En quoi la détention des éléphants est-elle génératrice de stress, voire de maladies, chez les pachydermes ? Réponses sous forme de comparatif.
Un animal grégaire
Les éléphants ont une vie sociale très organisée. Se déplaçant en troupeau de plusieurs dizaines d’individus, la harde est généralement assez stable et s’organise autour d’une matriarche.
Cette vie hautement grégaire induit une communication avec les congénères par contact tactile et olfactif notamment.
Dans les cirques, les éléphants n’ont pas la possibilité de reconstituer cette vie sociale, étant soit détenus seuls, soit enchaînés au sol ou dans un camion.
Des « nomades »
Ces animaux vivent sur de vastes territoires pouvant atteindre 1500 km2. Leur anatomie est adaptée au nomadisme, la moyenne des déplacements quotidiens étant de 17km.
Les sorties quotidiennes sur la piste ne sauraient être suffisantes afin de répondre aux besoins de mobilité de ces géants.
Les attaches sont fréquentes et les immobilisent totalement. Les pachydermes « tissent » (stéréotypie) afin notamment de substituer ce manque de déplacement car comme le stipule le biologiste Henri Laborit « un système nerveux c’est fait pour agir (1)».
L’European Association of Zoo and Aquaria (EAZA) recommande 400m2 pour 3 éléphants en plus de l’espace intérieur. Préconisation, qui bien que très loin de la réalité des cirques, serait encore 60 à 100 fois trop petit selon des spécialistes du département de zoologie de l’Université d’Oxford (2).
Hygiène et plaisir
Que ce soit en Afrique ou en Asie, dès qu’ils le peuvent, les éléphants sont en contact avec l’eau. Ils boivent fréquemment et en quantité (80 à 160 litres par jour). L’eau est également une composante importante dans la vie sociale et pour l’hygiène de l’animal : les bains pouvant durer plus de 2 heures chaque jour. De plus, les bains de boue et de poussière sont une protection contre les parasites, mais également une protection efficace contre les coups de soleil.
Dans les établissements itinérants, il est coutume de dire (dixit) qu’« un éléphant qui boit est un éléphant qui pisse ! », or les personnes du cirque ne veulent pas prendre le risque de voir la piste inondée, de ce fait, les animaux ne sont abreuvés que très tôt le matin et tard le soir après la dernière représentation. L’accès à la baignade est inexistant. Toute cette composante de la vie sociale et physiologique des éléphants est ignorée.
Que signifient les troubles du comportement ?
Selon Mac Bride et Craig (3), ces comportements stéréotypés sont les « manifestations d’un échec à s’adapter de façon appropriée, et peuvent donc acquérir valeur de critère pour l’adéquacité des environnements d’hébergement au long cours pour les animaux. »
Selon I.Hannier (4), ces troubles du comportement sont des «marqueurs des états de mal être chroniques».
Selon F.Wemelsfelder (5), « les stéréotypies sont la preuve de l’existence d’une souffrance chronique ».
Selon le Dr Marie-Claude Bomsel (6): « Un mouvement stéréotypé c’est dû au fait qu’on ne peut exprimer son répertoire comportemental, donc on le fait de façon partielle et après ça s’inscrit vraiment dans le système nerveux et on le fait comme un passage à vide, presque pour ne pas penser, une espèce de pansement du système nerveux du cerveau et qui permet de supporter l’insupportable, un vide absolu, le néant total. »
Le zoologue Fred Kurt considère que ces mouvements stéréotypiques chez l’éléphant peuvent être apparentés à la folie humaine…
Quand aux zoologues du zoo de Vienne, ils concluent leur étude sur la captivité des éléphants dans les cirques :
« Pour les raisons que nous venons d’exposer, et en particulier à cause de leurs caractéristiques biologiques entraînant un comportement social très développé, il est impossible pour les cirques de détenir des éléphants dans des conditions en accord avec les besoins de chaque animal. Une autre raison de rejeter la détention des éléphants dans les cirques est le fait qu’ils sont une espèces menacées (7) »
(1) LABORIT Henri, « The major mechanism of stress, Methods and Achievements in experimental pathology », basel, Karger, 1991
(2) CLUBB Ros and MASON Georgia, , A review of the welfare of zoo elephants in Europe, Université d’Oxford / RSCPA, 2002
(3) BRIDE Mc, GLEN & CRAIG, J.V., « Environmental design and its evaluation for intensively housed animals» in Bresard B., 1985.
(4) HANNIER I., in le point vétérinaire vol.26 n°165, février 1995.
(5) WEMELSFELDER, F., “The concept of animal boredom and its relationship to stereotyped behaviour” in : Lawrence, A.B. & Rushen, J. (Éds). Stereotypic Animal Behaviour. Fundamentals and Applications to Welfare. CAB International, U. K.,1993. Images filmés dans la ménagerie du cirque Arlette Grüss en septembre 2005.
(6) Interview du Pr Bomsel – 30 millions d’Amis – 01/02/2009
(7) SCHWAMMER Harald Dr, PECHLANER Helmut Dr, GSANDTER Hermann, BUCHL-KRAMMERSTATTER Dr, Guidelines for keeping of wild animals in circuses, Vienne 1996.