation plus stricte du commerce d’animaux sauvages autour du globe est primordiale si nous ne souhaitons pas enchaîner les pandémies dans les années à venir.
[1] Méthode utilisant le vivant pour surveiller l’évolution, des modifications, des altérations, ou la stabilité de la qualité d’un milieu. Source : https://www.actu-environnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/biosurveillance.php4
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État des lieux sur la biosurveillance
Dans certaines zones du globe où la biodiversité est importante, le risque de zoonose est très présent. Malheureusement, peu de laboratoires sont en mesure de dépister les agents pathogènes dans ces régions.
En effet, à date, seuls 125 laboratoires sont qualifiés pour le dépistage de pathogènes animaux autour du globe et ils sont en grande majorité situés dans des zones où le risque de zoonose est loin d’être majeur (en Europe et Amérique du Nord). Cette situation limite la biosurveillance à l’échelle mondiale tout comme elle limite la rapidité et l’efficacité d’une réponse en cas de début de pandémie.
En partant de ce postulat, des chercheurs du Wildlife Disease Surveillance Focus Group ont mis en place un groupe de travail afin d’intensifier la biosurveillance dans les régions les plus délaissées en termes de biosurveillances. Selon eux, il est nécessaire de mettre en place un système décentralisé et opérationnel, essentiellement dans les régions du globe les plus à risques.
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Le contrôle du commerce international d’animaux sauvages : mythe ou réalité ?
Si une telle biosurveillance des marchés parvenait à être mise en place, qu’en est-il des animaux sauvages exportés à l’international, légalement ou via des réseaux illégaux ?
La propagation des agents pathogènes pourrait ici passer entre les mailles du filet. D’après plusieurs experts, l’impact sur la transmission des maladies reste le même que le commerce soit légal ou non car la surveillance du commerce légal d’animaux sauvages est imparfaite (manque de formation du personnel aux frontières ou dans les ports, manque de temps ou d’effectif ou tout simplement d’un manque de rigueur, les inspections sont souvent succinctes). C’est pourquoi se concentrer uniquement sur le trafic d’animaux serait une erreur. De nombreux progrès restent encore à faire dans l’encadrement du commerce légal.
Dans ce cas de figure, seul un renforcement des inspections pourrait permettre de limiter les risques de zoonose.
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Vers une meilleure mesure du risque ?
Toutes les stratégies énoncées précédemment peuvent prendre du temps à mettre en place et c’est pourquoi il semble nécessaire de prioriser d’une manière ou d’une autre les actions à mener.
Une collaboration entre la WWF et plusieurs chercheurs a permis la création d’une matrice d’évaluation rapide des risques.
Ce groupe de travail est parti d’un constat simple : comme un arrêt total du commerce d’animaux sauvages semble peu probable dans notre monde actuel, il est nécessaire de mettre en place une surveillance ciblée selon les marchés d’animaux sauvages.
Cette matrice devrait être utilisée sur les marchés d’animaux sauvages d’Asie Pacifique afin d’apporter un soutien aux autorités gouvernementales sur place dans l’évaluation du risque de leurs différents marchés. 11 situations ont été identifiées selon les 3 facteurs suivants :
- Le risque de transmission
- Le potentiel de propagation
- Le risque de zoonose
Un score est ensuite attribué à chaque marché selon les critères qu’il comprend (l’hygiène sur place, la fréquentation du lieu, la taille du marché, les conditions de vie/stockage des animaux etc.)
Photo credit : One Health, Volume 13, December 2021, 100279
Les risques de maladies sont aussi classés selon les différentes familles d’animaux et leur niveau de risque. Exemple : les chauves-souris sont classées à haut risque en termes de zoonose alors que les poissons sont à faible risque.
Par la suite, les 11 situations (risque du type de marché) et le risque lié à la famille (le type d’animal) sont rassemblés pour établir un risque global plus ou moins important.
Source : One Health, Volume 13, December 2021, 100279
Exemple : si le risque de la famille ainsi que celui du marché sont très hauts, alors le risque global sera très haut.
Au-delà des problématiques sanitaires, la place de l’éthique animale
Pour conclure, on peut affirmer que la crise du COVID 19 a initié de nouveaux travaux en ce qui concerne la biosurveillance des marchés d’animaux sauvages mais également de nombreuses remises en question sur nos modes de consommation actuels.
Si la plupart des gens, experts ou non, s’accordent à dire que l’arrêt du commerce d’espèces sauvages relève de la fiction, tous ne sont pas de cet avis. C’est notamment le cas de la vice-présidente de la politique internationale de Wildlife Conservation Society, une ONG américaine dont la mission est la préservation de la nature.
A son sens, la biosurveillance des marchés et la mise en place de davantage de restrictions dans le commerce d’animaux sauvages est une bonne chose, mais ces démarches ne suffiront pas à éliminer le risque de zoonose. La véritable réflexion derrière ces problématiques sanitaires actuelles relève de notre nécessité ou non de continuer à utiliser la faune sauvage dans notre consommation.
La théorie selon laquelle ces animaux répondent à des besoins nutritionnels ne suffit pas puisque cela n’est vrai que pour un nombre très limité d’humains sur terre. En effet, peu d’êtres humains sont réellement dépendants de la consommation de faune sauvage pour leur survie. Pour la grande majorité des consommateurs, cette consommation vise uniquement à leur apporter plus de variété ou bien relève des habitudes alimentaires ou de phénomènes culturels.
A noter qu’en Chine, depuis le 24 février 2020, le gouvernement a décidé d’interdire la vente et la consommation d’animaux sauvages pendant la pandémie du COVID 19. Cette décision a par la suite été rendue permanente via la mise en place d’un nouveau projet de loi. C’est une première avancée majeure bien que cette loi ne couvre pas tout le commerce d’animaux sauvages puisque leur utilisation dans la médecine traditionnelle chinoise n’y est pas prise en compte.
Mais au-delà de tout cela, il faut garder à l’esprit que les animaux sauvages sont des êtres vivants doués de sensibilité. La plupart des marchés sur lesquels ils se retrouvent les exposent dans des conditions épouvantables qui au-delà d’impacter notre santé, impactent fondamentalement leur bien-être. Entassés dans des cages superposées les unes aux autres, privés d’espace et de nourriture, les animaux sont encore très souvent considérés comme de simples marchandises, leur souffrance et leur mal-être étant totalement ignorés.
Johanna Nief
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Sources
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352771421000690?via%3Dihub
https://www.bbc.com/afrique/monde-51329901